Il n'y a plus de suspense : les ministres des Finances de la zone euro ont choisi ce lundi Luis de Guindos, candidat unique depuis le retrait dans la journée du gouverneur de la Banque d'Irlande, Philip Lane, pour la vice-présidence de la Banque centrale européenne (BCE). Le ministre espagnol de l'Economie, de l'Industrie et de la Compétitivité succédera le 1er juin au Portugais Vitor Constâncio pour un mandat non-renouvelable de huit ans. Cette recommandation du Conseil européen sera formellement adoptée lors d'une réunion des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE les 22 et 23 mars prochain, a indiqué l'Eurogroupe dans un communiqué.
"J'ai été ministre mais être ministre n'est pas quelque chose qui limite mon attachement à la défense de l'indépendance de la Banque centrale européenne. Je défendrai l'indépendance de la Banque centrale européenne", a-t-il déclaré à la presse à Bruxelles, après avoir été choisi par l'Eurogroupe.
Agé de 58 ans, diplômé en sciences économiques, proche du Parti populaire (PP), Luis de Guindos Jurado a fait sa carrière dans le public et le privé, en fonction des alternances politiques, comme le montre son curriculum vitae officiel (en espagnol). Pour les eurodéputés espagnols, il symbolise « les politiques d'austérité qui ont fait tant de dégâts en Europe », qu'il a défendues en tant que membre de l'Eurogroupe et appliquées dans son pays. Il défend son bilan, notamment d'avoir remis l'Espagne sur les rails de la croissance.
"Ma principale satisfaction est d'être passé d'une situation dans laquelle nous étions au bord de l'effondrement à une situation dans laquelle nous sortons de notre cinquième année de croissance, même s'il reste encore beaucoup à faire", a-t-il récemment déclaré.
[Le processus de nomination du directoire de la BCE. Crédits : Eurogroupe]
De Lehman Brothers à l'austérité sous Rajoy
Marié, père de deux enfants, Luis de Guindos a dirigé à ses débuts une société de Bourse acquise par Morgan Stanley, AB Asesores. Il passe ensuite dix ans dans la haute administration, comme directeur général de la politique économique au ministère des Finances et devient secrétaire d'Etat à l'Economie en 2002 dans le gouvernement de Jose Maria Aznar pendant deux ans. Retour au privé après l'échec du PP aux élections, période où il devient président exécutif de Lehman Brothers pour l'Espagne et le Portugal, jusqu'à la faillite de la banque américaine emportée par la crise des subprimes. Il travaille ensuite au cabinet PwC avant de revenir au gouvernement en 2011 comme ministre de l'Economie. Il est considéré comme un poids lourd du gouvernement de Mariano Rajoy.
Une photo devenue célèbre le montre en mars 2012 aux côtés de Jean-Claude Juncker, faisant mine de l'étrangler, incarnant la pression de l'Union européenne sur l'Espagne pour que celle-ci réduise ses déficits.
"Luis de Guindos a joué un rôle très souvent décisif à l'intérieur de l'Eurogroupe, il a une bonne réputation, il est reconnu par ses collègues, je crois que nous avons trouvé un bon candidat", avait déclaré Peter Altmaier, l'actuel ministre allemand des Finances, qui deviendra sous peu ministre de l'Economie. Son prédécesseur Wolfgang Schäuble, ardent défenseur de l'orthodoxie budgétaire, l'avait qualifié d'"excellent ministre."
[Le directoire de la BCE, où siège le Français Benoît Cœuré. Crédits : Eurogroupe]
Pour de nombreux observateurs, ce choix d'un candidat d'un pays du Sud de l'Europe accroît la probabilité de celui d'un candidat d'un pays du Nord pour remplacer le président de la BCE, l'Italien Mario Draghi, en octobre 2019. Et notamment du gouverneur de la Bundesbank, l'Allemand Jens Weidmann, 49 ans, un opposant à l'actuelle politique monétaire très accommodante de la Banque centrale européenne, ce qui pourrait jouer en sa défaveur.
Cependant, d'autres postes importants sont en jeu à la tête des institutions européennes, notamment la présidence de la commission, celle du Conseil européen et celle de l'euro-parlement, toutes à renouveler l'an prochain.
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