En optant brutalement pour des sous-marins à propulsion nucléaire américains (des Virginia ?), l'Australie, sans aucun débat public, a obéi aux Etats-Unis le petit doigt sur la couture du pantalon et a jeté dans la foulée la France comme un vulgaire kleenex. Au passage, elle abandonne toute idée de souveraineté industrielle dans le domaine des sous-marins. Tout ce que lui offrait pourtant la France. L'opinion publique australienne pourrait peut-être s'en étonner d'autant que Canberra se lie étroitement à son mentor, les Etats-Unis, qui gèrent le monde à sa façon (cf. Afghanistan, Kurdistan...). L'Australie paiera donc sa facture aux industriels américains et britanniques en position de force dans les négociations (pas de compétition) mais n'aura pas pour autant les clés de ses sous-marins.
Une nouvelle filière industrielle
Canberra avait exigé et obtenu de la France, notamment de Naval Group, dans le cadre du programme "Future Submarine Program" d'"australianiser" à hauteur de 60% la valeur de son contrat. Le groupe tricolore devait organiser pratiquement ex nihilo toute une nouvelle filière australienne en vue de participer à ce programme de sous-marins. Ce programme devait apporter à l'Australie le savoir-faire nécessaire à leur construction et de développer des industries de défense souveraines en favorisant une nouvelle génération de compétences locales.
Ce travail colossal était en cours avant la résiliation du contrat, y compris le chantier à Adélaïde où devaient être bâtis les gigantesques ateliers nécessaires à la fabrication des 12 sous-marins. En revanche, sur le plan opérationnel, les Etats-Unis avaient déjà gardé les clés des sous-marins en obtenant de l'Australie de sélectionner un groupe américain pour le système de combat. Canberra avait choisi en septembre 2016 Lockheed Martin Australia, qui avait d'ailleurs encore annoncé le 15 septembre avoir attribué la veille de l'abandon du programme 12 contrats à des organisations industrielles et universitaires australiennes pour une valeur combinée de 900.000 dollars dans le cadre du "Future Submarine program" sur le développement de technologies avancées nouvelles et émergentes.
Au-delà de la brutalité des relations internationales entre les États, Canberra va devoir s'expliquer et expliquer l'arrêt du projet aux nombreuses entreprises australiennes sélectionnées par Naval Group. Elles lorgnaient le pactole du programme Attack-Class envoyé par le fond. Une décision qui annule également la création nette de 1.800 emplois chez Naval Group Australia et 1.000 autres environ chez les sous-traitants locaux. Soit 2.800 personnes présentes sur le chantier d'Adélaïde où déjà certains bâtiments avaient été livrés. Les halls d'assemblage devaient être livrés en 2023. Concernant les emplois indirects, le ratio est estimé à un facteur 4. Ces emplois vont-ils migrer sur le projet de sous-marins à propulsion nucléaire, dont la construction pourrait avoir lieu à Osborne en Australie-Méridionale. A voir.
La Nouvelle-Zélande et la Chine sur les nerfs
La décision de l'Australie de se doter de sous-marins à propulsion nucléaire n'enchante pas non plus son voisin, la Nouvelle-Zélande. Ces nouveaux sous-marins ne seront pas autorisés à entrer dans les eaux néo-zélandaises en vertu de la politique de 1984 relative aux zones dénucléarisées, a annoncé la Première ministre de Nouvelle-Zélande, Jacinda Ardern. "Aucun navire partiellement ou totalement alimenté par l'énergie nucléaire ne peut entrer dans nos frontières", a-t-elle précisé. Une position qui reste donc inchangée.
L'Australie qui avait été jusqu'ici très prudente vis-à-vis de Pékin a fait voler en éclat ce dogme. D'ailleurs, Pékin qui a réagi à la mesure de ce nouveau pacte anglo-saxon (Etats-Unis, Australie et Grande-Bretagne), constitué pour contrer ses ambitions dans la région Indo-Pacifique, a qualifié d'"extrêmement irresponsable" la vente de sous-marins américains à propulsion nucléaire à l'Australie.. "Cette coopération en matière de sous-marins nucléaires sape gravement la paix et la stabilité régionales, intensifie la course aux armements et compromet les efforts internationaux de non-prolifération nucléaire", a déclaré le porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian. Ce qui ne manque pas d'inquiéter la plupart des pays de la région Indo-Pacifique. Ainsi, la Malaisie a exprimé ses inquiétudes et redoute une course à l'armement nucléaire dans la région Indo-Pacifique.
"Cela poussera d'autres puissances à agir également de manière plus agressive dans la région, en particulier dans la mer de Chine méridionale", a estimé le bureau du Premier ministre de Malaisie dans un communiqué.
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