
En affaire, il est bon d'avoir du flair. Pierre Pagès n'en est manifestement pas dépourvu. Lorsqu'il y a vingt ans, cet expert en communication se lance dans le « marketing olfactif », la discipline est méconnue. « A l'époque, l'olfactif était le parent pauvre de la com'. Un comble alors que c'est le sens qui influe le plus sur le jugement. Bien plus que la vue », raconte-t-il. Habité par cette conviction, il fonde ainsi Sensorys à Evreux (Eure) en 2004.
Aidé d'une petite équipe, il met au point dans la foulée ses premières fragrances, mais surtout un procédé unique de nébulisation capable de transformer une dose de parfum liquide en un fin brouillard gazeux, grâce à une technologie empruntée au secteur médical. Dans la pratique, le dispositif, une fois installé dans un diffuseur, promet de neutraliser les odeurs incommodantes des espaces confinés tout en leur conférant ce que les spécialistes appellent « une identité olfactive ».
Lutter contre les incivilités
La première vente en grande série intervient trois ans plus tard. Nanti d'un solide carnet d'adresses, Pierre Pagès ferre un grand compte, et non des moindres. Après une période de test, Vinci Park (rebaptisé Indigo depuis) se laisse convaincre de parfumer des dizaines de parkings souterrains. Les indices de satisfaction s'en ressentent, assure Jérôme Amiot, directeur technique et commercial de Sensorys.
« Comme les entreprises de nettoyage n'utilisent plus de produits parfumés à cause des normes, cette solution renforce la perception de propreté et contribue du même coup à contenir les incivilités ».
Cette première incursion dans l'univers de la mobilité est suivie d'autres. La RATP, puis la SNCF, signent à leur tour des contrats cadre avec la PME (13 salariés) au terme d'épreuves de qualification drastiques. « Il a fallu prouver l'innocuité de tous nos produits au prix d'un parcours du combattant », rapporte son patron. Aujourd'hui, l'entreprise qui revendique une place de « leader européen, voire mondial » embaume l'air de 300 gares et 400 stations du métro parisiens.
De Caen à Casablanca
Le développement des transports urbains aidant, le procédé fait mouche hors de nos frontières. Sensorys est désormais courtisée par les exploitants des tramways et métros de métropoles étrangères, comme Casablanca ou Bilbao. « La FNTB belge (jumelle de la SNCF dans le plat pays, ndlr), par exemple, est venue vers nous sans que nous ayons besoin de prospecter », se félicite Pierre Pagès. En France, plusieurs réseaux de transport sont aussi en passe de se convertir au marketing olfactif d'autant que la technique s'est trouvée un autre débouché dans le registre de l'inclusion.
A la fin de l'année, les usagers malvoyants du tramway de Caen, exploité par Keolis une filiale de la SNCF, pourront ainsi reconnaître à son parfum chacune des trois lignes de leur réseau grâce à leurs notes respectives de praline, de mandarine et de patchouli. Une nouvelle corde à l'arc de Sensorys dont les diffuseurs embarqueront à bord de rames, pour la toute première fois. « L'idée est de compléter les marqueurs au sol et sonores », précise Jérôme Amiot. Coût pour l'agglomération : 40.000 euros annuels. Le prix à payer pour une solution de guidage inédite.
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