De la vie de bureau à la fabrique de la ville, les enseignements de Méka Brunel (ex-DG Gecina)

A la tête de la première foncière de bureaux et de logements en Île-de-France, la directrice générale de Gecina vient de tirer sa révérence. « Mon successeur a de quoi faire », confie Méka Brunel à La Tribune. Elle-même s'apprête à fédérer les entreprises de la fabrique de la ville, les acteurs publics et les responsables politiques au nom de la lutte contre le dérèglement climatique.
César Armand
Après cinq ans de bons et loyaux services, Méka Brunel a quitté la direction générale de Gecina le 21 avril dernier.
Après cinq ans de bons et loyaux services, Méka Brunel a quitté la direction générale de Gecina le 21 avril dernier. (Crédits : Valérie Archeno)

Dans l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle, un autre quinquennat s'est achevé comme prévu. Nommée en janvier 2017, la directrice générale de Gecina, Méka Brunel vient de tirer sa révérence, le 21 avril dernier, sur des « performances opérationnelles solides » : 30.000 mètres carrés de bureaux commercialisés rien qu'au premier trimestre 2022, des loyers bruts en hausse de 2,2% à 153,3 millions d'euros et un taux d'occupation de 92%.

« Derrière les résultats, n'oubliez pas toutes les réflexions, les joies - parfois les frustrations... - le temps de mise en œuvre et les équipes nécessaires à un projet. Pour un deal qui est fait, ce sont des dizaines qui ratent », souligne-t-elle aujourd'hui.

« Le rôle du coach est d'amener l'équipe à jouer ensemble, à se relever après avoir mis un genou à terre et surtout à prendre du plaisir dans un esprit collectif. C'est cela la boîte à souvenirs avec laquelle je pars », ajoute Méka Brunel.

« Mon successeur a de quoi faire »

Celle qui a présidé le conseil de développement de la métropole du Grand Paris de 2017 à 2021 part après avoir érigé sa foncière en numéro 1 en Île-de-France, avec 81% de bureaux et 19% de logements privés et étudiants à Paris intra-muros et à l'Ouest de la capitale. Elle « ne sait pas » si elle s'en va avec le sentiment du devoir accompli, mais « une chose est sûre : le chemin est balisé avec le sentiment que nous faisons face à un mode en pleine transformation »

« Mon successeur a de quoi faire », poursuit Méka Brunel, sans pour autant exprimer ses attentes vis-à-vis de Beñat Ortega, nouveau DG de Gecina après avoir été membre du directoire et directeur des opérations de Klépierre, et œuvré neuf ans chez Unibail-Rodamco. « Je lui souhaite beaucoup de succès et de réussites quels que soient les domaines », déclare-t-elle.

« Devant la transformation géopolitique, technologique, servicielle... du monde, il faut être humble et considérer que les équipes doivent se donner les moyens d'être agiles et de jouer collectif sous l'impulsion du directeur général », finit par lâcher l'ex-patronne.

Fédérer les entreprises de la fabrique de la ville, les acteurs publics et les responsables politiques

Elle sait de quoi elle parle. Désormais vice-présidente de la fondation Palladio chargée de l'Université de la Ville de Demain (UVD), elle doit fédérer les entreprises de la fabrique de la ville, les acteurs publics et les responsables politiques « vers la ville décarbonée, durable et inclusive ». « Les décisions peuvent venir d'en haut, mais doivent être partagées à l'ensemble du système. Nous ne pouvons plus nous contenter d'avoir des sachants d'un côté et des faiseurs de l'autre », enchaîne-t-elle.

Après un premier sommet de l'UVD en juillet 2021, réunissant, à huis clos, anciens Premiers ministres, candidats à l'élection présidentielle, grands patrons, élus locaux, organisations non gouvernementales, représentants culturels et cultuels..., une deuxième édition est prévue avant l'été sur « l'urgence écologique, démocratique et sociale ».

« Nous ne pouvons pas seulement dire ''C'est trop cher'', mais, au contraire, être dans l'action collective pour créer l'enthousiasme et s'ouvrir aux banquiers, aux financiers et aux investisseurs », explique Méka Brunel.

« Les Français ont déjà en eux ces compétences, cette énergie et cette volonté de démultiplier les actions collectives et de devenir les champions de la ville de demain », insiste-t-elle.

Le dérèglement climatique signe le début de révolutions profondes

L'Université s'est par exemple déjà penchée sur le cas de la commune de Saint-Dizier (Haute-Marne), célèbre pour ses forges, avant de devenir l'épicentre du chômage, de la désindustrialisation et des « Gilets jaunes ». Elle y a ainsi fait venir la Banque des territoires (groupe Caisse des Dépôts), un chef étoilé ainsi que le Comité d'organisation des Jeux olympiques (Cojo) qui l'a érigée en ville-pilote de Paris 2024 pour le design actif, ou encore le Grand Palais.

De la même façon qu'elle a facilité les rencontres entre les différentes parties prenantes sur l'Axe Majeur, là même où se concentrent les pouvoirs économiques et politiques de Neuilly-sur-Seine à la place de la Concorde en passant par La Défense et les Champs-Elysées. Demain, ce sera sur l'axe Seine, le corridor Paris-Rouen-Le Havre, porté politiquement par ses trois maires Anne Hidalgo, Nicolas Mayer-Rossignol et Edouard Philippe.

« Le dérèglement climatique signe le début de révolutions profondes » dit encore Méka Brunel. « Contrairement à ce qui a été écrit ici et là, tout le monde n'est pas devenu agriculteur à la suite de la crise sanitaire. 70% de la population mondiale continue de vivre en ville. Nous sommes entrés dans un environnement où la qualité de vie est désormais au cœur des préoccupations », enchaîne-t-elle.

« Arrêtons de faire de la recherche à la petite cuillère ! »

Cela passe par des bureaux plus centraux - ou leur transformation en logements - et par une meilleure utilisation des espaces, et non par la généralisation du télétravail. « Opposée » à l'idée d'envoyer les salariés chez eux pour faire des économies, elle le juge même « contreproductif » : « les femmes vont redevenir invisibles et c'est également mauvais pour la productivité sur le long-terme ».

« La numérisation du monde entraîne une suppression massive d'emplois administratifs et du management intermédiaire au bénéfice d'emplois de service ou à haute valeur ajoutée. Preuve en est : des emplois ne sont pas pourvus dans ces deux domaines. Il est temps d'accompagner la transformation de ces métiers administratifs vers d'autres plus valorisants et utiles », martèle Méka Brunel.

Autrement dit, il s'agit de former les travailleurs à la lutte contre le dérèglement climatique. « Il faut moins de réglementations, plus d'objectifs à atteindre et laisser la place à la technologie et à l'inventivité pour y arriver tout en recyclant au maximum les outils qui existent. Le juge de paix est le client dont les exigences sont importantes. Nous n'avons collectivement pas d'autres choix que de nous y conformer », souligne-t-elle.

D'autant que la guerre en Ukraine ne fait que rappeler la dépendance des bâtiments au gaz. « Il faut continuer la recherche fondamentale pour livrer des immeubles low tech et rendre des immeubles déconnectés des énergies primaires », estime-t-elle. Aussi, sur le modèle des milliards investis pour les vaccins, « donnons les mêmes moyens financiers, arrêtons de faire de la recherche à la petite cuillère et soyons nous aussi éco-responsables, c'est du réel ! ».

César Armand

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