Les géants de la tech misent sur Singapour pour percer dans la finance

La cité-Etat prévoit d'accorder au mois de juin prochain cinq licences bancaires digitales pour faciliter le développement d'acteurs venus d'autres horizons sur le marché. Au total, le régulateur local a reçu 21 candidatures, provenant essentiellement des grandes sociétés technologiques.
Juliette Raynal
Née comme un simple service de VTC, la startup Grab est devenue une méga application et propose également un portefeuille digital et des micro-assurances. Elle figure parmi les 21 candidats à l'obtention d'une licence bancaire digitale à Singapour.
Née comme un simple service de VTC, la startup Grab est devenue une "méga application" et propose également un portefeuille digital et des micro-assurances. Elle figure parmi les 21 candidats à l'obtention d'une licence bancaire digitale à Singapour. (Crédits : Edgar Su)

Depuis plusieurs années, l'autorité monétaire de Singapour (la MAS pour Monetary authority of Singapour), à la fois banque centrale et régulateur, multiplie les initiatives pour attirer les Fintech sur son territoire et favoriser l'innovation financière. Dernière action en date : l'ouverture du marché bancaire à de nouveaux entrants grâce à la mise en place d'un système de licence bancaire digitale.

En début de semaine, la MAS a annoncé avoir reçu 21 candidatures provenant essentiellement des géants asiatiques de la tech. Parmi les entreprises ayant révélé leurs intentions : la société singapourienne de jeux vidéo Razer, qui propose déjà à sa communauté des cartes prépayées, un portefeuille électronique (ewallet), bientôt une carte de paiement et qui souhaite, à terme, faire du crédit. La société Grab figure aussi parmi les prétendants. Née comme un simple service de VTC, cette startup, valorisée plus de 14 milliards de dollars, est devenue une "méga application" et propose également un portefeuille digital et des micro-assurances. En Chine, le fabricant de smartphones Xiaomi et Ant, le bras financier du géant du e-commerce Alibaba, sont également candidats.

Cinq licences sur 21 candidatures

Sur ces 21 candidatures, la MAS ne délivrera toutefois que cinq licences et les heureux élus seront connus en juin prochain. Ces derniers pourront débuter leurs activités bancaires dès la mi-2021. Les candidats seront évalués selon leur niveau d'innovation, leur capacité à développer une activité "prudente et durable" et la contribution qu'ils peuvent apporter à la place financière de Singapour. Les candidats devront aussi répondre à de fortes exigences en matière de capital.

Deux types de licence seront distribués : une licence complète et une licence "de gros", qui permettra au détenteur de proposer ses services aux entreprises uniquement et non aux particuliers. Pour obtenir la première licence, les entreprises étrangères devront nouer un partenariat avec une entreprise locale afin de créer une joint-venture.

Singapour n'est pas le seul pays à avoir mis en place ce dispositif. Dans la région, la Malaisie, Taïwan ou encore Hong Kong ont également distribué des licences bancaires digitales au cours des derniers mois.

"Pas de Big Bang"

"L'initiative de Singapour est davantage une évolution qu'une révolution", estime James Lloyd, consultant chez EY et spécialiste des Fintech, dans un article du Financial Times. "Comme sur d'autres marchés, nous ne nous attendons pas à ce que l'arrivée de nouveaux entrants soit un Big Bang. Elle sera plutôt synonyme d'amélioration générale au niveau de l'accessibilité des services, de l'expérience client et des prix", a-t-il poursuivi.

La cité-Etat, où le secteur financier occupe une place prépondérante avec une contribution de 13% du PIB, 200.000 employés et quelque 150 fonds de capital-risque, mène depuis quatre ans une politique très volontariste pour soutenir ses propres Fintech et devenir le pays le plus attractif en la matière. Le développement de cette expertise figure même parmi les axes majeurs du plan gouvernemental Smart Nation. "Smart nation needs a smart financial center", aime à répéter Ravi Menon, le directeur général de la MAS. Objectif de la mégalopole asiatique ? Conserver son rang de quatrième place financière du monde, voire même rafler la troisième place qu'occupe aujourd'hui  Hong Kong, en pleine tourmente, derrière Londres et New York.

Un écosystème en forte croissance

Pour y parvenir, la MAS multiplie les initiatives. La mise en place d'une sandbox (ou "bac à sable" réglementaire) est l'une des plus emblématiques. Ce dispositif, que Londres a également instauré, vise à encourager les expérimentations et permet aux jeunes startups du secteur de lancer leurs solutions en bénéficiant d'un cadre réglementaire adapté, évoluant au fur et à mesure de leur développement. En parallèle, l'autorité a mis à la disposition de l'écosystème des jeux de données réelles et a ouvert un espace de coworking géant, le RR80, pour favoriser les échanges et synergies entre Fintech. La MAS a aussi publié des directives relatives à l'adoption du cloud et à la cybersécurité.

Force est de constater que ces efforts commencent à porter leurs fruits. Selon l'association des Fintech de Singapour (SFA), la cité-Etat dénombre désormais quelque 600 startups de la finance, contre moins de 100 en 2016, mais aussi une trentaine de laboratoires d'innovation de grands groupes financiers. Elle attirerait également 40% des Fintech fondées en Asean, la zone économique et politique regroupant dix pays d'Asie du Sud-Est.

Juliette Raynal

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Commentaires 4
à écrit le 11/01/2020 à 16:23
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Pour résider dans la région, GoJek Indonesia est bien plus puissant que Grab qui est loin d'être la mega application décrite en introduction...

à écrit le 11/01/2020 à 15:33
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Singapour, profite de la montée en puissance des émergeants asiatiques, du Brexit et des tensions à Hong Kong, de la méfiance occidentale envers la Chine, voir de l'évolution anti ITAR de l'UE (Taiwan aussi doit profiter de l'ITAR-Free). Plus généra...

à écrit le 11/01/2020 à 10:12
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Singapour, un lieu en déclin où les jeunes se font rares et les vieux obligés de travailler jusqu'à ce que mort s'ensuive. Singapour, place financière = paradis fiscal.

le 12/01/2020 à 9:24
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Correct paradis fiscal au service de ces multinationales qui contournent l'impôt - pensée pour le petit personnel de Singap..

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