
Jean-Noël Barrot en a fait sa grande priorité dans les télécoms. Le ministre délégué en charge du Numérique souhaite que la « fibre pour tous » soit bien une réalité d'ici à 2025, comme l'a promis Emmanuel Macron. Aujourd'hui, 83% des Français ont accès à cette technologie qui permet de bénéficier d'un Internet ultra-rapide. Mais les derniers foyers à couvrir, les derniers locaux à raccorder, sont toujours les plus difficiles et les plus coûteux. Or, depuis des mois, les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free ont largement levé le pied sur leurs déploiements. Au grand dam de l'Arcep, le régulateur des télécoms, et du gouvernement, lequel craint de ne pouvoir honorer la promesse du locataire de l'Elysée.
Pour relancer les déploiements - à certains endroits « à l'arrêt », comme l'a déploré Jean-Noël Barrot jeudi 28 septembre lors d'une conférence à Paris -, Bercy négocie un deal avec Orange. Selon nos informations, les deux acteurs seraient proches de trouver un terrain d'entente. « C'est une question de jours », affirme une source proche du dossier. Au cabinet de Jean-Noël Barrot, on confirme que « des discussions sont en cours ». L'idée générale est que l'exécutif renonce à sanctionner Orange pour ne pas avoir respecté ses engagements de couverture en fibre des villes moyennes. En contrepartie, l'opérateur disposera d'un délai supplémentaire pour apporter la fibre dans ces territoires, et s'engagera surtout à accélérer fortement ses déploiements dans les grandes villes, où « zones très denses » dans le jargon des télécoms. L'objectif, pour le gouvernement, est que cet effort d'Orange incite la concurrence - c'est-à-dire SFR, Bouygues Telecom et Free - à relancer aussi leurs déploiements pour ne pas perdre des parts de marché. Ce qui permettra, in fine, de bien achever le grand chantier de la fibre dans les délais.
Accélérer la couverture des grandes villes
Les engagements d'Orange comprennent plusieurs volets. En premier lieu, l'opérateur devrait, selon nos informations, s'engager sur un nombre précis de lignes à déployer dans les zones très denses. Cela permettra, nous dit-on, d'approcher les 100% de couverture dans ces territoires d'ici à 2025. Orange va notamment lancer une offre de « raccordable à la demande » (RAD) dans cette zone. Il s'agira d'une offre de détail qui n'existait pas jusqu'alors. Elle permettra, pour les clients qui la demandent, de bénéficier d'un raccordement à la fibre dans un délai de six mois. Orange va d'abord expérimenter cette offre dans deux Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui sont des regroupements de communes, avant de la généraliser. Orange sélectionnera les EPCI les plus en retard dans le déploiement de la fibre, à l'instar de certaines zones pavillonnaires à Arles ou Marseille.
Aujourd'hui, 91% des habitations des grandes villes, qui totalisent près de 7,8 millions de locaux, sont raccordables à la fibre. Le gouvernement voit dans les engagements d'Orange un levier pour s'assurer que tout le monde aura bien la fibre dans ces territoires. Rappelons que, dans les grandes villes, la règle est celle de la concurrence par les infrastructures. Les opérateurs n'y ont, autrement dit, aucune obligation de déploiement.
Relancer la locomotive Orange
Orange ne va pas, non plus, délaisser les villes moyennes et les périphéries des grandes agglomérations, qui représentent plus de 17 millions de locaux. Orange s'était, par le passé, engagé à achever une grande partie de leur couverture en fibre à la fin 2022. Mais avec un taux de couverture de 89% selon l'Arcep, l'opérateur n'a pas tenu sa promesse, et vit depuis sous la menace d'une grosse amende. Dans ces territoires, Orange va aussi lancer une offre de RAD de détail. Celle-ci sera immédiatement disponible. Jusqu'alors, il n'existait qu'une offre de RAD sur le marché de gros, qui était donc inaccessible pour les habitants.
En relançant la locomotive Orange, leader français des télécoms, sur le front de la fibre, le gouvernement espère que SFR, Bouygues et Free vont l'imiter. Ce deal, présenté comme « gagnant-gagnant », ne fera toutefois pas que des heureux. Il y a fort à parier que les collectivités, notamment celles des villes moyennes, seront furieuses de ce nouveau délai accordé à Orange pour apporter la fibre chez elles. Beaucoup appelaient à ce que l'opérateur soit sanctionné d'une amende. Mais le gouvernement en a décidé autrement, estimant qu'un bras de fer avec l'opérateur historique aurait menacé l'achèvement du déploiement de la fibre en 2025.
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