
« À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », dit le proverbe. Ian Brossat ne s'est pas mis en danger, mais pour l'adjoint (PCF) au Logement d'Anne Hidalgo, le jugement de la Cour de Cassation signe une « victoire totale de la ville de Paris face à Airbnb et aux fraudeurs qui louent leur logement illégalement ». « Nos outils de régulation sont reconnus conformes au droit européen ! Une bataille de cinq ans devant les tribunaux », a tweeté l'élu.
Invité le 22 septembre dernier par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) à vérifier si la capitale apporte bien en l'espèce les preuves d'une pénurie de logements destinés à la longue durée, à la suite d'un litige entre la Ville et deux propriétaires utilisant la plateforme américaine, la plus haute juridiction française vient de juger que la réglementation française n'était ni « arbitraire » ni « disproportionnée ».
Avec cette nouvelle décision de justice, un appartement, à Paris ou ailleurs en France, ne pourra en effet plus être loué sur une plateforme plus de 120 jours sans être déclaré comme « un local commercial ». Le bail mobilité pour loger les personnes en contrats de travail courts type stage ou CDD et les locations de 9 mois aux étudiants resteront toutefois tolérés.
Sept ans de bras de fer entre Airbnb et Paris
« Nous prenons acte de cette décision, qui confirme un cadre réglementaire applicable depuis déjà plusieurs années. Airbnb n'est pas partie de cette affaire et l'écrasante majorité des hôtes sur Airbnb à Paris partage leur résidence principale », a réagi la firme américaine dans un communiqué.
Depuis mars 2014, la loi ALUR prévoit un plafond de 120 jours pour louer sa résidence principale à des fins touristiques, de même que la loi pour une République numérique impose depuis décembre 2016 un numéro d'enregistrement aux propriétaires, afin de permettre aux municipalités de connaître le nombre de nuitées d'un loueur. Airbnb a toujours considéré ce système comme « complètement disproportionné », en en contestant « l'existence légale », et proposé de créer un outil qui bloque toute location au-delà des 120 jours.
Ian Brossat a toujours refusé, considérant qu'il est difficile de vérifier que la plateforme « fait le ménage ». « Les villes qui ont mis ce genre d'outils de régulation en sont revenues », a l'habitude de répéter l'adjoint (PCF) au Logement d'Anne Hidalgo. La capitale, qui, avec ses 35 agents dédiés aux contrôles, attaque systématiquement les propriétaires « ayant de nombreuses propriétés » a déjà empoché 5 millions d'euros d'amendes. Paris va ainsi pouvoir reprendre les poursuites judiciaires contre 420 propriétaires auxquels elle réclame, en moyenne, 50.000 euros. Soit près de 21 millions d'euros d'amendes potentielles...
Le code de l'urbanisme, une arme supplémentaire
La Cour de Cassation valide par ailleurs le mécanisme controversé de « compensation ». Si un propriétaire souhaite dédier une résidence secondaire à la location touristique de courte durée, il doit acheter un local commercial de surface équivalente - voire le double ! dans certaines zones - pour le transformer en habitation pour compenser la perte de logement...
Le code de l'urbanisme sera une arme supplémentaire pour la Ville, décrypte Thierry Delesalle, notaire dans la capitale. « Le changement de destination vers l'hôtellerie, le bureau ou le commerce nécessite une autorisation d'urbanisme ou un permis de construire. Ne pas le faire, c'est ne pas être dans les clous », explique-t-il.
Cela ne résoudra pas la crise du logement...
Cela ne résoudra pas pour autant la crise du logement à Paris, estime Jean-Marc Torrollion, le président de la Fédération nationale des agents immobiliers (FNAIM). Selon ses données, il existe 500.000 logements en location privée, 370.000 logements occupés par leurs propriétaires, 200.000 logements sociaux et 120.000 résidences secondaires, dont 114.000 meublés, sans parler des logements vacants.
D'après lui, 10% à 20% des propriétaires des meublés vont réfléchir à utiliser leur logement différemment. Les uns vont revenir en agence pour les placer sur le marché de la location de longue durée. Les autres, les revendre, ayant fondé leur retour sur investissement sur la location sur les plateformes, aujourd'hui lourdement impactée par la crise économique et sanitaire.
La chambre des notaires de Paris constate, elle aussi, des investisseurs qui sont en train de vendre, mais n'a pas de chiffres pour les identifier avec précision. La raison est simple : dans les chiffres qu'elle communique depuis trente à quarante ans, elle ne retient que les ventes de... non-meublés. « Il est peut-être temps de se poser la question d'inclure les meublés dans nos indicateurs... » lâche d'ailleurs l'un d'entre eux.
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