Mayday, Mayday, Naval Group en perdition à l'export

Au-delà de l'Australie qui était le contrat export le plus emblématique de Naval Group, le groupe naval a enregistré toute une série de déboires à l'international. Ce qui va lui poser un problème de dimensionnement industriel et donc d'emploi à terme.
Michel Cabirol
Les multiples déboires de Naval Group à l'export vont impacter l'emploi dans le groupe
Les multiples déboires de Naval Group à l'export vont impacter l'emploi dans le groupe (Crédits : STEPHANE MAHE)

Les prochains mois pour Naval Group et ses 15.800 salariés environ vont être compliqués, très compliqués. Le groupe naval, qui traverse depuis des mois une très mauvaise période sur le plan commercial avec comme point d'orgue la résiliation du contrat australien, va devoir très certainement réduire ses effectifs et redimensionner son outil industriel. Car le programme australien "Future Submarine Program" permettait jusqu'ici à Naval Group de masquer toute une série d'échecs à l'export, dont le groupe et les actionnaires vont devoir en tirer les conséquences. Ce n'est désormais plus le cas. Après Lorient, c'est au tour de Cherbourg et de Ruelle d'avoir des craintes sur des baisses de charge.

Si à court terme Naval Group ne risque rien ou presque, le groupe naval sera à moyen et long terme très sérieusement mis en difficulté en raison d'une baisse de sa charge industrielle faute de contrats export. Cela pose également de très gros problèmes à toute la filière navale militaire française, y compris à son actionnaire Thales, qui vit des programmes obtenus par Naval Group. L'État ne pourra pas toujours sauver le soldat Naval Group en lui octroyant des contrats (accélération des frégates FDI, SNLE 3 G, maintien en condition opérationnelle des sous-marins marins nucléaires...). Déjà des mauvaises langues estiment que la situation actuelle est un retour vers le passé quand Naval Group s'appelait encore la Direction des constructions navales (DCN) et ne vivait que sur des commandes étatiques.

Une série d'échecs qui pose problème

Avant le cataclysme australien, l'été n'avait également apporté que des mauvaises nouvelles à l'export pour Naval Group en dépit des voyages cet été du PDG de Naval Group. Pierre Eric Pommellet s'est rendu en Égypte où il a tenté de revenir en cour auprès de la marine égyptienne et du Caire, et aux Émirats Arabes Unis pour une visite de suivi de contrat. Rien de probant pour autant. Mais surtout plusieurs pays ont envoyé des messages très négatifs au groupe naval durant ces derniers mois.

Ainsi, la Pologne, qui a lancé le programme Miecznik, a ignoré début août le groupe français pour la construction de trois frégates et a présélectionné les design de l'espagnol Navantia (F-100) et de l'allemand ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) dans le cadre d'un programme de transfert de technologie (ToT). En Roumanie, Naval Group est en perdition : le gouvernement roumain ne veut plus signer le contrat de 1,2 milliard pour la fabrication de quatre corvettes Gowind construites localement. Bucarest attend un renoncement de Naval Group... qui attend de son côté un désistement du gouvernement roumain. En Arabie Saoudite, Ryad ne consulterait pas Naval Group pour des projets de corvettes et de frégates pour la marine saoudienne, selon des sources concordantes. En revanche, Navantia, Fincantieri et les sud-coréens seraient dans les petits papiers de Mohammed ben Salman, le prince héritier.

Au Maroc, Naval Group s'est fait surprendre par des discussions entre Fincantieri, à nouveau appuyé par la Caisse des dépôts italienne (Cassa depositi e prestiti détenue à 80% par l'État italien) et Rabat, qui discutent d'une vente de deux FREMM de lutte anti-sous-marine. En Indonésie, Naval Group a découvert là aussi au dernier moment un contrat signé de 4,1 milliards d'euros (six frégates FREMM italiennes et la modernisation et la vente de deux frégates Maestrale) entre Fincantieri et Jakarta. Enfin, en Grèce, où Naval Group doit très prochainement déposer une nouvelle offre (quatre frégates FDI), la vente de six Rafale supplémentaires n'augure rien de bon pour le groupe français. D'autant que les Grecs attendent toujours une offre américaine.

Pas de contrat équivaut à moins d'emplois

Toute cette série de déboires à l'export interpelle. Trop de zèle dans la "compliance" au sein de Naval Group, comme dans d'autres groupes français d'ailleurs, ne tuerait-elle pas finalement l'export. Il est sûr que ne pas signer de contrats à l'international évite des éventuels tracas juridiques en France, qui s'est dotée d'un arsenal juridique unique en Europe grâce à la Loi Sapin 2, qui inhibe beaucoup d'industriels tricolores. C'est le cas chez Naval Group. Mais in fine pas de contrats équivaut à moins de charges industrielles et donc forcément moins d'emplois. Contrairement aux concurrents comme Navantia, Fincantieri, TKMS, Damen et consorts, qui continuent quant à eux d'engranger des contrats.

Il est également très étonnant qu'en Indonésie, en Australie et au Maroc, Naval Group n'ait rien venir, et in fine anticiper. Mais à force d'arrêter la majorité des contrats de consultants, jugés à risques (à tort ?), les entreprises françaises perdent leurs yeux et leurs oreilles dans des pays où ils ont pourtant des intérêts commerciaux stratégiques. Naval Group, qui compte trop sur l'État, en fait l'amère expérience ces derniers mois. Il est également surprenant que les services français aient été autant aveugles sur ces dossiers. La France va devoir retrousser ses manches pour lancer un vaste plan en faveur de l'intelligence économique. C'est vital pour l'emploi et son industrie au sens large.

En outre, le lancement de la frégate de défense et d'intervention (FDI), qui est chère, pose de plus en plus question. Le choix par l'Indonésie de la FREMM italienne, qui a un déplacement de 6.500 tonnes (contre 4.460 tonnes pour la FDI), a envoyé un premier message inquiétant. Cette FREMM séduit les marines. D'ailleurs Fincantieri la propose également à la Grèce, au Maroc, à l'Égypte et à l'Arabie Saoudite. Le choix de ces pays va donc valider ou pas les orientations prises par Hervé Guillou, qui avait tordu à l'époque le bras de la Marine nationale, en privilégiant la FDI au détriment de la FREMM. Une FDI lancée justement pour devenir le fer de lance de la politique commerciale de Naval Group à l'exportation et pour faire également travailler les bureaux d'études du groupe alors à la peine.

Enfin, l'alliance avec Fincantieri au sein de Naviris est un échec pour Naval Group. Pour l'heure, elle profite beaucoup plus aux Italiens, qui font feu de tout bois à l'export alors que Naval Group s'écroule à l'international. Partout où il était présent et bien en place (Égypte, Maroc, Arabie Saoudite), le groupe français cède ses positions commerciales aux Italiens. Résultat, rien ne va plus chez Naval Group à l'export où il faut que le groupe remette les gaz sur les services commerciaux dont la plupart des vendeurs sont en complète déshérence en raison de l'actuelle a politique commerciale. L'Australie doit servir à Naval Group d'électrochoc pour rebondir avec des équipes commandos capables de regagner des contrats à l'export. Il en va de l'avenir du groupe.

Michel Cabirol

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Commentaires 34
à écrit le 19/09/2021 à 9:30
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Le capitalisme est à bout de souffle il est sous perfusion et respirateur artificiel tenant juste du fait du néolibéralisme qui en fait n'est qu'un système de réanimation, les entreprises publiques ont échoué du fait de leur porosité à la corruption,...

à écrit le 18/09/2021 à 9:28
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Je regardais hier " c'est dans l'air" ils disaient le contraire que tout allait bien ..va comprendre .

le 19/09/2021 à 11:09
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@Nexus. C'est pourtant simple. Les infos en France sont traitees avant diffusion au public. Raconter tout et son contraire. Le francais lambda n'est pas difficile, il gobe tout. Si vous voulez savoir avec le web, c'est facile, la presse etrangere es...

à écrit le 18/09/2021 à 2:11
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Il y a un vrai sujet au niveau des livraisons des bâtiments. Quand on propose des 10 ans d'attente c'est quand même n'importe quoi. Après c'est certainement le secteur, mais il y a un vrai sujet.

à écrit le 18/09/2021 à 0:26
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Les échecs à l'export son aussi et avant tout une faillite de la direction qui n'a aucune vision des attentes des marines mondiale, avec des produits inaptés et extrêmement chers (coucou le coût du travail français), ainsi qu'une faillite des politiq...

à écrit le 18/09/2021 à 0:25
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Les échecs à l'export son aussi et avant tout une faillite de la direction qui n'a aucune vision des attentes des marines mondiale, avec des produits inaptés et extrêmement chers (coucou le coût du travail français), ainsi qu'une faillite des politiq...

à écrit le 18/09/2021 à 0:10
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Naval-croupe vient de faire les frais d'AUKUS POCUS le magicien qui ose ! Ils l'ont AUKUS ! A quand une manif de l'arnaqué au président, ci-git Ledrian et ses acolytes devant la maison blanche (la petite maison dans la prairie... ou plutot le qua...

le 18/09/2021 à 19:06
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C'est bien si ça vous amuse !

à écrit le 17/09/2021 à 15:17
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Les américains et leur foutu technologie moderne pas contre on fout le camo de l'afghanistan en abondonnant les afghans aux ténébreux et aux terroristes. Amérique veut elle développer un guerre avec la, Chine en armant nuclaierement l'Australie. Tout...

à écrit le 17/09/2021 à 14:03
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On a certe pris un camouflet.par contre un nouveau marché est ouvert,celui des sous marin nucleaire.quitte a avoir des sous marin ennemi dans la zone avec possibilité d'arme biologique embarquer a bord nous menacant tous,pensons aux profits a court ...

à écrit le 17/09/2021 à 13:12
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La grenouille France voulant souvent se faire plus grosse que le bœuf, devrait peut-être s'occuper de projets plus à sa dimension, son tourisme, son hôtellerie, ses paysages , son hôpital et cesser de s'occuper du reste du monde et encore moins faire...

le 17/09/2021 à 22:19
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Le tourisme et les beaux paysages, ça ne rapporte pas grand' chose. C'est du gagne-petit. Pour financer l'hôpital, et plys généralement nos nombreux et coûteux - maus ô combien utiles - services publics, il faut vendre et exporter des trucs à forte m...

à écrit le 17/09/2021 à 12:04
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mr Macron aprés les gifles successives infligées à notre pays et notre industrie d armement et areospatiale ( allemagne pologne affaire austarlienne) il est grand temps: 1/sortir la france de l otan 2/prevenir les autres pays européens que dorenava...

à écrit le 17/09/2021 à 11:26
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Il faudrait d'abord une diplomatie recentrée sur les enjeux à l'échelle européenne. Armer à fond nos partenaires de l'UE en friction avec la zone sud-méditerranéenne serait un bon début ...

à écrit le 17/09/2021 à 11:15
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Vous vous rappelez, de la déclaration d'Emmanuel Macron, sur le "quoi qu'il en coûte" ? Et bien voilà, on commence à en voir les conséquences, de "ce qu'il en coûte", d'empêcher les gens de travailler, soi-disant à cause du Covid

le 17/09/2021 à 11:59
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quel rapport avec le sujet ? vous feriez mieux de prendre la défense de votre pays et de serré les rangs...ah oui les francais sont tellement individualistes qui sappent eux memes leur pays...si c était l situation inverse a ne ps douter que les usa ...

le 18/09/2021 à 3:55
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@Brehat. Au lieu de rabrouer les lecteurs de votre patriotisme a deux balles, corrigez vos messages. C'est bourre de fotes dortografe.

à écrit le 17/09/2021 à 11:12
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La proposition des US ça n'est pas que des sous marins à propulsion nuke, c'est l'intégration dans un réseau de drones marins et sous marins de surveillance 24/ 24, avec de l'IA, vous savez celle que Thales achète aux US...

le 17/09/2021 à 12:20
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un contrat c est un contrat ..et le torpiller en "sous mains -marins"de la part d un "allié" est discutable qu attent on pour faire la meme chose aux contrats us -royaume uni australie dans d autres pays

à écrit le 17/09/2021 à 11:08
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Chez nous les gars d'la narine, y'en a pas, et pis quoi, on s'en bat les mandarines ! Pas d'radis, pas de paradis, tant pis pour... pas d'oseille vraiment pas d'merveilles... tant pis pour... bala lala papa

à écrit le 17/09/2021 à 9:57
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La France est-elle en mesure d'assurer la Securite de l'Australie face a la Chine ? Il faut etre realiste, la reponse est "Non".

le 17/09/2021 à 12:08
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un contrat c est un contrta la situation serait inversee que des mesures de retorsion de la part de l australie seraient deja mises en place ..j espere que les indemnites prevues se compteront en milliards...et un elecon atenir les anglo-saxons ne so...

le 17/09/2021 à 13:33
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Qu’est-ce que c’est que ce raisonnement foireux? On a 1,5 millions de compatriotes dans l’océan indien et l’océan pacifique. La stratégie est de se mettre en situation de défendre tous nos territoires. Seul ou avec alliances. Qu’est-ce qui n’est pas ...

à écrit le 17/09/2021 à 9:09
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Des contrats des membres de l'UE seraient les bienvenus. Pourquoi les 27 achètent-t-ils pratiquement tout , avions, chars, bateaux aux américains? Pourtant , une défense européenne serait pertinente , l'Otan ne paraissant pas au niveau.

le 17/09/2021 à 12:22
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l otan est trusté par les usa pour vendre leurs materiels...

à écrit le 17/09/2021 à 9:06
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Il n'y a rien de mal pour un fabricant d'armes de ne vivre que de commandes étatique. C'est plutôt une bonne chose d'un point de vue de l'indépendance nationale. Le pire est bien de dépendre de l'export, avec le risque de définir l'outil industriel...

le 17/09/2021 à 10:40
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Je suis absolument d'accord. D'ailleurs les commandes étatiques permettent aux avionneurs américains de vivre et aux lanceurs de satellites aussi... les voyages touristiques n'étant là que pour l'image !

le 17/09/2021 à 12:55
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certes il n y a pas de mal mais encore faut il qu ils y ait des commandes etatiques ce qui n est guere le cas car dans une situation de contrainte budgetaire...l avantage des commandes " inter-etat" c est de se faire connaitre ...

à écrit le 17/09/2021 à 8:58
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Coté frégates on s'est fait une sacrée pub avec la fois où il fallait tirer deux missiles sur méchant Bashar, le premier était bien parti mais il fallait réinitialiser l'informatique pour tirer le second. Ca fait pas trop sérieux comme produit.

à écrit le 17/09/2021 à 8:43
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Mayday = Au secours, et non aidez-moi.

le 18/09/2021 à 0:17
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Faux, "mayday" est un mot dérivé de "m'aider"... ça n'a rien à voir avec "au secours"... vous avez tout faux.

à écrit le 17/09/2021 à 7:40
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Drole d article. En resumé, si on veut vendre des armes, on doit payer des pots de vin. C est surement vrai en arabie seoudite ou en egypte mais pas en australie (ni en pologne). Dois je aussi rappeler l episode de taiwan ou la corruption locale no...

le 18/09/2021 à 0:21
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Mdr parce que tu crois que les ricains sont blancs comme neige. Renseigne toi un peu sur les affaires de corrosion de Lockheed Martin et Boeing avant de parler

à écrit le 17/09/2021 à 7:26
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Mayday, Mayday !

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