Comment Air France-KLM veut transformer Transavia en machine à cash

Joue-la comme Easyjet ! Cela pourrait presque devenir un objectif en soi pour Transavia et Benjamin Smith qui est déterminé à en faire l'une des machines à cash de son groupe. Le directeur d'Air France-KLM veut ainsi que sa compagnie à bas coût rivalise avec la low cost britannique en termes de coûts unitaires. Mais avant cela, il reste pas mal de chantiers à achever pour Transavia, à Orly comme à Amsterdam.
Léo Barnier
Les Airbus A320 NEO remplaceront bientôt les Boeing 737 d'ancienne génération dans la flotte de Transavia.
Les Airbus A320 NEO remplaceront bientôt les Boeing 737 d'ancienne génération dans la flotte de Transavia. (Crédits : Air France-KLM)

C'était la principale annonce de la journée investisseurs d'Air France-KLM ce jeudi : le groupe français vise désormais plus de 8 % de marge opérationnelle entre 2026 et 2028. Si Benjamin Smith, directeur général d'Air France-KLM, ou encore Steven Zaat, son directeur financier, ont insisté à plusieurs reprises sur leur volonté de miser sur toutes les activités du groupe pour atteindre cet objectif, ils ont néanmoins insisté sur la place centrale de Transavia dans cette stratégie. Mais la tâche ne semble pas simple au vu des importants défis qui attendent la compagnie à bas coût du groupe (qui se décompose entre Transavia France et Transavia Holland).

« Nous avons beaucoup à faire avec Transavia, qui est un projet majeur », a déclaré Benjamin Smith alors qu'un analyste l'interrogeait sur les possibles investissements d'Air France-KLM dans d'autres compagnies après son entrée au capital de SAS. Une phrase pouvant sembler hors de propos, mais qui illustre bien l'importance de Transavia dans le projet du patron canadien.

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Contributeur majeur à l'amélioration du résultat

La compagnie aux sièges verts doit ainsi concourir significativement à l'objectif d'amélioration du résultat opérationnel du groupe, à hauteur de deux milliards d'euros supplémentaires d'ici à 2028. Naturellement, les deux compagnies de « réseaux » selon la nomenclature interne, c'est-à-dire Air France et KLM, seront les principaux contributeurs avec un apport attendu de 700 millions d'euros chacun. Transavia doit suivre avec 400 millions d'euros, devant les 200 millions d'euros de la division de maintenance Air France Industrie-KLM Engineering & Maintenance.

Cette somme est loin d'être négligeable au vu du poids de la compagnie low cost dans le groupe jusqu'à présent : sur les neuf premiers mois de 2023, elle n'a représenté que 10 % des revenus issues de l'activité passagers (hors cargo et maintenance donc) avec un peu plus de deux milliards d'euros. En termes de bénéfices opérationnels, c'est moins de 1 %. Transavia a ainsi dû se contenter d'à peine 16 millions d'euros entre janvier et septembre, soit une marge opérationnelle de moins de 1 % quand Air France et KLM affichent un taux exceptionnel de 8,5 %.

« Si l'on considère les résultats isolément, ils ne sont évidemment pas très bons sur le plan financier, mais il faut tenir compte de ce qu'Air France aurait perdu si elle avait occupé ces créneaux horaires. Nous ne mélangeons pas les deux. Quelle est la pénalité que Transavia prend parce qu'elle supporte le coût qu'Air France aurait dû assumer si ces vols étaient toujours exploités par Air France », nuance Benjamin Smith en faisant référence aux vols domestiques opérés depuis Paris-Orly. Il affirme ainsi qu'en termes de « coûts unitaires, la cible est Easyjet ».

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Cinq piliers pour deux milliards d'euros

Des chiffres qui laissent tout de même entrevoir la tâche qui attend les équipes de Transavia, emmenées par Olivier Mazzucchelli côté français et Marcel de Nooijer côté néerlandais, pour répondre aux attentes de Benjamin Smith. Pour y arriver, la compagnie va jouer sur les mêmes leviers que le reste du groupe, au nombre de cinq comme l'explique le directeur financier Steven Zaat.

Pour l'ensemble d'Air France-KLM, « les initiatives en matière de coût unitaire et de productivité » et « l'optimisation des opérations et activités » doivent être les principaux moyens pour atteindre l'objectif de deux milliards d'euros d'amélioration du bénéfice opérationnel, à hauteur de 450 millions d'euros chacun. Ils sont suivis de près par « le renouvellement de la flotte et le développement durable » et « les initiatives en matière de chiffre d'affaires, y compris la fidélisation », avec 430 millions d'euros chacun. Or, ces deux derniers piliers doivent constituer l'épine dorsale de l'amélioration des résultats de Transavia, suivis dans une moindre mesure par les deux précédents. Le dernier levier porte sur la croissance organique. S'il doit générer 200 millions d'euros supplémentaires au niveau du groupe, principalement du côté de la maintenance, ce ne sera pas le cas chez Transavia en dépit de la croissance attendue de sa capacité.

Transavia va bénéficier pleinement de la commande du groupe pour 100 Airbus A320 NEO et A321 NEO fermes et soixante supplémentaires en options, passée il y a deux ans tout juste et dont les premiers exemplaires sont en train d'arriver - même si Benjamin Smith signale quelques retards dans les livraisons sans trop de gravité. Ces appareils doivent être répartis avec KLM, mais si toutes les options sont levées, Transavia devrait toucher environ 110 avions modernes, moins gourmands en carburant et dotés d'une capacité accrue, pour remplacer ses 115 Boeing 737 d'ancienne génération en flotte actuellement. Ce qui devrait permettre de réduire sensiblement les coûts unitaires.

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Plafonnement à Schiphol

La répartition entre Transavia France et Transavia Holland n'est pas définitivement arrêtée, mais la première devrait recevoir le plus grand nombre d'appareils tandis que la seconde devrait être prioritaire sur les A321 NEO. Ces avions, plus grands que les A320 NEO, doivent lui permettre de croître en dépit des limitations imposées par le gouvernement néerlandais sur l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol d'où elle opère. Transavia France devrait aussi disposer d'exemplaires - jusqu'à 20 % de la flotte - en particulier pour la desserte du bassin méditerranéen pendant la saison été.

Arriver à concilier le développement de Transavia Holland avec ces contraintes aéroportuaires va assurément constituer un défi pour le groupe. Si la priorité est de préserver les créneaux à Amsterdam, ainsi que sur ses bases d'Eindhoven et Rotterdam, la direction étudie aussi les possibilités de développement en Europe avec la création de bases hors des Pays-Bas, à l'image de celle de Bruxelles ouverte l'an dernier. Ce qui n'est pas sans rappeler le projet de Transavia Europe, qui avait périclité en 2014 face à l'opposition des pilotes d'Air France.

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Orly, une opportunité à saisir coûte-que-coûte

L'autre défi principal se trouve du côté de Transavia France et de son développement à Paris-Orly. Comme Benjamin Smith l'a rappelé à de nombreuses reprises, la capitale française constitue le principal marché du continent européen. Il n'entend donc pas lâcher ses positions sur un aéroport, où il possède 50 % des créneaux, et qui sera bientôt à 20 minutes du centre-ville avec l'arrivée de la ligne de métro 14 l'an prochain. Mais ce ne sera pas avec Air France : en dépit d'importantes restructurations menées depuis 2019, le groupe continue de perdre 80 millions d'euros par an sur La Navette qui dessert Marseille, Nice et Toulouse. Un déficit qui semble aujourd'hui incompressible pour la compagnie nationale.

« Nous pensons que nous avons un potentiel ici pour un transporteur à bas prix, avec des coûts unitaires similaires à ceux d'easyJet, que nous devrions être en mesure de rentabiliser. Évidemment, c'est un gros effort, beaucoup de risques dans la mise en œuvre et l'exécution, mais abandonner cet aéroport serait une opportunité gâchée. Nous pensons que nous pouvons y arriver avec Transavia », assure Benjamin Smith.

Cela va donc conduire Air France à quitter définitivement l'aéroport d'ici 2026 et à laisser l'intégralité de ses créneaux horaires à Transavia (à l'exception de la desserte de la Corse). Dans les faits, les fréquences sur les routes domestiques au départ d'Orly ont déjà été largement réduites, avec un transfert d'avions vers Roissy. Et comme l'admet Benjamin Smith, « les avions restants sont là uniquement parce que nous ne pouvons pas développer la flotte de Transavia assez rapidement. »

Transavia France va donc devoir assurer dans le même temps la réception de sa nouvelle flotte et l'entraînement de ses pilotes, ce qui va nécessiter des efforts et des investissements importants, mais aussi sécuriser le transfert des créneaux venus d'Air France, avec l'obligation de les utiliser sous peine de voir la concurrence les réclamer. Le tout en maîtrisant les coûts. De fait, Olivier Mazzucchelli est pleinement concentré sur ces problèmes opérationnels tandis que l'évolution commerciale de Transavia est gérée au niveau du groupe.

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Recentrage européen

S'il reconnaît que cela prend « un peu plus de temps que prévu », Benjamin Smith se veut confiant et assure même que cette passation sera l'occasion pour le groupe de renforcer ses positions sur Orly en se concentrant sur les marchés les plus rentables.

« Nous agissons donc aussi rapidement que possible pour retirer ces vols de Transavia et pour transférer cette capacité du marché intérieur français vers des destinations européennes, qui sont beaucoup plus rentables, et bien sûr vers l'Afrique du Nord, où la concurrence est assez faible », déclare ainsi le directeur général d'Air France-KLM.

La compagnie à bas coût va réduire l'offre sur les lignes domestiques depuis Orly par rapport à Air France - tout comme elle s'est largement retirée des routes transversales - mais elle ne pourra pas les abandonner complètement, avec notamment un trafic affaires important. Pour ne pas perdre cette clientèle au profit d'Easyjet, qui sait depuis longtemps comment se positionner sur ce marché, Transavia France va adapter son offre avec un produit dédié proposé dans le cadre des contrats d'entreprise, baptisé étrangement « tarif max », la possibilité d'accumuler des miles et des points sur le programme de fidélité Flying Blue, et une attention particulière à bord aux membres « de premier rang ». Ce qui doit lui donner un « avantage assez unique » par rapport aux autres low cost européennes, selon le directeur général d'Air France-KLM, et lui permettre d'être à l'équilibre sur le marché domestique.

Dans le même temps, Transavia veut renforcer son offre loisirs, à travers des initiatives comme Transavia Holidays qui permet de réserver des séjours en sus de son vol. Cela doit contribuer au développement des recettes auxiliaires (vente à bord, ventes croisées, services additionnels...) notamment non-aéronautiques.

Pour conclure, Benjamin Smith n'hésite pas à afficher ses ambitions pour Transavia : « Nous sommes dans une longue période de transition. [...] Une fois que nous aurons mis les éléments en place, je prévois que Transavia soit l'un des plus grands générateurs de profits que nous ayons dans le groupe. » Avant d'ajouter : « Mais cela va prendre du temps. »

Léo Barnier

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Commentaires 13
à écrit le 15/12/2023 à 15:24
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L'état français possède 29% du capital d'Air France KLM et touche donc 29% des dividendes payés par Air France KLM. Les contribuables devraient donc s'en réjouir...

le 15/12/2023 à 21:12
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AF KLM que verse aucun dividende depuis plusieurs années.

à écrit le 15/12/2023 à 11:17
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Transavia reste une entreprise très parisienne, avec une très grande majorité de vols au départ de Paris. EasyJet, mais aussi Volotea ou Vueling, ont le champ libre pour connecter les villes de province entre elles et au reste de l'Europe.

le 15/12/2023 à 14:58
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et tout ca ca pollue joyeusement mais ca fait du cash c'est le principale actionnaires oblige Ils sont ou les bobo ecolo

le 16/12/2023 à 7:55
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Pas du tout ! Transavia est très présente à Nantes et Lyon et se développe à Marseille et Montpellier

à écrit le 15/12/2023 à 10:00
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Bof Transavia ,pas vraiment top, peu de vols directs en Europe depuis la France , il faut toujours passer par Paris. Quant au côté low cost ? Service low cost et prix high cost. Je vois mal Transavia tailler des croupières à Ryanair easyJet Volote...

à écrit le 15/12/2023 à 8:45
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Ah parce que vous croyez que ryanair ou easy jet ne bénéficie pas d argent public pour s installer en Europe ? Voir les scandales des aéroports de liège ou de La Rochelle ou Beauvais , les aéroports d occitanie subventionnes a 70%…toutes étiquette...

le 15/12/2023 à 9:33
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Non je dis que tout le secteur aérien est copieusement subventionné par l'argent public, parce que la vente d'un airbus ça pèse sérieusement dans un PIB. Je ne vois pas de vertu dans un camp aérien ou dans un autre.

le 15/12/2023 à 15:09
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@Dossier 51, je préfère subventionner le secteur aérien qui participe à la création de richesse, plutôt que d'autres secteurs, dont je tairai le nom pour ne pas être accusé de racisme, et qui participent à l'augmentation de la dette...

le 16/12/2023 à 18:40
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La vache, c'est tout ce que tu as à répondre... ? -_-

à écrit le 15/12/2023 à 8:34
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Je connais pas leur stratégie mais elle se fera forcément avec de l'argent public.

le 15/12/2023 à 21:14
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Votre affirmation est fausse. Pourriez vous la démontrer ?

le 16/12/2023 à 19:14
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"je dis que tout le secteur aérien est copieusement subventionné par l'argent public, parce que la vente d'un airbus ça pèse sérieusement dans un PIB. "

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