CMA CGM va investir 1,5 milliard d’euros sur cinq ans pour se décarboner

L'armateur CMA CGM, qui a engrangé un bénéfice net record de 14,8 milliards d'euros au premier semestre 2022, va consacrer 1,5 milliard à un fonds énergie destiné à « accélérer la décarbonation de ses activités », a affirmé au JDD son PDG, Rodolphe Saadé. L’annonce intervient alors que le groupe est pointé du doigt pour ses « superprofits » réalisés en temps de crise, qu’une partie de l’opposition demande à taxer.
(Crédits : Reuters)

Depuis plusieurs semaines, CMA CGM est sous pression. Le spécialiste du transport par conteneur figure parmi les cibles d'une éventuelle taxe sur les « superprofits » engrangés en temps de crise, demandée par l'opposition de gauche en France. Pour cause : alors que le prix du fret s'est envolé et que le désordre logistique a fait flamber les cours du transport de marchandises, le troisième armateur mondial a dégagé un bénéfice net record de 14,8 milliards d'euros au premier semestre 2022. Soit 4 milliards de plus que TotalEnergies, et presque autant que ce qu'il avait lui-même enregistré en 2021, année déjà exceptionnelle !

Fort de ces profits records, son PDG, Rodolphe Saadé, veut montrer qu'il prépare l'avenir. Et a affirmé ce dimanche dans le JDD qu'il consacrera 1,5 milliard d'euros « sur cinq ans » à un fonds énergie destiné à « accélérer la décarbonation des activités » du groupe. Soit 300 millions d'euros par an pour permettre la transition des transports maritime, terrestre et aériens, ainsi que la décarbonation de la logistique dans le monde.

Dans les grandes lignes, ce fonds investira pour soutenir la production industrielle de nouvelles énergies, ainsi que des solutions de mobilité à faibles émissions dans toutes les activités du groupe (transports maritime, terrestre et aérien ; activités portuaires et logistiques ; bureaux). Il permettra par ailleurs de soutenir une plateforme mondiale d'innovations développée avec de grandes entreprises, des PME, des startups, des acteurs académiques et scientifiques, a fait savoir CMA CGM dans un communiqué.

Investissement dans les énergies bas carbone

Sur l'énergie, il devra notamment « accélérer l'émergence » de la production de fuels alternatifs, comme le biofuel, le biométhane, l'e-methane ou encore le méthanol décarboné, en nouant des partenariats avec des groupes industriels maîtrisant ces technologies ou avec des « startup prometteuses ». Jusqu'ici, l'armateur aux 583 navires, qui s'est engagé à la neutralité carbone nette d'ici 2050, a plutôt investi dans le gaz naturel liquéfié (GNL) comme énergie de transition du transport maritime, même si celui-ci émet du CO2 lors de sa combustion - à hauteur de 443 gCO2e/kWh.

« L'idéal, à plus long terme, est de trouver des alternatives non fossiles. Mais pour les navires, ce n'est pas possible aujourd'hui », expliquait il y a quelques mois à La Tribune Ahmed Ben Salem, analyste Oil and Gas chez ODDO BHF.

Les choses devraient cependant évoluer rapidement, si l'on en croit Rodolphe Saadé. Dans son communiqué, CMA CGM rappelle ainsi son implication dans plusieurs projets ambitieux. D'abord, en partenariat avec Engie, dans le projet « Salamandre », censé produire « 11.000 tonnes de biométhane de 2ème génération par an dès 2026 ». Mais aussi « Titan », qui permettra de générer jusqu'à 100.000 tonnes de biométhane d'ici à 2025, « volume qui pourra être doublé d'ici à 2027 », si l'on en croit le groupe. Enfin, CMA CGM reste partenaire du projet « Jupiter 1000 » à Fos pour « réfléchir à la production à grande échelle de e-méthane bas carbone » pour ses navires.

Lire aussiCMA CGM veut produire son propre biométhane avec Engie

Par ailleurs, le géant du fret compte installer des infrastructures de production d'énergie bas carbone (éolien, solaire, biomasse, hydrogène) sur ses quelque 700 entrepôts et sa cinquantaine de terminaux portuaires, afin de « couvrir les besoins de consommation de ces sites ».

« L'objectif de CEVA Logistics, filiale du Groupe CMA CGM, est de couvrir 100 % de ses besoins d'électricité en électricité décarbonée en 2025. Un programme d'équipement d'1,8 millions de m² de panneaux photovoltaïques et la généralisation de l'éclairage LED est prévu », souligne le groupe.

CMA CGM rappelle en outre qu'il s'est associé à Energy Observer pour développer « un prototype de porte-conteneurs dédié aux liaisons régionales propulsé à l'hydrogène liquide ». L'objectif est de d'aboutir à « un transport maritime décarboné à plus grande échelle sur la courte distance notamment ».

Enfin, à l'heure d'une crise énergétique sans précédent, le groupe promet de « s'engager dans la sobriété et l'efficacité », via un « un plan de gestion énergétique du parc immobilier » et une incitation des collaborateurs à recourir aux mobilités douces. Il promet ainsi de réaliser 10% d'économie d'énergie dès l'hiver prochain.

Pas d'effet d'aubaine selon le PDG

Cela suffira-t-il à desserrer la pression qui sévit sur le groupe et ses milliards de profits ? « Je comprends que le sujet [d'une taxation] soit mis sur la table », a souligné Rodolphe Saadé au JDD. Avant d'opposer : « Nos résultats ne sont pas un effet d'aubaine. Ils sont le fruit de nos investissements passés, qui se chiffrent en milliards pour proposer des capacités de transport supplémentaires à nos clients ».

La Première ministre, Élisabeth Borne, avait indiqué la semaine dernière qu'elle ne fermait pas la porte à une telle taxation, mais qu'elle préférait que chaque entreprise qui le peut « baisse les prix pour le consommateur et donne du pouvoir d'achat à ses salariés ». Jusqu'alors, CMA CGM a ainsi consenti à un nouveau rabais de ses tarifs au 1er août avec notamment une réduction de ses taux de fret de 750 euros par conteneur 40 pieds vers la métropole et les Outre-mer, soit jusqu'à 25% de ses prix, au lieu de 500 euros prévus précédemment. Mais alors que les armateurs européens bénéficient d'un régime fiscal spécifique sur le fret maritime, un impôt fixe calculé en fonction de la capacité de transport des bateaux qui ne dépend pas du niveau de résultats, pas sûr que ces gestes suffisent à éteindre l'incendie.

Lire aussiSuper-profits : le patron de CMA CGM, Rodolphe Saadé, sur la défensive

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Commentaires 3
à écrit le 04/09/2022 à 20:29
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Typiquement l'entreprise à liquider et interdire ce trafic inter continent pour lutter contre le dérèglement climatique , ca sera bien plus efficace que ces incitations à mettre chauffage et climatisation en veille

à écrit le 04/09/2022 à 19:01
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les fachos d'extreme gauche devraient coller une taxe sur les profiteurs du batiment qui font des superprofits, et qui sont de leur electorat ultralaique et bienveillant......un promoteur m'a dit que ses sous traitants tolerants lui facturent 30% de ...

à écrit le 04/09/2022 à 11:06
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Mais quelle générosité! Surtout venant de cette entité (CMA CGM) qui, malgré ses 18 milliards de dollars de profits en 2021, n’a quasiment pas payé d’impôt en France l’an dernier. Ceci étant précisé, pour le vérifier, qu'il suffit de se reporter aux ...

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