Conflit Airbus-Boeing sur les subventions : les vaches à lait d'Airbus épargnées par l'OMC

L'Organisation mondiale du commerce (OMC) a jugé mardi que l'Union européenne (UE) n'avait pas tenu compte des demandes de suppression de toutes les aides publiques à Airbus, incitant Washington à brandir la menace de sanctions visant des produits européens tant que l'UE continuerait de "porter atteinte aux intérêts des États-Unis". Néanmoins, l'organisme genevois n'a pas retenu les plaintes américaines selon lesquelles les prêts aux modèles les plus vendus d'Airbus, A320 et A330, avaient un impact important sur les ventes de Boeing, limitant ainsi la portée de l'une des plus longues et coûteuses batailles commerciales de l'histoire.
Fabrice Gliszczynski
Selon un proche du dossier européen, la décision de l'OMC a, en pratique, rejeté 94% des demandes américaines.
Selon un proche du dossier européen, la décision de l'OMC a, en pratique, rejeté 94% des demandes américaines. (Crédits : Regis Duvignau)

Nouveau round dans la longue bataille entre l'Union européenne et les États-Unis au sujet des aides financières que chacun accorde à l'industrie aéronautique, essentiellement à Airbus et Boeing. Quatorze ans après des plaintes respectives déposées à l'OMC (Organisation mondiale du commerce) qui avaient conduit celle-ci à reconnaître en 2011 l'existence de tels soutiens financiers et à exiger la fin de ces pratiques des deux côtés de l'Atlantique, de nouvelles plaintes en appel avaient été déposées par Bruxelles et Washington pour dire que ces subventions n'avaient pas toutes été supprimées.

Jugement final pour Airbus, celui de Boeing prévu en fin d'année

Dans son jugement final concernant Airbus, l'instance d'appel de l'Organe de règlement des différends (ORD) de l'OMC s'est prononcée ce mardi sur la plainte américaine et a affirmé que l'UE n'avait toujours pas supprimé l'ensemble de ces aides illégales à Airbus, un verdict final donnant le droit aux États-Unis d'appliquer des sanctions commerciales évaluées à plusieurs milliards de dollars par an selon Washington.

"L'Union européenne et certains États membres ne se sont pas conformés aux recommandations et décisions de l'ORD", a indiqué ce dernier.

L'UE ne peut pas faire appel de ce jugement. D'ici à la fin de l'année, l'ORD se prononcera sur la plainte européenne contre les États-Unis.

Dans sa décision, l'OMC "déclare que l'UE n'a pas respecté ses nombreux jugements antérieurs et a versé plus de 22 milliards de dollars [18,6 milliards d'euros] en subventions illégales au constructeur d'avions européen Airbus", a indiqué Boeing.

Sanctions commerciales

Pour l'avionneur américain, ce verdict autorise les États-Unis "à appliquer des mesures de rétorsion douanières sur les importations de produits européens" dont le montant "devrait atteindre plusieurs milliards de dollars par an jusqu'à ce qu'Airbus remédie aux subventions illégales reçues de la part des gouvernements européens pour ses avions lancés récemment". Washington pourrait l'utiliser pour peser dans ses discussions avec Bruxelles concernant les taxes douanières américaines sur les importations européennes d'acier et d'aluminium.

"Le président Trump a clairement indiqué que nous utiliserons tous les instruments disponibles pour garantir que le commerce libre et équitable bénéficie aux travailleurs américains", a déclaré le représentant américain au Commerce (USTR), Robert Lighthizer.

L'OMC ayant déjà rappelé à l'ordre les Européens à ce sujet, les États-Unis ont en effet désormais le droit d'établir des sanctions commerciales, dont le montant doit toutefois être validé par l'OMC. Selon le règlement de l'OMC, ces sanctions, également appelées mesures de rétorsion, seront annulées une fois que le pays concerné s'est "intégralement conformé aux recommandations et décisions" de l'OMC. En outre, les mesures de rétorsion, qui ne peuvent pas être rétroactives, ne doivent pas dépasser le niveau du préjudice.

Les vaches à lait d'Airbus épargnées

Côté européen, on se déclare satisfait que l'OMC ait "rejeté la vaste majorité des revendications américaines", notamment celles qui concernaient l'A320 et l'A330, les vaches à lait d'Airbus. L'organisme genevois n'a en effet pas retenu les plaintes américaines selon lesquelles les prêts aux modèles les plus vendus d'Airbus, A320 et A330, avaient un impact important sur les ventes de Boeing, limitant ainsi la portée de l'une des plus longues et coûteuses batailles commerciales de l'histoire. L'avionneur européen a précisé de son côté que "l'OMC confirme que tous les aspects liés aux programmes A320 et A330 sont désormais en totale conformité, et que l'A380 n'exige plus que quelques mesures correctives mineures".

"Victoire à la Pyrrhus"

Selon un proche du dossier européen, la décision de l'OMC a ainsi rejeté 94% des demandes américaines et il ne reste plus, selon lui, que « la partie la plus petite du gâteau pour laquelle des correctifs vont être apportés. Vu l'échec commercial de l'A380 et le fait que les avances remboursables accordées pour l'A350 ont été négociées pendant la crise financière (2008-2009), à un moment où les taux bas étaient proches de ceux accordés à Airbus, il sera compliqué aux Américains de démontrer que les aides accordées pour l'A380 et l'A350 ont créé des dommages à l'industrie à américaine. La victoire de Boeing est une victoire à la Pyrrhus », explique la même source à La Tribune.

Bruxelles prône un accord négocié

Alors que la plainte européenne contre Boeing sera tranchée d'ici à la fin de l'année, le camp européen tend à la main à Washington pour négocier un modèle de financement du secteur aéronautique compatible avec les règles de l'OMC et applicable à tous les États de l'OMC, comme l'ont fait, il y a une dizaine d'années, le Brésil et le Canada après la bataille sur le même sujet qui a opposé Embraer et Bombardier sur les avions régionaux.

L'idée qui se profile derrière, c'est de pouvoir disposer d'outils face aux subventions massives que la Chine accorde à son industrie aéronautique.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 4
à écrit le 10/06/2018 à 22:16
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Il semble que les aides accordées par la Chine à son industrie aéronautique ne portent pour l'instant préjudice ni à Airbus ni à Boeing. Les règles de l'OMC, qui ne sont là que pour la forme devraient être réformer pour favoriser le rapprochement géo...

à écrit le 17/05/2018 à 14:15
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"Pourquoi les usa auraient le droit de subventionner boeing et l'europe n'aurait pas le droit de subventionner airbus? " Pourquoi poser une question si je n'ai pas le droit d'y répondre ?

à écrit le 16/05/2018 à 17:04
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Notons tout de même que l'oligarchie européenne particulièrement incarnée par notre président est contre les aides aux pauvres mais par contre ne râle jamais quand elle avale des centaine de milliards de subventions voir exige d'en avoir toujours plu...

le 17/05/2018 à 14:14
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"Pourquoi les usa auraient le droit de subventionner boeing et l'europe n'aurait pas le droit de subventionner airbus? " Pourquoi poser une question si je n'ai pas le droit d'y répondre ?

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