VirginMega, France Telecom, Warner et les pirates

En condamnant VirginMega pour avoir piraté un titre de Madonna, lancé en exclusivité sur les réseaux de France Télécom, la justice a fait respecter la propriété intellectuelle. Voilà VirginMega affublé d'un costume de pirate, et France Télécom, de celui de garant du droit d'auteur- Quel renversement des rôles !

VirginMega condamné pour contrefaçon pour avoir "piraté" un album de Madonna, dont France Télécom avait acheté l'exclusivité, à prix d'or, à Warner Music, pendant une semaine d'octobre 2006 : le Tribunal de commerce de Paris a rappelé le droit le 23 juin. Mais son jugement inverse les perspectives.

D'un côté une enseigne traditionnelle de distribution de produits culturels, qui depuis plusieurs années s'efforce de réussir sa conversion à l'ère de la distribution dématérialisée... Et qui, pour réparer les dommages que les échanges gratuits de fichiers en ligne ont causé à son commerce, a mis en place, avec un succès certain, ce que les majors du disque ont tant tardé à faire : une offre en ligne légale.

De l'autre, un opérateur télécoms, dont la filiale Internet - feu Wanadoo - a été vilipendée par toute la filière musicale, notamment pour ses publicités, qui vantaient le téléchargement illimité de toutes les musiques grâce au haut débit... De l'incitation pure et simple au piratage, à nos frais, s'étranglaient les représentants des maisons de disque...

Au milieu, une maison de disque justement, Warner Music, qui, sans déroger au principe du droit exclusif qui régit la propriété industrielle, le met aux enchères. Peu importe si le plus offrant est celui qu'on dénonçait hier comme l'allié des pirates ; il a aujourd'hui de nouveaux atours. Il est prêt à mettre le prix pour achalander ses vitrines ouvertes sur les écrans mobiles, avec Orange, et sur la télévision, avec Ma Ligne TV (devenue Ma ligne Orange)...

Que Virgin ait mis les pieds dans le plat en passant outre l'exclusivité négociée par FT et Orange avec Warner pour le lancement du dernier Madonna, est incontestablement contraire aux usages et aux règles de la propriété intellectuelle. Le Tribunal de commerce l'a condamné lourdement : la somme à payer - un demi-miliion d'euros - à France Télécom et Orange est loin d'être symbolique. A 99 centimes le titre, dont moins de la moitié de marge, c'est plus d'un million de singles de Madonna qui devraient avoir été téléchargés sur Virginmega.fr, du 18 au 23 octobre 2005, pour compenser la pénalité... Sans compter les 100.000 euros dus à Warner Music.

Mais au-delà du droit, le distributeur, reprenant le flambeau d'agitateur (culturel) à son concurrent la Fnac, voulait signifier aux nouveaux opérateurs qui prennent pied dans le secteur des biens culturels et aux détenteurs de droits, que passer du monde réel au monde dématérialisé ne justifiait pas de changer les règles du jeu. Ainsi, un nouveau titre devait être mis dans les bacs de toutes les enseignes en même temps, et non réservé aux clients de la Fnac... ou d'Orange...

France Télécom pour sa part, au delà du coup marketing de l'opération Madonna, s'est positionné face aux détenteurs de droits comme un payeur généreux, reléguant à l'arrière-plan la mauvaise image de son fournisseur d'accès Wanadoo auprès de l'industrie du disque. Et en gagnant son procès pour le respect de son exclusivité, il réussit à apparaître en garant du droit de la propriété intellectuelle, tandis que VirginMega devra publier sa condamnation pour "violation des droits du producteur, contrefaçon, concurrence déloyale" sur son propre site. Un costume de pirate bien large pour l'une des premières plateformes françaises de vente de musique en ligne.

Simple accident de parcours dans une transition difficile mais certaine, ou signe avant-coureur d'une débâcle des acteurs traditionnels ? Comme l'illustre le cas Virgin/Madonna, l'issue de la partie dépend fortement du jeu des détenteurs de droits. Soit ils favorisent une exposition aussi large que possible de leurs contenus, sur tous les réseaux et développent ainsi le marché. C'est ce que plaide Virgin. Soit ils privilégient les exclusivités au prix fort, avec un bénéfice immédiat à court terme. Pour le long terme, ils aviseront, si les nouveaux acheteurs en faisant leur compte et se posent la question de la rentabilité de ce genre de coup.

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