Biogaz : Engie avance ses pions en Europe, avec une acquisition au Royaume-Uni

Le groupe français Engie a annoncé, ce jeudi 21 septembre, l'acquisition de l'entreprise britannique Ixora Energy Ltd, qui possède trois unités de biométhane générant 0,16 TWh par an. Il ne s'agit cependant que d'une première étape, alors que l'énergéticien prévoit d’investir 3 milliards d’euros dans le biogaz en Europe d’ici à 2030, avec un objectif de 10 TWh par an à cette échéance (dont 5 TWh en France). Une ambition forte qui s’inscrit dans sa volonté d’assurer une place de choix au gaz dans la transition énergétique du Vieux continent, aux côtés de l'électricité.
Marine Godelier
Le biogaz est une molécule principalement composée de méthane, issue de la fermentation dans des méthaniseurs de matières agricoles et de déchets organiques.
Le biogaz est une molécule principalement composée de méthane, issue de la fermentation dans des méthaniseurs de matières agricoles et de déchets organiques. (Crédits : Noxmox - Fotolia.com)

Le gaz naturel, ce combustible fossile très émetteur de CO2, sera-t-il remplacé demain par son équivalent renouvelable ? C'est en tout cas ce que promet Engie, (ex-GDF) qui affiche son intention de se renforcer dans le biométhane en Europe. Et pour cause, ce gaz renouvelable issu de la fermentation de matières organiques serait 80% moins polluant, assure le groupe tricolore, qui répète à l'envi que l'électricité seule ne permettra pas d'assurer la transition énergétique.

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Fort de cette stratégie, Engie a annoncé jeudi 21 septembre l'acquisition du producteur britannique de biométhane Ixora Energy Ltd, pour 64,8 millions de livres (75 millions d'euros). L'entreprise, qui possède trois unités de production au Royaume-Uni, produit 160 GWh (0,16 TWh) de biométhane par an, selon un communiqué.

« Avec un objectif de 10 TWh de production de biométhane par an à l'horizon 2030 en Europe, cette acquisition nourrit les nouvelles ambitions d'Engie en matière de production de gaz renouvelables », précise ainsi le groupe, qui vise le « net zéro carbone d'ici 2045 » et affirme son ambition de parvenir à « 100% de gaz vert à l'horizon 2050 ».

1 TWh de capacité de production début 2024

Au global, l'entreprise affiche, pour l'heure, une capacité de production installée de 670 GWh par an au 30 juin, avec 32 sites en France, au coude à coude avec son concurrent TotalEnergies. D'autres projets sont en développement notamment aux Pays-Bas et en Allemagne, en plus, donc, des trois unités d'Ixora.

En incluant cette acquisition, « Engie atteindra environ 1 TWh de capacité de production de biométhane début 2024 » en Europe, a indiqué Camille Bonenfant-Jeanneney, directrice générale Gaz renouvelables Europe, lors d'un point presse.

Pour monter en puissance, le groupe prévoit d'investir 3 milliards d'euros dans le développement du biométhane et du gaz de synthèse (ou e-méthane), à parts égales entre des acquisitions, des constructions de sites ou des partenariats.

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Les gaziers plus optimistes que le gouvernement

Engie peut en tout cas compter sur un marché porteur, à l'heure de la nécessaire désintoxication aux hydrocarbures. Avec sa feuille de route RepowerEU, l'Union européenne s'est d'ailleurs fixée comme objectif de produire 380 TWh de gaz renouvelables en 2030, une ambition doublée depuis l'année dernière.

Pour ce qui est de l'Hexagone, la filière gazière estime son potentiel d'injection de biogaz dans les réseaux existants à 60 TWh par an à cet horizon (dont 5 TWh produits par Engie). Le Secrétariat Général à la Planification Ecologique (SGPE), cette instance placée sous l'autorité de la Première ministre, se montre cependant moins optimiste, avec un objectif de 44 TWh, peut-on lire dans un récent document de travail.

« Rôle majeur du gaz »

Si l'énergéticien tricolore se montre aussi ambitieux, c'est parce que l'avenir de certaines installations gazières pourrait être en jeu. En effet, le gouvernement ne cache pas sa volonté d'électrifier massivement les procédés afin de sortir des énergies fossiles, dans les logements comme dans l'industrie ou les transports. Opposé à cette stratégie, Engie défend quant à lui « le rôle majeur » du gaz « dans la transition énergétique », estimant que ce vecteur conservera un rôle clé dans un monde neutre en carbone en 2050.

C'est d'ailleurs ce qui ressort de son scénario sur la décarbonation de l'Europe, présenté le 12 juin dernier. Car pour répondre aux besoins massifs en électricité, celui-ci table sur une multiplication par six de la production d'énergie éolienne et solaire. Soit autant de sources intermittentes qui devront être complétées par du gaz « décarboné » afin d'assurer à tout moment l'équilibre entre l'offre et la demande, fait valoir le groupe.

« On sait bien que pour la transition, le gaz doit se verdir et aujourd'hui c'est largement engagé, aussi bien dans les politiques publiques que sur le terrain », a ainsi assuré jeudi Cécile Prévieu, directrice générale adjointe d'Engie en charge des infrastructures.

Un discours cependant nuancé par le gouvernement. « Le biogaz représente 2% de notre consommation totale de gaz naturel et coûte aujourd'hui grosso modo trois fois plus cher à produire. Ces paramètres peuvent évoluer bien sûr, mais il est important de ne pas mentir aux Français », a souligné la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, lors de son discours introductif du Congrès du gaz, ce mardi 19 septembre.

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Engie appelle à raisonner en coûts complets

Mais selon Engie, l'équation économique ne serait pas un frein. « Il ne faut pas avoir une approche sur le coût de la molécule, mais sur le coût du système. Sans gaz, il faudrait multiplier par deux les infrastructures de transport d'électricité ! », a rétorqué jeudi Camille Bonenfant-Jeanneney. « Pour le gaz vert, les infrastructures existent, et sont disponibles. Il se substitue immédiatement au gaz naturel sans investissement supplémentaire », a-t-elle insisté.

Le groupe s'oppose ainsi à une interdiction progressive des chaudières à gaz, malgré l'empreinte carbone de ces installations, arguant notamment que celles-ci pourront bientôt carburer au biométhane. Il propose donc de flécher prioritairement cette molécule vers les bâtiments, afin d'atteindre un taux d'incorporation de 25% d'ici à 2030 dans le réseau gazier. Mais le SGPE se montre là aussi moins optimiste, avec un taux d'incorporation de 15% maximum à cette échéance.

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(Avec AFP)

Marine Godelier

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