Le gâteau n'est pas encore sorti du four. Mais son partage fait déjà débat. Alors que l'Union européenne souhaite que les géants américains du Net contribuent au déploiement des réseaux télécoms sur le Vieux Continent, les collectivités françaises veulent mettre la main sur une partie du grisbi. Pas question, en clair, que les opérateurs comme Orange, SFR, Bouygues Telecom ou Free, en soient les seuls bénéficiaires. C'est le message qu'a fait passer ce mardi Patrick Chaize, le sénateur de l'Ain (LR) et président de l'Avicca, qui regroupe les collectivités impliquées dans le numérique.
Celui-ci argue que les opérateurs ne sont pas les seuls à investir dans les réseaux. Dans les campagnes, le déploiement de la fibre, très avancé, n'a pu voir le jour que parce que les collectivités et l'Etat ont mis la main au portefeuille. C'est grâce à leurs investissements que les Réseaux d'initiative publique (RIP), qui permettent aux habitants des zones rurales et peu peuplées de disposer d'une connexion Internet fixe à très haut débit, ont vu le jour.
L'Etat participerait au banquet
Organisation influente dans l'écosystème des télécoms en France, l'Avicca a déjà une idée pour assurer une redistribution équitable. « Nous demandons qu'une option de gestion collective de la contribution, depuis la négociation jusqu'au paiement, soit prévue », précise Patrick Chaize. Autrement dit, l'idée est que chaque Etat de l'Union européenne dispose d'une structure nationale en charge de déterminer le montant que verseraient les Google, Facebook, Amazon, Netflix, Microsoft ou Apple, puis d'assurer une redistribution à tous les opérateurs d'infrastructures. « Y compris, donc, au bénéfice des RIP des collectivités », martèle Patrick Chaize.
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Pour inciter le gouvernement à défendre cette voie, le président de l'Avicca affirme que l'Etat pourrait, aussi, participer au banquet. « Cerise sur le gâteau, les recettes de cette société de gestion collective serait une base taxable, qui pourrait alimenter des fonds d'aménagement numérique, par exemple », poursuit-il, alors que les financements manquent, aujourd'hui, pour fibrer intégralement la France.
L'exécutif « soutient » l'initiative de Bruxelles
Si ce sujet préoccupe tant les collectivités, c'est parce que les montants évoqués d'une possible contribution des Gafa au secteur des télécoms sont faramineux. Le lobby européen du secteur (ETNO), qui a été en première ligne pour faire avancer ce dossier à Bruxelles, milite pour un chèque de 20 milliards d'euros par an ! Les opérateurs français, eux, espèrent une contribution de 2 milliards d'euros pour l'Hexagone.
Que pense l'exécutif de la proposition des collectivités ? Pour l'heure, il botte en touche. Jean-Noël Barrot, le ministre délégué en charge du Numérique et des Télécoms, s'est refusé, ce mardi, à prendre position. Tout juste a-t-il rappelé que la France « soutient l'initiative prise par la Commission européenne de lancer, début 2023, une consultation » sur la contribution des Gafa aux réseaux télécoms. « Nous espérons qu'elle pourra aboutir le plus tôt possible à des propositions constructives, qui viendront nous aider à financer ces efforts d'investissements considérables qui restent devant nous », a ajouté le ministre.
Les Gafa engloutissent 80% de la bande passante
Il y a, dans tous les cas, une forme d'unanimité sur le fond. L'appétit croissant des Gafa en bande passante pour écouler leurs services oblige depuis des années les opérateurs télécoms à déployer, à grands frais, des tuyaux toujours plus gros. Ils n'ont pas le choix, puisque la neutralité du Net interdit aux Orange, Bouygues Telecom, SFR ou Free de discriminer le trafic de tel ou tel fournisseur de contenus. Dans ce contexte, et sachant que le trafic des Gafam engloutit jusqu'à 80% de la bande passante, la Commission européenne estime normal que ces mastodontes passent à la caisse. Le bras de fer s'annonce féroce.
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