Bornes de recharge : malgré le manque de rentabilité, le secteur continue de séduire les investisseurs

160 millions d'euros levés par la startup Electra, 300 millions pour la Parisienne NW Storm et, récemment, 250 millions par Driveco... Alors que la France a franchi le cap des 100.000 bornes de recharge, nombreux sont les investisseurs qui se positionnent sur ce secteur avec des montants qui donnent le tournis. Un intérêt croissant malgré un réseau d'entreprises qui ne sont pas encore rentables. Alors, qu'est-ce qui attire autant ces investisseurs ?
320 millions d'euros sont mis à disposition des entreprises de bornes de recharge entre 2016 et 2025, financés par les Certificats d'économie d'énergie (CEE)
320 millions d'euros sont mis à disposition des entreprises de bornes de recharge entre 2016 et 2025, financés par les Certificats d'économie d'énergie (CEE) (Crédits : NW Groupe)

250 millions d'euros. C'est le montant de la levée de fonds réalisée par Driveco. Et l'entreprise, l'un des leaders de la recharge électrique, n'est pas la seule à séduire les investisseurs. L'année dernière, la startup Electra levait 160 millions d'euros et l'entreprise parisienne NW Storm, 300 millions d'euros peu de temps avant. Des chiffres qui donnent le tournis et qui traduisent l'intérêt croissant pour ce marché en pleine expansion...mais pourtant toujours pas rentable. Alors, qu'est-ce qui attire autant ces investisseurs ?

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Le coup de pouce des subventions

En premier lieu, le marché des bornes de recharge en France peut compter sur le soutien des politiques publiques. Deux ans plus tôt, le gouvernement s'était lancé le défi d'atteindre 100.000 bornes installées, un objectif rempli le 5 mai dernier. Et ce grâce, notamment, à des programmes comme « Advenir » mis en place par l'ONG Avere-France depuis 2016 dont peuvent bénéficier les entreprises privées comme publiques, telles que les collectivités. Au total, 320 millions d'euros sont disponibles entre 2016 et 2025, financés par les Certificats d'économie d'énergie (CEE). Ce dispositif d'Etat oblige les fournisseurs d'énergie à financer des structures permettant la transition écologique. Toutefois, ce fond va bientôt être restreint puisque 75% des dépenses ont été destinées à l'acquisition et la pose de systèmes de charge dans des parkings d'entreprises à destination de flottes privées. « Advenir » va, en effet, arrêter de financer ces structures d'ici la fin de l'été afin d'aménager en priorité les collectivités et les espaces publics.

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Les bornes de recharge ultrarapides sur l'autoroute ont, quant à elles, bénéficié d'une enveloppe de 100 millions d'euros dans le cadre du programme France Relance entre 2021 et 2023. Résultat : désormais, toutes les autoroutes sont équipées.

Des investissements « peu risqués » pour les entreprises

Ces subventions ont notamment permis d'attirer les investisseurs sur le secteur des bornes au début de leur développement. Désormais, de nombreuses sociétés misent sur les startup de l'électrique. En effet, fort des ambitions écologiques de l'Europe - qui prévoit la fin des moteurs thermiques dans les véhicules neufs en 2035 - les investissements dans les bornes de recharge apparaissent comme peu risqués et les levées de fonds se multiplient.

 « Le jeu des levées de fonds est classique des marchés à fort potentiel sur le long terme, mais hautement spéculatif sur le court terme. Vous êtes sûr que ce marché va être rentable grâce aux lois européennes sur la fin des moteurs thermiques. Les investisseurs savent qu'ils vont récupérer de l'argent : soit ils misent sur le bon cheval, c'est-à-dire un futur champion de la recharge, soit ce n'est pas le cas, mais ces bornes resteront dans l'écosystème donc ces investisseurs prendront une prime à la revente de leur part. C'est finalement un jeu où il y a peu de risques de perdre de l'argent », explique, en effet, Julien Pillot, économiste et enseignant-chercheur à l'INSEEC.

Une aubaine pour les spécialistes du secteur comme Driveco. « Nous avions besoin de capitaux massifs pour atteindre notre objectif de proposer 60.000 bornes en Europe d'ici 2030. Ce soutien financier va également nous permettre de conforter notre technologie en particulier grâce au développement d'une nouvelle application qui simplifie l'utilisation des bornes », s'est ainsi félicité Ion Leahu-Aluas, son directeur général, à l'annonce de sa levée de fonds de 250 millions d'euros.

Un modèle pas encore rentable

Sans compter que ces entreprises ne sont, pour le moment, pas encore rentables en France. En effet, plusieurs facteurs ne leur permettent pas d'engranger des bénéfices. Sur le territoire national, le parc automobile des voitures électriques est encore trop petit avec 1,3 million de véhicules sur 40 millions de voitures en circulation. Or, c'est bien le volume qui permettra d'amortir les coûts d'installation des bornes et d'augmenter les marges. En outre, les acteurs sont nombreux sur ce marché et la concurrence entraîne des baisses de prix.

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« Aujourd'hui, il n'y a pas de rentabilité à court terme. Le but est de sécuriser le foncier et de créer une image de marque auprès des utilisateurs pour capitaliser sur le futur, quand le marché sera suffisamment développé. Il faut encore des subventions et de l'aide pour espérer une rentabilité prochainement », souligne Clément Molizon, délégué général de l'Avere-France. Certains acteurs sont sur la bonne voie, comme Driveco qui a multiplié par trois son chiffre d'affaires entre 2021 et 2022. Pas suffisant encore néanmoins pour développer le nombre de bornes souhaité sans une aide extérieure.

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Commentaire 1
à écrit le 11/05/2023 à 13:35
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Un article récent sur LeMatin ch dit que les suisses en veulent 2 millions, dans leur pays. Nos 100 000 bornes (enfin en place) ne font que "début des efforts", le chemin sera encore long pour qu'on puisse recharger de façon sure (sans attendre 30 mi...

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