Nucléaire : un laboratoire rouennais découvre un procédé de décontamination du tritium, déchet radioactif

Des chercheurs rouennais développent un procédé laser qui assainit les matériaux et les poussières contaminés au tritium, ce déchet radioactif présent en grande quantité dans les installations nucléaires.
Fort de 150 collaborateurs, le Complexe de recherche interprofessionnel en aérothermochimie (CORIA) ici en photo travaille sur l’interaction laser-matière en environnement nucléaire et sur la mesure de la concentration et la compréhension du comportement du tritium dans des matériaux métalliques
Fort de 150 collaborateurs, le Complexe de recherche interprofessionnel en aérothermochimie (CORIA) ici en photo travaille sur l’interaction laser-matière en environnement nucléaire et sur la mesure de la concentration et la compréhension du comportement du tritium dans des matériaux métalliques (Crédits : Coria)

La gestion des déchets radioactifs a peut-être fait un pas en avant grâce à la découverte du laboratoire Coria de l'université de Rouen. En association avec le CEA, ses chercheurs ont mis au point un procédé de « laser impulsionnel » capable de dépolluer des matériaux contaminés au tritium qui n'est autre qu'une forme radioactive de l'hydrogène.

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Joliment dénommé Padawann en hommage à La Guerre des Étoiles, le procédé en question consiste en quelque sorte à polir, grâce au laser, des pièces de grande taille ou des poussières contenant du tritium. Et ce jusqu'à éliminer la plus petite trace de ce déchet qui est présent en quantité importante dans les installations nucléaires. La seule usine de retraitement de La Hague en produit 40.000 m3 par an, « le double d'il y a vingt ans » rappelle l'Autorité de Sureté Nucléaire dans son « Livre Blanc du tritium » paru début 2022.

Un déchet radioactif difficile à traiter

Problème, cet isotope est très compliqué à éradiquer au moyen des technologies actuelles comme l'explique Arnaud Bultel, maître de conférences en physique à l'université de Rouen Normandie et membre du CORIA. « Son confinement est difficile car il est très léger. Il contamine facilement des pièces métalliques et peut se trouver dispersé par les poussières produites lors de l'usinage ou lors de la découpe de ces pièces ». Le programme Padawann, qui vise à démontrer la faisabilité du procédé rouennais à grande échelle, pourrait donc offrir une alternative utile. Il vient d'ailleurs de se voir allouer 1,9 million d'euros (1,1 million pour l'université de Rouen et 800.000 euros pour le CEA) dans le cadre du plan d'investissement France 2030 et de son volet sur la gestion des déchets nucléaires.

L'initiative survient à point nommé. Longtemps considéré comme  inoffensif notamment en raison de sa faible durée de vie (12,4 ans), le tritium suscite aujourd'hui quelques inquiétudes dans la communauté scientifique qui le suspecte d'être capable de s'arrimer à l'ADN lorsqu'il est ingéré. Dans son Livre Blanc, le gendarme du nucléaire préconise ainsi d'intensifier les études sur cet élément radioactif et recommande en particulier de mener « des investigations sur ses potentiels effets héréditaires ».

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L'alerte de l'ASN fait suite à celle lancée quelques années plus tôt par l'ancien député du Nord pro-nucléaire Christian Bataille. « Le tritium présente, pour la santé humaine, des dangers incontestables qu'il convient de ne jamais oublier », écrivait le parlementaire dans un rapport de l'OPECST (Office Parlementaire pour l'Evaluation des Choix Scientifiques et Techniques).

Une autre donnée justifie que l'on prévienne autant que possible la dissémination de ce radionucléide. Pour des raisons techniques, les installations nucléaires de future génération produiront, en effet, davantage de tritium dans les prochaines années, ainsi que le rappelle Arnaud Bultel, confirmant des informations données par l'ASN. « Les proportions déjà importantes seront amenées à augmenter lorsque le projet ITER et les nouveaux réacteurs électrogènes seront opérationnels », souligne le physicien. De quoi rassurer les chercheurs du Coria sur la pertinence de leurs travaux.

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Commentaire 1
à écrit le 02/02/2023 à 20:25
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Iter 'carburera' au tritium 3H + deutérium 2H, mais le tritium sera produit sur place. Le tritium se comporte beaucoup comme l'hydrogène (1H), vu que c'en est un isotope. Il s'en forme dans l'atmosphère terrestre à cause des rayons cosmiques, mais da...

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