Le nombre de permis de construire a été historiquement bas le mois dernier. Ainsi, 358.600 logements ont été autorisés à la construction entre avril 2023 et mars 2024, soit 19,8% de moins que sur les 12 mois précédents, selon les statistiques publiées par le ministère de la Transition écologique ce mardi. Il faut remonter à 1992 pour trouver une activité aussi faible, d'après la Fédération française du bâtiment (FFB).
Ces données sont le reflet d'une profonde crise de la construction, comme de l'ensemble de la filière du logement. Elle résulte en partie des chocs extérieurs : les prix des matériaux de construction ont flambé depuis la pandémie de Covid et cette situation s'est aggravée avec la crise énergétique consécutive à la guerre en Ukraine. À cela s'ajoute la remontée des taux d'intérêt, résultant de la politique de resserrement monétaire pour lutter contre l'inflation, qui a entamé la capacité des ménages à investir dans l'immobilier.
Le gouvernement est en outre régulièrement accusé de faire des économies budgétaires sur le logement, en réduisant progressivement des dispositifs de soutien à la construction (prêt à taux zéro, niche fiscale Pinel, financement du logement social...). Enfin, les normes environnementales plus strictes, visant à construire des bâtiments moins énergivores et plus adaptés au réchauffement climatiques, ont aussi rendu la construction plus coûteuse, selon les organisations patronales.
Individuels ou collectifs, tous les types logements à la peine
Dans le détail, les maisons individuelles ont obtenu 129.200 autorisations (-22,2%). Ce segment est encore plus lourdement touché qu'il n'y paraît, car le nombre de permis pour ces logements continue de s'éroder mois après mois. Une explication peut être trouvée dans la fin du prêt à taux zéro pour les maisons individuelles, le gouvernement souhaitant moins encourager ce mode d'habitat, qui accentue l'étalement urbain aux conséquences environnementales délétères.
Les logements collectifs ont aussi fait l'objet d'un nombre d'autorisations en chute, bien que la baisse se stabilise : -18,4% sur un an en mars, avec de 229.300 autorisations. Les résidences (étudiantes, seniors, etc) tirent un peu leur épingle du jeu avec un recul de « seulement » 8,8%.
Du côté des régions, les Hauts-de-France et la Bretagne s'en sortent un peu mieux que les autres, avec des reculs de respectivement 4,8% et 8,7%. Les régions les plus tendues, Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d'Azur, ont connu des diminutions sensibles du nombre des permis délivrés avec respectivement -26,1% et -28,8%.
Le nombre de chantiers commencés, qui suit traditionnellement celui des permis de construire, a également continué de plonger, avec 283.200 mises en chantier entre avril 2023 et mars 2024, soit une baisse de 23,3%. Un nombre lui aussi historiquement bas. Le ministère de la Transition écologique prévient cependant que ce dernier chiffre est davantage sujet à caution du fait d'une collecte de données plus parcellaire.
Des centaines de milliers d'emplois sur la sellette
Cette chute de l'activité a évidemment des conséquences au niveau des emplois. « C'est catastrophique », a alerté le président de la FFB, Olivier Salleron. La fédération table sur 90.000 suppressions d'emplois en 2024 dans l'ensemble du secteur, puis 150.000 mi-2025. Et si la crise perdure, ce sont même 300.000 emplois, tous métiers compris, qui pourraient être détruits dans la construction, d'après cet organisme et la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).
« Le bâtiment, c'est un paquebot : quand il avance, il entraîne tout le monde. Aujourd'hui, le paquebot est arrêté, et il va falloir des années pour le relancer », a-t-il prévenu, ne voyant d'ailleurs « pas de rebond avant fin 2026 ».
Plusieurs promoteurs immobiliers ont récemment annoncé des plans sociaux. À l'instar de Nexity, leader en France, qui prévoit de supprimer 502 postes. Chez son concurrent Bouygues, 225 postes devraient disparaître dans la filiale immobilière, bien que l'entreprise ait assuré que seront privilégiés « le volontariat et le reclassement interne ». Vinci Immobilier, de son côté, va aussi faire un plan social, non chiffré pour l'heure. Dans le même temps, de plus petits acteurs déposent le bilan.
Pour répondre à la crise du manque de logements, le gouvernement a présenté mi-mars une série de mesures, dont des mesures de simplification de normes. Le ministre du logement, Guillaume Kasbarian, a alors indiqué avoir dans l'optique « d'ici au mois de juin » de « présenter un projet de loi ».
(Avec AFP)
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