Nissan : Hiroto Saikawa au bord du précipice

Le patron de Nissan n'a pas convaincu les marchés qu'il était bien l'homme de la situation face au plongeon des résultats financiers... Au point d'avoir consenti des concessions à Renault, son actionnaire principal qu'il a pourtant tenté de neutraliser. Hiroto Saikawa semble désormais assis sur un siège éjectable...
Nabil Bourassi
Le patron de Nissan
Le patron de Nissan (Crédits : Reuters)

Le directeur général de Nissan a senti le vent du boulet passer très près... C'est désormais de notoriété publique, Hiroto Saikawa a bien failli prendre la porte après la publication de catastrophiques résultats financiers, qu'il a vainement tenté d'imputer à Carlos Ghosn, l'ancien président et mis en examen depuis novembre pour des faits de malversations.

Avec un bénéfice net qui plonge de 57% et une marge opérationnelle divisée par deux, le constructeur automobile japonais traverse, c'est le moins qu'on puisse dire, une mauvaise passe. Et les perspectives ne sont pas meilleures puisque Nissan prévoit que l'année 2019-2020 (exercice clos fin mars) soit dans la même veine, ou pire encore...

Une "diversion"

Hiroto Saikawa a tenté de déporter la responsabilité de cette déroute sur le compte de Carlos Ghosn. Il a invoqué une stratégie fondée sur la course aux volumes et un plan produit insuffisant. Les marchés n'ont pourtant pas été dupes. Ils ont rappelé que Hiroto Saikawa dirigeait Nissan depuis plus de deux ans maintenant, soit plus qu'il n'en fallait pour présenter une nouvelle stratégie. Certains ont même évoqué une "diversion".

Ce lundi, Standard & Poor's en a ajouté une couche. La première agence de notation financière du monde, a abaissé sa perspective sur le titre Nissan. Celle-ci est passée de stable à négative, mais la note A- est restée inchangée. En d'autres termes, l'agence s'apprête à baisser la note dans les mois à venir si ses sombres prévisions venaient à se confirmer.

"Il y a plus d'une chance sur trois que Nissan mette plus de temps que ce que nous avions estimé auparavant pour restaurer ses profits", a commenté l'agence dans un communiqué. S&P estime que Nissan souffre d'une gamme "vieillissante et donc moins compétitive".

Lors de l'assemblée générale du 8 avril dernier, de nombreux investisseurs voulaient déjà faire tomber la tête de Hiroto Saikawa. Ils estimaient qu'il restait, à son corps défendant, un vestige du régime de Carlos Ghosn alors que Nissan avait plutôt besoin d'une nouvelle impulsion stratégique. Les résultats financiers publiés mi-mai ont relancé ces rumeurs...

Des gages apportés à Renault

Sous pression, Hiroto Saikawa a donc dû composer avec celui qui reste son principal actionnaire, Renault, qu'il a pourtant tenté de neutraliser à travers la chute de Carlos Ghosn. La semaine dernière, le groupe automobile français a ainsi profité de la refonte du conseil d'administration de Nissan où siège déjà Jean-Dominique Senard parachuté en mars nouveau patron de Renault, pour ajouter Thierry Bolloré, l'ancien bras droit de Carlos Ghosn. Cette nomination aurait été âprement négociée car Nissan ne voulait pas de celui qui a affiché un indéfectible soutien au chef déchu, et contempteur assumé de M. Saikawa. La nomination de Yasuhiro Yamauchi a également été mise sur le compte de cette volonté d'arrondir les angles. Le directeur opérationnel (le COO, souvent numéro deux d'une entreprise) était connu pour être resté en retrait du conflit entre Renault et Nissan. Sa nomination est donc un gage de neutralité pour Renault et empêche Hiroto Saikawa de disposer d'un conseil d'administration à sa botte.

Le patron japonais n'a pas pour autant sauvé son poste à la direction de Nissan. Si les performances commerciales et financières du groupe continue de se dégrader, Renault sera trop content d'offrir sa tête pour rassurer les marchés, et ne rencontrera que très peu de résistances en interne.

Rapport de force inversé

L'ironie de l'histoire, c'est qu'en quelques mois, le rapport de force s'est subitement et totalement inversé. Si Renault est effectivement plus petit que Nissan en volumes de vente et en capitalisation boursière, il n'empêche que le français a affiché en 2018 une marge opérationnelle quasiment deux fois plus élevée. De plus, Renault est en plein renouvellement de gamme avec le lancement cette année d'une nouvelle Clio, d'un nouveau Captur, soit les deux modèles parmi les plus vendus du groupe, là où on n'attend pas autre chose qu'un Juke côté Nissan, et le Qashqai l'année suivante, tandis que Renault en sera à lancer d'autres modèles encore.

Hiroto Saikawa a pris un immense risque en orchestrant la chute de Carlos Ghosn, une personnalité qui, somme toute, rassurait les marchés. Au-delà du fait que le timing joue contre lui avec une conjoncture défavorable, il ne semble pas avoir repris de véritable leadership stratégique. Il n'est pas non plus parvenu à proposer un modèle alternatif à l'alliance telle qu'elle avait été forgée par Carlos Ghosn. Le tombeur de Carlos Ghosn est désormais acculé, et devra, s'il veut s'en sortir, reprendre l'initiative, et vite...

Nabil Bourassi

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 32
à écrit le 24/05/2019 à 22:34
Signaler
Et qui était Ministre de l'Economie de Hollande ? Bizarre cet oubli. En tout cas Nissan a compté dans mon intention de ne pas voter LRM, ca plus les "lois Macron" et autres bricolages chichiteux du grand réformateur, sans oublier non plus le "colon...

à écrit le 22/05/2019 à 11:41
Signaler
Il a été l'instigateur des accusations contre Ghosn, maintenant il va devenir le payeur, car sans résultats il fera perdre la face à ses soutiens.

à écrit le 22/05/2019 à 11:16
Signaler
Des questions à se poser avant tout: Qui sont les principaux actionnaires de Renault et de Nissan actuellement? Comment fonctionne ce groupe? Pourquoi Renault a pris du retard face aux technologies hybrides, le premier moteur hybride sur clio sor...

à écrit le 22/05/2019 à 8:54
Signaler
Cela fait penser à ce footballeur qui avait révélé les magouilles de M.Tapie dans le football (match acheté), et qui avait été, par la suite banni du monde du football. La façade des entreprises, de l'économie en général, se veut vertueuse, mais le c...

à écrit le 21/05/2019 à 22:31
Signaler
Carlos GHOSN est PDG de NISSAN depuis 20 ans et Hiroto Saikawa depuis 2 ans, mais c'est lui qui est responsable des erreurs stratégiques. Logique. Ne pas s'en faire pour NISSAN, c'est à eux que RENAULT est obligé d'acheter des batteries. Ce n'est ...

le 22/05/2019 à 8:41
Signaler
Nissan a vendu son activité batteries. Renault devra en acheter...aux chinois.

à écrit le 21/05/2019 à 20:55
Signaler
Le boomerang quel belle invention des Aborigènes Australien

à écrit le 21/05/2019 à 18:00
Signaler
J'aime bien le proverbe : l'arroseur arrosé ou que le japonais est la grenouille de la fable qui veut se faire plus grosse que le bœuf , juste une remarque : ces japs sont tellement obnubilés par leur supériorité que cela va les remettre à leur juste...

à écrit le 21/05/2019 à 17:17
Signaler
"Nissan : Hiroto Saikawa au bord du précipice" il faut l'encourager à faire un grand pas en avant.

à écrit le 21/05/2019 à 16:53
Signaler
"Carlos Ghosn, une personnalité qui, somme toute, rassurait les marchés" Sans commentaire.

à écrit le 21/05/2019 à 14:25
Signaler
Saikawa est en train de perdre la face, et avec lui toute une frange de nationalistes japonais qui conservent une haine viscérale de l'occident. Qu'ils n'oublient pas que c'est à Renault qu'ils doivent rendre des comptes. Le moment est venu pour Ren...

à écrit le 21/05/2019 à 13:25
Signaler
La tête de Brutus doit tomber, et le plus tôt sera le mieux, y compris pour Nissan. Et, ayant avalisé en tant que PDG de Nissan, toutes les irrégularités reprochées à Ghosn, il n'est pas exclu qu'il aille un jour déguster lui aussi des oranges à Kos...

le 21/05/2019 à 15:17
Signaler
1/ Il y a quelques années, Carlos Ghosn avait nommé Saikawa directeur général de Nissan pour calmer le ministre de l’économie de François Hollande qui voulait absolument fusionner Renault et Nissan. Ghosn y était opposé car il savait que les Japonais...

le 21/05/2019 à 17:15
Signaler
@Wind Surf : on est d'accord.

à écrit le 21/05/2019 à 13:15
Signaler
voila ou meme l'ego demesure on coule des boites sans avoir reflechi plus loin que le bout de son nez

à écrit le 21/05/2019 à 12:57
Signaler
Le guette-à-pinces ( en...Nippon ! ) monté contre Gohsn avait été monté pour camoufler ces résultats catastrophiques déjà connus et lui faire porter le chapeau et...la camisole !

à écrit le 21/05/2019 à 10:58
Signaler
La dégringolade viendra également pour Renault. Aucune voiture Nissan et Renault ne sera achetée dans l'avenir par le peuple le boycott au Moyen Orient a débuté.

le 21/05/2019 à 18:01
Signaler
Ah bon , qu'est ce que le moyen orient à avoir dans cette affaire ?

à écrit le 21/05/2019 à 10:40
Signaler
Quand je vous disais dernièrement que Nissan par l'intermédiaire de Hiroto Saikawa était entrain de se faire Hara Kiri !!!

à écrit le 21/05/2019 à 10:32
Signaler
MDR mais qui va encore sauver NISSAN ? ils ont toujours pas compris ?? Sans Ghosn ils seraient plus là ... même avec tous ce que l'on reproche, il tenait le groupe Nissan ! chose que les Jap qui l'on fait tombé et truqué une partie des infos (le rest...

à écrit le 21/05/2019 à 10:23
Signaler
Le Président Ghosn avait parfaitement raison de vouloir le limoger. Le plus tôt sera le mieux. Mais il est soutenu par le Miti, instrument nationaliste du Gouvernement japonais.

le 21/05/2019 à 13:26
Signaler
Ghosn aurait mieux fait de le limoger depuis Paris par mail. Et Senard serait bien inspiré d'en faire autant.

à écrit le 21/05/2019 à 10:06
Signaler
Standard & Poor's maintient son appréciation à « A- », soulignant « le profil financier solide » du constructeur et ses « forces par rapport à ses rivaux » : « une gamme de produits étendue et la diversification géographique de ses activités », avec ...

le 21/05/2019 à 12:54
Signaler
Deux ans, c'est bien court....Et chez PSA, Tavares en a fait beaucoup en ...deux ans !

à écrit le 21/05/2019 à 9:53
Signaler
Les requins se dévorent entre eux, et l'histoire n'aime pas les traîtres.

à écrit le 21/05/2019 à 9:34
Signaler
Si je m'hasardais à faire une pincée de vision prospective je dirais que demain, c'est à dire dans juste quelques années, nous auront des petites bagnoles qui consommeront 2,5litres ou électriques pour les petits déplacements du quotidien et des bagn...

à écrit le 21/05/2019 à 9:16
Signaler
Iznogoud n'est pas meilleur mais au moins il est rigolo.

le 21/05/2019 à 9:58
Signaler
Le sous chef qui voulait être à la place du chef sans en avoir la stature et qui a mis son entreprise au bord du gouffre... Cela me rappelle une fable toujours d'actualité: la Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf....

à écrit le 21/05/2019 à 8:38
Signaler
Si on accepte l'hypothèse que le marché automobile mondial est lui-même au bord du gouffre, alors la tête de ce dirigeant est déjà au sol. Si Renault ne se sépare pas de ce boulet rapidement, ça va couter cher en provisions.

à écrit le 21/05/2019 à 8:27
Signaler
Nissan , c est aussi une image de fiabilité peu glorieuse aux USA ( probleme de boite auto notamment).

à écrit le 21/05/2019 à 7:35
Signaler
Ce gars là est perfide, intrigant et sans courage, il n'a aucune des valeurs d'un grand capitaine d'industrie, aucune vision à long terme...Renault ferait bien de le dégager au plus vite.

à écrit le 21/05/2019 à 7:30
Signaler
Il est surtout inimaginable que ce fourbe qui allait être débarqué pour mauvais résultats par Carlos Ghosn avant son arrestation ait gardé son poste .

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.