Corse Composites Aéronautiques reprend de l’altitude

FILIÈRE AÉRONAUTIQUE CORSE 1/3 - Depuis sa fondation en 1983, Corse Composites Aéronautiques (CCA) a connu une ascension fulgurante, jusqu’à se heurter à l’écueil de la pandémie de Covid-19. Aujourd’hui, l’heure du rebond a sonné pour cette entreprise qui conçoit et fabrique des pièces pour les plus grands noms de l'aviation civile et dont le savoir-faire trouve son origine à Ajaccio.
Fort de son expertise de pointe, le groupe, historiquement basé à Ajaccio, envisage désormais de s'étendre outre-Atlantique.
Fort de son expertise de pointe, le groupe, historiquement basé à Ajaccio, envisage désormais de s'étendre outre-Atlantique. (Crédits : CCA)

« Notre plus petit concurrent est 20 fois plus gros que nous ». Jean-Yves Leccia, le directeur général de Corse Composites Aéronautiques, fait référence ici à Daher qui, avec sa gamme TBM, est le plus ancien constructeur d'avions au monde encore en activité. « Nous ne concevons pas d'avions pour notre part, mais des pièces en matériaux composites », précise-t-il. « Il s'agit principalement de trappes de train d'atterrissage ou de nacelles moteurs ». Aussi, sur la surface du globe, toutes les 4 secondes, un Airbus décolle avec un élément ou sous-ensemble conçu et fabriqué par Corse Composites Aéronautiques (CCA) qui a réalisé, en 2022, un chiffre d'affaires de 43 millions d'euros.

« Au cours de ces deux dernières années, nous avons par ailleurs accentué nos activités de concepteurs, en décrochant le développement du Belly Fairing (le "ventre") du plus grand avion d'affaires en développement, à savoir le Falcon 10 X de Dassault Aviation » ajoute volontiers le directeur général de CCA.

10 millions d'euros d'investissements à Ajaccio

Fort de son expertise de pointe, le groupe, historiquement basé à Ajaccio, envisage désormais de s'étendre outre-Atlantique. « Après la Tunisie, où nous avons créé en 2012 notre propre source de production "best cost", Corse Composites Aéronautiques cherche à s'implanter aux Etats-Unis ou au Canada, cette fois par la voie d'une acquisition externe. Nous sommes en veille » affirme Jean-Yves Leccia. À 59 ans, cet ingénieur arts et métiers de formation incarne la vision et l'engagement qui ont propulsé CCA au sommet de l'industrie aéronautique. Fondée par les géants de l'aviation civile -Airbus, Dassault-Aviation, Safran et Latecoere- l'entreprise bénéficie d'un réseau de partenaires prestigieux et de clients aux quatre coins de la planète, qui lui confère une position unique sur la scène mondiale de l'aéronautique. « Nous discutons aussi beaucoup en ce moment avec Boeing et Bombardier » confie Jean-Yves Leccia.

En pleine crise due à la pandémie de Covid-19 qui lui a fait perdre près de 45% de son activité deux années durant, Corse Composites Aéronautiques a fait le choix audacieux d'investir massivement dans son usine d'Ajaccio. Ces investissements à hauteur de 10 millions d'euros sur deux ans « consistent à mettre CCA dans la meilleure position pour répondre à la demande croissante du marché ». L'entreprise a notamment pu compter sur le plan France Relance à travers deux phases d'équipements « de 800.000 euros chacune ».

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Un secteur en pleine effervescence

« Nous avons financé des moyens industriels robotisés permettant de draper - c'est-à-dire produire - mais aussi contrôler des pièces de manière automatique » souligne le directeur général de CCA qui est « persuadé que le rebond arrive et que les compagnies aériennes ont maintenant besoin de beaucoup d'avions ». « Il faut donc se préparer à ces nouveaux programmes » dit-il. D'autant que le secteur est déjà en pleine effervescence, avec une hausse des cadences de production chez les avionneurs. Un secteur qui tend à se tourner vers un avenir plus vert, visant l'aviation « zéro émission » d'ici 2050.

« Au-delà des annonces gouvernementales de juin dernier [un plan de 2,1 milliards d'euros d'investissements pour décarboner la filière aéronautique, ndlr], cette transition est un impératif pour l'aviation civile » estime Jean-Yves Leccia. « C'est pourquoi notre transformation se matérialise aussi par la transformation de notre outil industriel pour en réduire l'impact environnemental. Il est question là d'une exigence déjà présente sur les nouveaux contrats que nous signons avec les grands avionneurs ».

« CCA offre la possibilité de construire des avions beaucoup plus légers qu'auparavant », poursuit-il. « L'avantage d'avoir des avions plus légers, c'est qu'ils vont être beaucoup plus économes. On a de gros programmes de recherche là-dessus ».

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Corse Composites Aéronautiques, qui a célébré en octobre ses 40 ans d'existence, a d'ailleurs été sélectionnée, il y a quelques mois, par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) pour être leader du programme de recherche R&T dénommé « ICAP ». « L'objectif, c'est l'optimisation de notre processus de développement actuel, une digitalisation de ce processus, une capitalisation de nos savoirs et grâce à l'apport de la digitalisation et de programmes d'intelligence artificielle, de disposer, à terme, d'un outil qui s'enrichira de nos expériences et nous permettra de gagner en efficacité pour mieux développer et produire nos prochains produits », développe Jean-Yves Leccia.

Le défi de l'emploi local

Autre défi permanent pour Corse Composites Aéronautiques, celui de l'emploi local, qu'elle résout en formant ses opérateurs de production grâce à une école interne. L'entreprise compte à ce jour 400 salariés. Sur l'effectif établi à Ajaccio - soit 200 personnes - la moitié provient de la région. « Nous captons déjà des jeunes ingénieurs issus des classes préparatoires du lycée Laetitia d'Ajaccio et qui ensuite viennent par exemple faire leur alternance d'école d'ingénieur au sein de CCA » explique encore Jean-Yves Leccia. Actuellement, une vingtaine de nouveaux postes est à pourvoir : ingénieurs, techniciens de production, acheteurs, commerciaux... « La recherche de talents, aujourd'hui, est devenue de plus en plus complexe et pas seulement sur notre marché. Bien évidemment, notre secteur d'activité, et notre positionnement en Corse, n'est pas pour déplaire, mais nous rencontrons à peu près les mêmes difficultés que nos partenaires continentaux ».

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La synergie n'est également pas un vain mot chez Corse Composites Aéronautiques qui préside le Pôle d'excellence des industries aéronautiques de la Corse (PIAC). Soutenu par la Collectivité régionale et son agence de développement économique, il regroupe à ce jour trois autres entreprises spécialisées, évoluant dans le giron de CCA, pour continuer chaque jour, depuis la Corse, à innover et façonner l'aéronautique de demain.

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