Marche après marche, la production aéronautique retourne vers les sommets

Le trou causé par la crise sanitaire n'est pas encore comblé, mais il se rebouche progressivement. La production aéronautique reprend ainsi du poil de la bête et accélère son retour vers les niveaux records de 2019. Il reste encore du chemin à parcourir et des obstacles à franchir - avec des imprévus encore nombreux - mais la trajectoire est là. A l'instar d'Airbus, qui pourrait signer sa troisième meilleure année en termes de livraisons en 2023 avant de se diriger vers un record absolu à l'horizon 2026.
Léo Barnier
En pleine montée en cadences, Airbus a inauguré une nouvelle ligne d'assemblage final (FAL) début juillet.
En pleine montée en cadences, Airbus a inauguré une nouvelle ligne d'assemblage final (FAL) début juillet. (Crédits : TIM HEPHER)

C'est une évidence, la demande est là. Les compagnies veulent des avions. Les chiffres du dernier salon du Bourget - même s'ils penchaient largement en faveur d'Airbus - en sont la représentation la plus visible. Et les chiffres sur les six premiers mois de l'année sont tout aussi parlants. Pour autant, la principale problématique pour l'industrie aéronautique n'est pas aujourd'hui de vendre, avec des carnets de commandes pleins sur plusieurs années au moins pour les avions moyen-courriers, mais de produire. Et à ce jeu-là, les difficultés sont nombreuses. Le niveau de production pré-crise sanitaire n'a pas encore été rattrapé et les freins restent nombreux tout au long de la chaîne logistique. La situation s'améliore tout de même et les cadences montent progressivement comme l'ont montré les chiffres des principaux acteurs pour ce premier semestre de 2023.

La demande n'attend pas

Sur les six premiers mois de l'année, Airbus a vendu pas moins de 1.080 avions, dont 971 moyen-courriers, pour seulement 36 annulations. De quoi ajouter encore plus d'une année de production à son carnet de commandes. Du côté de Boeing, le bilan est plus modeste mais loin d'être négligeable avec 527 avions vendus. En dépit d'un nombre d'annulations ou de conversions encore élevé, avec 112 avions retirés du carnet de commandes, le jeu des écritures comptables lui permet d'afficher un total de commandes nettes supérieur avec 567 avions.

Logiquement, ce dynamisme se retrouve aussi chez les motoristes. GE Aerospace a ainsi vendu plus de 1.400 moteurs civils, dont une moitié de moteurs LEAP via CFM International, sa coentreprise avec Safran. De son côté, Pratt & Whitney a annoncé lors du salon du Bourget avoir reçu plus de 800 commandes pour sa gamme de moteurs GTF (dont le PW1000G qui équipe la famille A320 NEO d'Airbus). Le motoriste américain, filiale du géant RTX, n'a néanmoins pas fait le distinguo entre contrats fermes et intentions d'achat dans son décompte. Rolls-Royce n'a pas encore présenté le détail de ses résultats semestriels. Le motoriste britannique parle tout de même d'améliorations commerciales, même si cela concerne en grande partie le soutien aux clients et les moteurs de rechange.

Déjà fort de plusieurs années de production devant lui, le secteur a donc vu ses perspectives encore renforcées au cours des six premiers mois de l'année. C'est surtout la garantie que le dynamisme actuel n'est pas qu'un rebond post-Covid, mais s'apparente bien à un mouvement à long terme et qu'il lui faut donc poursuivre sa montée en cadences en dépit des difficultés rencontrées. « La demande étant forte, nous augmentons régulièrement nos taux de production dans les programmes clés et nous investissons davantage dans notre personnel, nos produits et nos technologies », a ainsi déclaré Dave Calhoun, directeur général de Boeing lors des résultats semestriels.

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La production augmente finalement

Après deux ans de travail, les efforts commencent d'ailleurs à payer. Tous les industriels du secteur ont ainsi annoncé des hausses de production significatives par rapport à l'an dernier. En pointe sur le sujet sous l'impulsion de son président exécutif Guillaume Faury, Airbus est particulièrement scruté. L'avionneur a connu un début d'année difficile avec seulement 127 avions livrés au premier trimestre, soit 11 % de moins qu'un an auparavant, mais a connu une véritable accélération à partir du printemps. Il a ainsi produit près de 50 % de plus au deuxième trimestre. Il finit ainsi avec 316 livraisons en six mois, soit 19 appareils de plus que l'an dernier à la même époque. Et Guillaume Faury a confirmé, comme il l'avait déjà fait lors du Paris Air Forum en juin, être parfaitement dans les temps de passage pour atteindre l'objectif de 720 avions livrés sur l'année. En 2022, Airbus avait largement raté un objectif similaire en terminant à seulement 663 livraisons.

Le patron d'Airbus se félicite de cette hausse de la production en dépit d'un environnement encore compliqué. Il juge que la situation dans la chaîne d'approvisionnement s'améliore, mais il indique que les difficultés ne sont pas terminées et qu'il continue à voir des goulets d'étranglement et des défis. Sans cibler d'entreprises en particulier, il a déclaré que « des difficultés persistaient avec quelques fournisseurs importants. Nos équipes continuent à travailler au plus près avec eux pour anticiper, empêcher et atténuer les perturbations, autant que possible ».

Parmi les causes racines de ces difficultés, Guillaume Faury cible en particulier la délicate reconstitution de la force de travail du secteur après la crise sanitaire et ses nombreux départs jamais compensés. Il juge ainsi que « l'accès aux compétences et aux capacités est toujours un goulot d'étranglement pour la croissance de la production ».

Malgré cela, Airbus confirme sa trajectoire pour les prochaines années avec la montée en cadence de l'ensemble des programmes. L'A220 vise ainsi une cadence de production mensuelle moyenne de 14 avions d'ici le milieu de la décennie, la famille A320 « est en bonne voie pour atteindre une cadence de production de 75 avions par mois en 2026 », l'A330 doit atteindre la cadence 4 l'an prochain et l'A350 la cadence 9 d'ici fin 2025. L'avionneur va ainsi progressivement rattraper, puis dépasser son niveau de production record de 2019, à savoir 863 appareils livrés.

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Boeing ne veut pas sacrifier la stabilité

Après avoir enchaîné les crises du 737 MAX, du 787 et la crise sanitaire, Boeing part de plus loin. L'avionneur américain a réussi à augmenter sa production de 23 % par rapport au premier semestre 2022, avec 266 avions livrés. Le 787 a été le principal vecteur de cette hausse avec 31 appareils contre... zéro l'an dernier en raison de l'arrêt des livraisons pendant plusieurs mois suite à la découverte d'un nouveau défaut industriel. L'autre vecteur de croissance a été le 737 MAX.

Ces deux programmes sont d'ailleurs au cœur de la montée en cadence de Boeing. De 31 avions produits en moyenne par mois fin 2022, le programme 737 MAX est en train de passer à 38 exemplaires mensuels cette année. Cela devrait donner un total compris entre 400 et 450 appareils livrés en 2023. Boeing confirme aussi son objectif d'atteindre la cadence 50 à l'horizon 2025-2026. Pour le programme 787, la production est désormais de quatre avions produits en moyenne par mois, avec l'objectif de passer à 5 d'ici la fin de l'année, puis à 10 d'ici 2025-2026. Cela devrait donner un total de 70 à 80 livraisons cette année.

Après avoir cherché à stabiliser sa production tout au long de 2022, le constructeur se montre donc un peu plus ambitieux. « Nous continuons à progresser régulièrement dans notre redressement. Nous avons des défis à relever. La chaîne d'approvisionnement, notamment, est le plus important, mais la situation s'améliore régulièrement. Dans l'ensemble, nous sommes satisfaits de nos perspectives opérationnelles et financières, y compris des fourchettes de livraison que nous avons fixées pour 2023, ainsi que pour les années 2025 et 2026 », s'est réjoui Dave Calhoun, patron de l'avionneur américain.

Ce dernier a assuré également avoir retrouvé de la visibilité pour aller vers 42 exemplaires de 737 MAX par mois et au-delà, mais assure que la priorité est de préserver la stabilité de la production. Il faut dire que Boeing enchaîne les tribulations depuis plusieurs années maintenant, soit directement soit chez ses sous-traitants comme Spirit Aerosystems qui a vu sa production touchée par la découverte de problèmes de qualité puis interrompue à cause d'une grève en l'espace de trois mois. Un hypothétique retour aux 52 appareils mensuels - niveau de 2019 avant que le deuxième crash du 737 MAX ne vienne impacter tout le programme - semble encore bien loin. Dave Calhoun a d'ailleurs reconnu que pour les années à venir, la production resterait en deçà du fort niveau de demande actuel.

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Les motoristes rattrapent leur retard...

Pour y arriver, il faut aussi que les équipementiers suivent le rythme, en particulier les motoristes touchés par les mêmes problèmes d'approvisionnement. Mais là aussi, les chiffres progressent. Confronté à des retards de production sur son moteur LEAP depuis l'an dernier, comme cela avait déjà été le cas avant la crise, CFM International a tout de même réussi à augmenter sensiblement la cadence cette année. Sur les six premiers mois de 2023, sa maison-mère Safran a indiqué que les livraisons avaient progressé de 69 % pour atteindre 785 moteurs. Une donnée d'autant plus importante que le LEAP équipe en partie la famille A320 NEO et la totalité des 737 MAX.

« Dans cet environnement commercial dynamique, Safran est pleinement concentré sur la montée en cadence, a déclaré Olivier Andriès, directeur général du groupe français. Nous sommes sur la bonne voie pour atteindre nos engagements de livraisons malgré les défis persistants de la chaîne d'approvisionnement sur l'ensemble du secteur. » Il a confirmé l'objectif d'augmenter les livraisons de LEAP de 50 % sur l'année, soit environ 1.700 moteurs. C'est-à-dire le retour au niveau de 2019.

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... mais tout n'est pas réglé

Chez Pratt & Whitney, la production a augmenté de 20 % pour la famille de moteurs GTF avec plus de 350 moteurs livrés. Cela constituerait une bonne nouvelle, notamment pour la famille A320 NEO et l'A220, si le motoriste américain n'avait pas découvert de nouveaux problèmes sur ses moteurs. Déjà confronté à des problèmes de durabilité sur ses GTF et à la difficulté de produire suffisamment de moteurs de rechange, il doit désormais faire face à un problème de contamination métallique sur des disques de turbine au cœur de ses moteurs. Ce qui va entraîner des inspections lourdes sur plus d'un millier de moteurs déjà en service.

Directement concerné, Airbus a confirmé que les moteurs en production n'étaient pas concernés mais, comme le rapporte l'AFP, Guillaume Faury ne s'est en revanche pas avancé sur d'éventuelles conséquences « en 2024-2025 », quand Pratt & Whitney va devoir produire des pièces de rechange pour les moteurs affectés en même temps que pour les réacteurs des avions neufs.

Enfin, Rolls-Royce est lui aussi en phase de montée en cadence. Sans préciser où il se trouve à mi-année, le motoriste britannique a indiqué son objectif pour 2023, à savoir 400 à 500 livraisons de moteurs. Il n'a néanmoins pas précisé quelle part serait consacrée à l'aviation d'affaires et quelle part aux avions commerciaux (famille de moteurs Trent). L'an dernier, il avait livré 165 moteurs d'avions d'affaires et 190 Trent.

Léo Barnier

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Commentaires 4
à écrit le 02/08/2023 à 16:51
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Bonjour, je reste surpris de certain commentaires... Ils y a vraiment des gens qui sont complètement déconnecter de la réalité... Maintenant, je suis heureux que les cadence de production soient au mieux ... cela donne du travail au francais ....

à écrit le 02/08/2023 à 10:31
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Je suis en extase devant les dessin de polluants que rejettent nos beaux avions. L'autre jour, à Sausset les pins, vers 19h le temps était voilé... Et pour cause, pas moins de 60 guirlandes blanches immaculées venaient d'être déposées par nos gentils...

à écrit le 02/08/2023 à 8:59
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Et apres cela, on vous bourre le train avec le rechauffement climatik. Quel cirque.

à écrit le 02/08/2023 à 7:52
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Oui on voit les résultats de la deindustrialisation de la République Française.À la place d'un deuxieme constructeur des avions commercials comme Dassault Mercure on a des avions chinois Comac etc.

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