En cette rentrée, c'est l'une des annonces les plus attendues du gouvernement : proposer une offre de location de voiture électrique à 100 euros par mois, pour les ménages aux revenus fiscaux inférieurs à 14.000 euros, soit environ 100.000 personnes sur le territoire. Censée démarrer le 1er janvier 2024, la mesure qui vise à limiter les inégalités liées à la mobilité, en particulier l'interdiction d'entrée dans les Zones à faibles émissions (ZFE) de certaines villes pour les véhicules les plus anciens. Le gouvernement tient à cette mesure sociale, annoncée par le chef de l'Etat pendant sa campagne présidentielle, alors que le prix des voitures neuves et d'occasion a bondi depuis depuis trois ans, de près de 20 % pour les premières et et de plus 40% pour les secondes.
Si l'idée semble bonne sur le papier, en coulisse, les constructeurs, sociétés de location et représentants des mobilités grincent des dents : « Avant les vacances, nous étions très confiants. Maintenant, nous commençons à douter de la mise en œuvre d'une telle mesure. » Il faut pourtant faire vite, car le gouvernement avait promis de présenter un décret avant fin septembre. Une date qui semble déjà inatteignable. A tel point que le ministère de la transition énergétique est revenu dessus lundi, évoquant désormais un décret à l'automne.
Seules deux voitures éligibles
Après avoir annoncé une telle mesure, il a fallu mettre les mains dans le cambouis au printemps dernier. Premiers chantiers : les modèles éligibles à ce dispositif. Pour l'heure, seules la Citroën C3 électrique ainsi que la Twingo électrique de Renault seront concernées, selon des sources concordantes. Exit la Renault 5, longtemps annoncée, mais qui ne sera disponible que pour la mi-2024.
Unique certitude du dispositif, les voitures seront fabriquées en Europe, la C3 et la Twingo étant respectivement construites en Slovaquie et en Slovénie. En effet, le gouvernement souhaite intégrer les mêmes conditions environnementales que pour le bonus écologique remanié, lui aussi, pour janvier 2024. Les deux décrets devraient tomber l'un après l'autre courant automne.
D'autres modèles plus grands comme la Peugeot 208 électrique sur le segment B pourraient également bénéficier du leasing social, mais avec des loyers mensuels supérieurs à 100 euros. En revanche, le montant attribué à ces véhicules reste un mystère.
Encore trop d'incertitudes
Chez les acteurs concernés, le flou persiste sur les conditions des mensualités à 100 euros. Le gouvernement semble également sensible aux possibilités de proposer des locations avec option d'achat (LOA) en plus de la location longue durée (LDD). Sauf que les mensualités sont différentes selon le dispositif choisi. Elles sont plus élevées dans le cas des LDD.
Aussi, quid de l'assurance, de la maintenance du véhicule, d'éventuels défauts de paiement ? Toutes ces extensions pourraient, ou non, s'ajouter au loyer de 100 euros par mois. « France assureurs ne veut pas aller là-dessus, donc à priori, l'assurance ne serait pas comprise », assure une source proche du dossier.
« Le cahier des charges mentionne par exemple que le dispositif doit comprendre une assurance qui couvre le décès, l'invalidité ou la perte d'emploi du loueur. Cela peut paraître un détail, mais si cela n'est pas pris en charge, le loyer peut augmenter de 10 ou 15 euros, c'est tout de suite beaucoup sur 100 euros », s'inquiète Sarah Roussel, directrice générale d'Arval France, une société de location longue durée de voitures.
Souvent source de conflit entre les utilisateurs et les sociétés de leasing, les frais de remise en l'état lors du rendu de véhicule, dans le cas où les usagers ne souhaitent pas l'acheter, doivent également être discutés pour savoir s'ils rentreront dans le dispositif. Les 100 euros pourraient ainsi cacher en réalité tout un tas de frais annexes à rajouter au mois.
Quel coût ?
Ce plafond symbolique de 100 euros est pourtant une limite que l'Etat veut absolument atteindre, au moins pour certains véhicules. « Le problème, c'est que lors de l'annonce de ce dispositif, les véhicules coûtaient beaucoup moins cher qu'actuellement et les taux d'intérêt étaient également plus bas », souligne Sarah Roussel. Si tous les services annexes sont comptés dedans, la facture pourra être salée pour l'Etat. Mais pour l'instant, le budget définitif alloué au leasing social parmi l'enveloppe des 1,3 milliard d'euros destinés aux mobilités n'a pas encore été arrêté.
La dernière interrogation qui s'ajoute à la longue liste de ces conditions de mensualité reste la recharge. En effet, une prise à domicile coûte en moyenne entre 750 euros et 1.500 euros auxquels il faut ajouter entre 500 euros et 900 euros d'installation. Un coût important pour les ménages concernés par cette mesure et qui devra certainement être pris en compte dans ce dispositif.
À ces incertitudes concernant les garanties s'ajoutent les difficultés opérationnelles. Le gouvernement travaille actuellement sur une plateforme spécifique destinée à ce leasing afin de faciliter le dispositif. Les concessionnaires sont également mis à contribution pour récupérer et proposer des tests de véhicule avant la prise en main.
Les constructeurs, de leur côté, doivent dès maintenant penser à la production et à la livraison des modèles concernés en estimant grosso modo les demandes. « Ce leasing concerne des ménages qui n'ont jamais acheté de voitures neuves. Nous ne sommes pas certains qu'une grande partie des personnes concernées souhaitent bénéficier de ce dispositif. C'est un marché totalement inconnu », explique Nicolas Le Bigot, directeur des affaires environnementales, techniques et réglementaires au sein de la Plateforme, filière automobile et mobilité (Pfa). Les prochaines discussions en huit clos avec l'Etat devraient avoir lieu dans les prochains jours ou la semaine prochaine.
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