Nissan Europe : "Notre croissance ne tiendra pas sur les seuls modèles" (Guillaume Cartier)

ENTRETIEN. La marque japonaise est en pleine offensive produit avec l'arrivée de son nouveau Qashqai, modèle de référence des SUV compacts, le segment le plus volumétrique et rémunérateur du marché européen. Avec une part de marché qui a fondu à 1,8% contre 4% en 2015, Nissan doit reconquérir le terrain perdu ces dernières années. Pour Guillaume Cartier, qui dirige la zone Europe, la marque dispose de plusieurs leviers pour recréer de la valeur...
Guillaume Cartier.
Guillaume Cartier. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE: Nissan Europe sort d'une période de forte incertitude liée au Brexit, mais pas seulement. L'issue des négociations était-elle si critique pour Nissan ?

GUILLAUME CARTIER: Elle l'était d'autant plus que Nissan s'est réorganisé au niveau mondial en quatre régions, et la structure dont j'ai la responsabilité compte pas moins de 140 pays qui vont de l'Europe à l'Afrique en passant par l'Inde et l'Océanie. L'avenir de notre site de Sunderland était donc essentiel pour notre dispositif industriel puisque nous souhaitons en faire une base d'exportations dans toute cette zone notamment pour le Qashqai. Nous avons désormais une bonne visibilité sur l'Union européenne depuis la signature de l'accord de libre-échange, mais nous attendons encore l'issue d'une série d'accords bilatéraux notamment avec l'Egypte, l'Australie ou la Turquie.

Vous êtes en charge d'une zone très large mais extrêmement hétéroclite. On parle de pays émergents et de pays matures... Est-ce efficace ?

C'est vrai que c'est une zone très importante. On parle de quatre continents, 140 pays, 3,8 milliards de personnes et dix usines. Mais il y a des similarités entre ces marchés. En termes de réglementation CO2 par exemple, mais aussi en termes de sourcing (tissu de fournisseurs, ndlr). C'est ce que nous voulons optimiser, et nous pensons que le Qasqhai répond aux exigences de chacun de ces marchés. Mais, dans le détail, ce sont des marchés très ciblés. Par exemple, l'Afrique ne pèse que 1,2 million de voitures par an, dont l'essentiel est concentré sur quatre pays seulement : l'Egypte, le Maroc, l'Afrique du Sud et le Nigéria.

En Europe, vous êtes en difficulté. Vous avez perdu du terrain sur les six premiers mois de l'année et ne pesez plus que 1,8% de parts de marché. Le Qasqhai va-t-il vous permettre de vous relancer ?

Bien sûr. C'est notre best-seller et son démarrage (juin, ndlr) est très encourageant. Mais notre stratégie de croissance est moins fondée sur la multiplication des produits que sur leur profondeur de pénétration. Nous avons acquis l'idée que l'avenir sera davantage porté sur des typologies de chaînes de traction, que sur les produits eux-mêmes. Nissan disposera, prochainement avec le nouveau XTrail, d'une gamme renouvelée de ses best-sellers avec le Juke et le Qasqhai. Dans le contexte environnemental actuel, et dans la perspective de la nouvelle norme Euro7, ce qui va faire la différence, c'est la qualité de la propulsion. Et Nissan a innové avec E-Power, une technologie hybride qui permet une transmission 100% électrique aux roues sans recharger la voiture. C'est là-dessus que nous voulons capitaliser pour créer de la valeur sur nos produits. Car nous avons décidé que n'investirons pas dans Euro7, nous mettons donc tout en œuvre pour disposer d'une gamme totalement électrifiée dès 2025. Bien entendu, nous serons également offensifs dans le 100% électrique avec l'Ariya.

Vous dites que vous n'investirez pas dans Euro7. Cela signifie qu'il n'y aura pas de successeur à la Micra?

Notre objectif est de redevenir rentable en Europe. Chaque modèle doit donc reposer sur une équation de profitabilité. Il est vrai que sur les petites voitures, cette rentabilité est plus complexe à atteindre, elle le sera encore plus avec Euro7. Nous travaillons actuellement sur l'avenir de la Micra en prenant en compte tous ces éléments. Nous n'avons pas encore pris de décision.

Vous avez évoqué le 100% électrique que vous allez relancer à travers l'Ariya , un grand SUV. Mais vous êtes l'inventeur de la Leaf, la plus vieille mais aussi jusqu'à très récemment la voiture électrique la plus vendue dans le monde. Pourtant, vos performances dans ce domaine sont décevantes en Europe.

En fonction de marchés comme l'Angleterre ou la France, la Leaf n'est pas si mal positionnée. Mais il est vrai que nous avons été les premiers, et nous ne sommes pas considérés comme tels, et nos performances sont en-dessous de ce que nous méritons. Mais nous avons enclenché un vrai travail pour revenir sur cette technologie sur de nouvelles bases. Nous avons récemment annoncé un accord avec Envision pour construire une usine de batteries à proximité de notre site de Sunderland. Cet accord nous permettra de sécuriser nos approvisionnements en batteries au meilleur prix. En outre, nous disposons également d'une plateforme CMF-EV qui va nous permettre de développer des modèles dans les meilleures conditions de compétitivité. C'est un long travail qui prendra dix ans.

Comment expliquez-vous que Nissan ait pu perdre autant de terrain, pas seulement sur l'électrification ?

Nos sources d'innovation ont été des secrets trop bien gardés. Nous devons être plus consistants dans notre façon de communiquer. Notre part de marché en Europe n'est pas acceptable. Nous visons une part de marché à 3% à moyen terme.

Nissan est essentiellement perçu comme une marque de SUV. Mais sur ce segment, vous êtes extrêmement challengé par des produits très qualitatifs, le Peugeot 3008 ou le Volkswagen Tiguan, ou encore l'offensive Skoda sur ce segment vous a bousculé. Il y a aussi l'arrivée des SUV coupé. Comment voulez-vous faire revivre la marque Nissan dans l'esprit des Européens ?

Notre positionnement est très clair. D'abord, nous sommes une marque japonaise avec tout ce que cela inspire. Le Japon c'est le design mais aussi l'hospitalité. Nous travaillons à délivrer le meilleur de cette philosophie. Mais nous sommes également une marque pionnière dans l'électrification, et notre ADN c'est de faire de cette technologie un produit excitant. Enfin, Nissan, c'est une marque qui délivre une excellence technologique qui lui est propre. Nous avons inventé E-Pedal (conduite avec une seule pédale, ndlr), nous déployons E-Power qui est une vraie solution de mobilité innovante et nous allons bientôt lancer E-4orce (système 4 roues motrices, ndlr). Notre message est donc très clair, mais nous devons être plus consistant dans notre communication. Et avec le Qasqhai, nous avons un excellent outil puisqu'à chaque fois que nous communiquons sur ce produit, nous avons un effet immédiat sur l'image de la marque.

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