Fraude au chômage partiel : prison ferme pour deux escrocs qui ont détourné plusieurs centaines de milliers d'euros

C'est une affaire "d'escroquerie et de blanchiment en bande organisée" au préjudice de l'État. Les généreuses et vitales aides de l'État pour pallier les effets de la pandémie de Covid (et des confinements) sur l'activité économique ont provoqué des effets d'aubaine mais aussi attiré les convoitises de "la criminalité financière opportuniste". À Marseille, une ample fraude aux déclarations de chômage partiel, dévoilée par plusieurs services de police dont Tracfin, avait abouti au détournement de plusieurs centaines de milliers d'euros, transférés ensuite sur des comptes en France, mais aussi en Allemagne, en Belgique et au Maroc, pour y être blanchis.
(Crédits : Eric Gaillard)

Dominique Laurens, la procureure de la République de Marseille, ne chôme pas. Régulièrement sous les feux de l'actualité sur des dossiers sensibles comme les règlements de comptes liés au trafic de drogue à Marseille, les soupçons de fraude électorale, elle a pris en charge un dossier mais dans un tout autre domaine, celui de l'entreprise: dans son collimateur, les fraudes au chômage partiel, autrement ceux qui trichent avec les aides de l'État.

Fraude de grande ampleur, ramifications internationales, peines sévères

Et les peines prononcées contre les agissements des entrepreneurs indélicats pistés et pris la main dans le sac sont sévères: il s'agit de prison ferme, avec maintien en détention.

Cette affaire-ci concerne trois prévenus qui, par de multiples fraudes au chômage partiel, ont détourné plusieurs centaines de milliers d'euros d'argent public. Ces fonds indûment perçus avaient ensuite été transférés sur des comptes en France, en Allemagne, en Belgique et au Maroc, pour y être blanchis.

Les ramifications internationales de cette fraude ont nécessité la collaboration de plusieurs services de police. En l'occurence, ce sont la section de recherches de Marseille, sous la direction du parquet, en coordination avec les services de Tracfin(*), la cellule du ministère de l'Économie sous l'autorité de Bruno Le Maire dédiée à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, qui ont réussi ce coup de filet.

Sans oublier la collaboration avec le parquet fédéral belge, également nécessaire, qui a permis la saisie en urgence de fonds présents sur un compte bancaire belge.

Maintien en détention et une interdiction d'exercer

Dans son communiqué publié hier soir, Madame la procureure de Marseille a ainsi annoncé que deux personnes et une société avaient été condamnées lundi 15 novembre par le tribunal correctionnel de Marseille à des peines allant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement ferme pour avoir indûment perçu des aides de l'Etat liées au Covid en faisant de fausses déclarations de chômage partiel.

Dans le détail, un premier prévenu a été condamné à cinq ans de prison ferme avec maintien en détention et une interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle et de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler une entreprise. Le prévenu avait été mis en examen et écroué dans une information judiciaire ouverte dès le 6 octobre 2020 pour des faits "d'escroquerie et de blanchiment en bande organisée" au préjudice de l'État.

Une deuxième personne a été condamnée à une peine de six mois ferme, aménagée en détention à domicile avec une surveillance électronique, et à 5.000 euros d'amende.

L'escroquerie au chômage partiel se compterait en millions d'euros

La 6e chambre du tribunal a également condamné une société, personne morale, à 60.000 euros d'amende et ordonné la confiscation de 130.000 euros et d'un véhicule qui avaient fait l'objet de saisies pénales.

Dans son communiqué, le parquet de Marseille rappelle que "la mesure de soutien exceptionnel à l'économie" mise en place par l'Etat face à la pandémie de Covid-19 et aux différentes mesures de confinement depuis 2020 "a profité à la criminalité financière opportuniste engendrant un nombre élevé d'escroqueries au détriment des finances publiques, chiffrées à plusieurs millions d'euros".

Pour mémoire, dès avril 2020, au lancement du dispositif d'indemnisation du chômage partiel, le gouvernement, par la voix de la secrétaire d'État à l'Économie, Agnès Pannier-Runacher, avait mis en garde les entreprises contre la tentation d'abuser ou de frauder, annonçant que des opérations de contrôles d'ampleur étaient mises en oeuvre.

Déjà, au sortir de l'été suivant, la DIRECCTE (Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) avait annoncé que 50.000 contrôles avaient été réalisés, qui avaient permis d'évaluer la fraude à 225 millions d'euros. Pas tout à fait une paille, mais un "résultat acceptable au regard des 30 milliards mobilisés", selon le ministère de l'Économie qui indiquait alors en avoir bloqué ou récupéré la moitié.

|Lire: Chômage partiel : 225 millions d'euros d'aides détournées, la face visible d'une fraude colossale ?

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(*) Tracfin, l'acronyme de "Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins".

(avec AFP)

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