Sans surprise, les entreprises du CAC 40 ont gâté leurs actionnaires en 2021, après une année 2020 atypique, marquée par un gel partiel des dividendes pour certains secteurs et une chute d'activité liée aux périodes de confinement.
Selon les données compilées par la lettre Vernimmen.net, les 40 plus grandes capitalisations françaises ont versé à leurs actionnaires 69,4 milliards d'euros, dont 23,8 milliards sous la forme de rachat d'actions - une proportion d'un tiers peu commune en France -, soit une hausse de 15% par rapport au niveau de 2019 (et +93% par rapport à 2020).
Ces chiffres, relativisent les auteurs de l'étude, sont à mettre en parallèle avec le rebond historique de la croissance et des profits, un indice du CAC 40 dividendes réinvestis en hausse de 30% en termes réels (ce qui est arrivé que 15 fois depuis 1804 !) et un taux de chômage à son point bas depuis 2012.
2.000 milliards de dollars de dividende dans le monde en 2022
Et l'année 2022 s'annonce également un bon cru. Selon l'étude annuelle d'Allianz Global Investors, les dividendes versés par les entreprises européennes devraient grimper de 9% cette année, pour atteindre un montant de 412 milliards d'euros, contre 377 milliards au titre de 2021 (+30%). Au niveau mondial, les dividendes pourraient dépasser les 2.000 milliards de dollars en 2022.
De quoi raviver le débat croissant sur le partage de la valeur dans une phase de redémarrage rapide de la machine économique, largement soutenue par les politiques budgétaires et monétaires.
Les statistiques sur les dividendes et les rachats d'actions sont souvent sujet à polémique. Pour les uns, c'est de la destruction de valeur pour l'entreprise qui investit moins et un partage inégal de la valeur ajoutée, pour les autres, c'est une réallocation optimum du capital excédentaire.
Les auteurs, Pascal Quiry (professeur de finance) et Yann Le Fur (banquier et professeur de finance), rappellent que « les dividendes et rachats d'actions n'ont jamais enrichi les actionnaires, puisque la valeur de leurs actions baisse mécaniquement du même montant dès le versement du dividende ».
Pour les rachats d'actions, c'est la valeur des capitaux propres qui baisse. Ils précisent aussi que le CAC 40 n'est pas le reflet des entreprises françaises ou de la bonne santé de l'économie française. De fait, l'indice est par construction composé des plus grosses entreprises, largement tournées à l'international.
Fortes disparités au sein du CAC 40
Dans le détail, les trois champions du CAC 40 de la redistribution aux actionnaires (L'Oréal, TotalEnergies et Sanofi) représentent 34% du montant total, contre près de 40% l'an dernier. Cette différence s'explique par l'absence, en 2020, de poids lourds en matière de dividendes, comme les banques, et dans une moindre mesure, l'assurance.
En ajoutant trois autres groupes (Stellantis, Axa et ArcelorMittal), la barre des 50% des fonds redistribués est franchie. Pour les auteurs, ArcelorMittal est un bon exemple de gestion dynamique du capital (augmentation de capital quand la Bourse remonte en 2020 pour parer l'avenir incertain, restitution du capital une fois la crise passée). Soulignons aussi les fortes disparités au sein même du CAC alors que 50% des entreprises de l'indice ne représentent que 11% du retour total aux actionnaires.
Grand retour du rachat d'actions
Très courant aux Etats-Unis (et même canal privilégié de retour aux actionnaires), le rachat d'action fait un retour en force en France avec un niveau (23,8 milliards d'euros, soit 1,1% de la capitalisation boursière) qui dépasse largement le précédent pic de 2007 (19,2 milliards).
Ce montant s'explique, pour 42%, par le gigantesque programme de rachat lancé par L'Oréal (soit 10 milliards d'euros), notamment pour racheter une fraction de son capital détenue par Nestlé. Parmi les autres entreprises, les banques, privées l'an dernier de toute redistribution, font bonne figure, notamment BNP Paribas (900 millions d'euros).
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Côté dividendes, le montant alloué reste inférieur à celui de 2019 (45,6 milliards d'euros versus 49,2 milliards) et cinq entreprises du CAC 40 ne verseront pas de dividendes (Renault, Airbus, Unibail, Alstom et Worldline). Certains versements ne sont pas comptés, notamment les versements liés à des scissions (Vivendi avec UMG, Stellantis avec Faurecia).
Au total, le taux de distribution du CAC 40 est de 64% en 2021, un taux qui passe à 98% en tenant compte des rachats d'action. Un taux particulièrement élevé qui s'explique à la fois par la baisse des profits récurrents en 2020 et du redémarrage rapide de l'activité en 2021.
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