RE2020 : « Nous voulons anticiper et même aller au-delà » (Olivier Wigniolle, Icade)

INTERVIEW. Sans attendre la deuxième mouture de la réglementation environnementale 2020 du bâtiment dite "RE2020", le directeur général de la filiale immobilière de la Caisse des Dépôts dévoile, dans La Tribune, sa stratégie bas-carbone. Déjà engagé dans les matériaux biosourcés, Olivier Wigniolle annonce, notamment, la création d'une filiale construction bois industrielle : "Urbain des bois".
César Armand
Pour le directeur général d'Icade, Olivier Wigniolle, la transition financière est encore plus lente que la transition environnementale du bâtiment.
Pour le directeur général d'Icade, Olivier Wigniolle, "la transition financière est encore plus lente que la transition environnementale du bâtiment". (Crédits : Xavier Lahache)

Même si elle a déjà réduit de 27% ses émissions de gaz à effet de serre sur la foncière tertiaire depuis 2015, Icade entend désormais baisser de 45% son intensité carbone sur ce segment d'ici à 2025. De même que dans sa foncière santé, elle promet 100% de constructions neuves de plus de 4.000 m² certifiées Haute qualité environnementale (HQE).

La filiale de la Caisse des Dépôts s'engage tout autant en matière de promotion immobilière. En 2022, 100% des bureaux de plus de 5.000 m² et 50% des logements qu'elle érige devront être labellisés E+C E2C1. Autrement dit, elle se doit d'accélérer dans la construction bas-carbone, sans attendre la nouvelle réglementation environnementale dite "RE2020".

LA TRIBUNE - Vous revendiquez être la première foncière en France à avoir obtenu en 2005 la certification Haute qualité environnementale (HQE) Construction puis en 2017 le label E+C-, prémices de la « RE2020 ». Près d'un an après la présentation de votre raison d'être, déjà axée sur la réduction de votre empreinte carbone, vous dévoilez votre stratégie bas-carbone. Pourquoi maintenant ?

OLIVIER WIGNIOLLE - Le secteur du bâtiment et de l'immobilier est en pleine discussion sur la réglementation environnementale 2020 dite « RE2020 ». Chez Icade le sujet de la construction et la gestion durables est au cœur de nos préoccupations et constitue une de nos priorités depuis 2015. En présentant notre stratégie quelques jours avant la nouvelle mouture du gouvernement, nous voulons faire passer le message que nous n'attendons pas les réglementations pour nous mobiliser. Nous voulons anticiper et même aller au-delà de la « RE2020 ».

La période que nous traversons, particulièrement compliquée sur les plans environnementaux et économiques, nous invite à faire de la construction bas-carbone une opportunité et non une contrainte. Nous pouvons faire de la transition écologique et énergétique est un véritable relais de croissance. Par les temps qui courent, c'est un message positif, non ?

Est-ce à dire que vous avez déjà pris le virage des matériaux biosourcés, c'est-à-dire d'origine locale, animale ou végétale ?

Le sujet du bâtiment biosourcé est important dans l'impact environnemental, mais c'est vrai qu'il reste aussi un sujet compliqué. Ce n'est pas qu'une question de coût, de réelle prise en compte, mais également un sujet complexe en matière assurancielle.

De la même manière que c'est problématique pour le réemploi, le biosourcé a du mal à trouver des assurances dommage-ouvrage. Il nous faut donc régler ce problème, mais nous aurons à cœur d'accorder aux biosourcés la bonne place.

Quand nous observons le rapide développement et le succès rencontré par notre startup Cycle Up, commune avec Egis, spécialisée dans le réemploi, nous avons bon espoir pour les matériaux biosourcés.

La révolution numérique peut-elle accélérer cette transition ?

Cycle Up en est un bon exemple. Je pourrais citer une autre startup issue d'une démarche intrapreunariale : Stock, spécialisée dans la compensation locale.

Sur l'ensemble de nos activités de promoteurs et d'investisseurs, il est aujourd'hui évident que, sans maquette numérique (le BIM, ndlr), il n'y aura pas de bas-carbone dans la conception et la construction. D'autant que si les modes de calcul de la réglementation thermique 2012 dite « RT2012 » étaient déjà très compliqués, nous allons avoir d'une puissance de calcul encore plus précise pour la réglementation environnementale 2020 (« RE2020 », Ndlr).

Dans le même temps, nous intégrons déjà des outils de modélisation pour analyser les cycles de vie des bâtiments. Nous pouvons baisser de 20% les consommations d'énergie et d'eau rien qu'en les analysant et sans changer la vie des gens.

Autre exemple : avec l'intelligence artificielle, nous arrivons à optimiser le fonctionnement des ascenseurs et des salles de réunions. Mis à bout à bout, nous pouvons faire réduire jusqu'à 30% les consommations, comme nous l'intime le décret tertiaire.

Pourquoi créer « Urbain des bois »,  une filiale construction bois industrielle alors que vous avez déjà un partenariat avec le promoteur REI Habitat ?

Nous avons jugé utile de créer au sein d'Icade Promotion une filiale 100% bois et anglée sur la personnalisation du logement. C'est une tendance qui s'affirme et répond à l'attente grandissante de nos acquéreurs, et de manière plus surprenante, des élus locaux. C'est en effet un puissant moyen de concertation et donc d'acceptabilité des projets par les riverains et partie prenantes.

N'est-ce pas un marché de niche ?

C'est peut-être un marché de niche, mais il y a de la place pour un acteur du marché comme Icade. Le bois n'est en outre qu'une solution pour répondre au défi du bas-carbone.

D'autres options sont possibles : par exemple, en terme de consommation des ressources et d'intensité carbone, nous savons qu'il vaut mieux rénover plutôt que démolir-reconstruire. C'est cette réflexion qui est à l'origine de la création de Cycle Up.

La surélévation en bois peut-elle être une réponse à la crise de l'habitat dans les métropoles ?

Les élus locaux sont peut-être plus sensibles au « zéro artificialisation nette » qu'à l'impact carbone proprement dit. Or, du fait de la démographie, il nous faudra toujours construire davantage. A cet égard, les systèmes de surélévation sont probablement les projets les plus vertueux. Sous réserves de bien vérifier que les bâtiments existants peuvent supporter les reports de charge et de poids, la surélévation est une bonne solution dans la mesure où elle permet de densifier sans artificialiser les sols tout en respectant la trame urbaine existante.

C'est une chose à laquelle nous allons devoir nous habituer en ville. Nous avons un projet en ce sens à Marseille, Initial Prado. Cet immeuble fait l'objet d'une surélévation sur le bâtiment existant (de plus de 10.000 m², Ndlr), d'un changement d'usage et fait appel au réemploi de matériau : il coche toutes les cases !

Dans le même esprit, les 300 millions d'euros du plan pour recycler les friches s'avéreront-ils suffisants pour relancer la machine du logement neuf ?

Les friches sont une opportunité majeure pour construire tout en luttant efficacement contre l'artificialisation des sols. Ces terres déjà utilisées voire construites peuvent être réutilisées de ne pas artificialiser de nouveau. Compte tenu malheureusement du déclin industriel d'un côté et des activités commerciales de proximité de l'autre, il existe autant de gisements significatifs pour répondre aux besoins de logement.

Nous pouvons simplement regretter la modestie de la somme mise à disposition par France Relance, alors que ces opérations pourraient nécessiter des financements supplémentaires comme des aides à la dépollution. Il n'empêche, même sans subvention, nous sommes en train de transformer une friche militaire désaffectée à Versailles en un superbe quartier de ville mixte où la nature est omniprésente.

Après avoir émis une obligation verte - green bond - de 600 millions d'euros en 2017 et un social bond de 600 millions d'euros le 11 janvier, pourquoi n'envisagez-vous pas de recourir qu'à ce type de financements ?

Nous l'espérons tous, mais les financements verts restent plus chers que les financements traditionnels. La transition financière est encore plus lente que la transition environnementale du bâtiment.

La tendance devrait néanmoins s'inverser car les investisseurs en actions et obligations se fixent des objectifs élevés, à savoir atteindre la décarbonation de leur portefeuille. Bientôt, il y aura davantage d'offres que de demande. Cela sera alors plus vertueux sur le plan environnemental. 2021 devrait être une année bascule dans ce domaine.

César Armand

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