Du maire bâtisseur au maire aménageur

TRIBUNE. Il appartient aux élus locaux et nationaux de passer d'un urbanisme stéréotypé - juxtaposant les lotissements - à du sur-mesure, proposant à la fois des logements pour y habiter mais aussi des espaces publics et des services de proximité de qualité pour vivre. Par Sandra Marsaud et Alain Perea, député(e)s LREM de la Charente et de l'Aude, membres de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale.
(Crédits : Damien Meyer/Pool/AFP)

Vingt ans après la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) présentée comme l'avènement de la ville sur la ville, la France continue à s'étaler au rythme d'un terrain de football toutes les cinq heures. Plus grave encore, en témoigne la crise des gilets jaunes drapée sous les couleurs de la « France périphérique », le sentiment de fractures territoriales et sociales continue de se creuser. Nous le voyons bien, les politiques de densification et de revitalisation, qu'il faut continuer à encourager, ne se décrètent pas : elles nécessitent un changement de culture profond de l'ensemble des acteurs. Elles doivent être accompagnées au plus près du terrain.

Si, comme le disent les professionnels et nos collègues urbanistes, les outils existent, les enjeux sont ailleurs. Ce déchirement entre la France des villes et la France des territoires apparaît indéniablement comme le symptôme aigu d'un échec cinglant : celui de cinq décennies d'aménagement du territoire tourné principalement vers les enjeux du développement économique. Cinq décennies à penser que pour exister il fallait d'abord être connecté à la grande ville centre dite « métropole », et à Paris ensuite. Autant d'années à penser que les territoires n'avaient comme seul espoir que celui d'un développement venu d'ailleurs.

Réparer et améliorer nos territoires ruraux et nos petites villes

Comment aujourd'hui tirer les leçons de cet échec de développement urbain pour mieux repenser les territoires de demain ? Comment répondre à la demande de plus en plus pressante d'une nouvelle vision de l'aménagement de nos territoires de la part de nos concitoyens ? Comment répondre concrètement aux besoins de proximité et de centralité que le confinement a révélé ?

La superposition de textes législatifs et réglementaires, la mise en place d'un très large panel d'outils d'urbanisme ou encore la multiplication de mesures fiscales plus ou moins incitatives, n'ont pas suffi à inverser la tendance d'un étalement urbain inefficace.

Passer d'un urbanisme stéréotypé à du sur-mesure

Il appartient aujourd'hui aux élus nationaux et locaux de proposer une vision renouvelée et exigeante de l'aménagement du territoire. Une vision qui, loin des projecteurs des grands projets urbains, leur exigera de s'attacher aussi à réparer et améliorer, parcelle par parcelle, nos territoires ruraux et nos petites villes. Ils peuvent pour cela, d'ores et déjà s'appuyer sur notre extraordinaire maillage urbain, plutôt que de dépenser des milliards d'euros dans des infrastructures répondant à une mécanique de croissance et d'extension des métropoles.

Il leur appartient également de passer d'un urbanisme stéréotypé - juxtaposant les lotissements - à du sur-mesure, proposant à la fois des logements pour y habiter mais aussi des espaces publics et des services de proximité de qualité pour vivre ! Il est temps de passer du « maire bâtisseur » au « maire aménageur ».

Cessons d'opposer intercommunalités et communes

Dans le prolongement des Opérations de revitalisation territoriales (ORT), outil du plan Action Cœur de Ville, ou encore du programme Territoires d'Industrie, nous ne pouvons que nous réjouir de la création d'un « fonds friches » et des « aides à la densification » annoncées par le Premier Ministre dans le plan de relance. Mais pour éviter que toutes ces bonnes initiatives ne se traduisent en « loi SRU bis », il est urgent de bâtir un changement de vision en profondeur et de passer à l'heure de l'«aménagement circulaire ».

Cessons d'opposer intercommunalités et communes, arrêtons de considérer les terres agricoles et naturelles comme les « restes à bâtir » en intégrant réellement celles-ci aux documents de planification, pensons dès l'origine les espaces publics, les espaces verts et les services de proximité qui font la qualité de vie au quotidien plutôt que de les cantonner au remplissage du reliquat foncier d'une opération immobilière, sortons nos concitoyens du schéma « parents, appartements, pavillon » qui n'apporte ni les garanties ni le confort fantasmé, proposons un urbanisme plus souple qui permette encore plus des constructions modulables et recyclables ou encore des formes intermédiaires et des usages multiples...

Nous avons devant nous un formidable défi à relever avec l'ensemble des élus, des opérateurs et bien sûr de nos concitoyens. L'aménagement du territoire « circulaire » est un atout dans la relance. Il doit devenir la pierre angulaire des stratégies de développement territorial dès 2021.

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Commentaires 3
à écrit le 08/10/2020 à 9:57
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Merci et bravo ! : c'est court, ce qui est déjà beaucoup, et c'est clairement révolutionnaire. C'est bien de construite les villes à la campagne comme aux USA, mais a) on a moins de place et moins de terrains non agricoles ici pour faire pareil, et ...

à écrit le 08/10/2020 à 8:41
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Des maires agissent en divisant par deux les prix et loyers des maisons qui se vendent dans leurs communes désertées voyant ainsi enfin les habitants revenir. Tant que l'on ne dénonce pas l'aberration majeur de la spéculation immobilière on ne pe...

à écrit le 07/10/2020 à 22:08
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Le bal des vampires...

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