Fabriquer ses propres puces d’IA : la nouvelle ambition de Sam Altman

Avec son projet de concevoir ses semi-conducteurs, le patron d’OpenAI accroît ses ambitions… sous l'œil attentif des autorités anti-monopole.
Sam Altman, le patron d'OpenAI.
Sam Altman, le patron d'OpenAI. (Crédits : CARLOS BARRIA)

Sam Altman insiste : depuis sa création, le but d'OpenAI n'a pas dévié d'un poil, il s'agit toujours de concevoir une intelligence artificielle (IA) générale, capable d'effectuer n'importe quelle tâche mieux qu'un humain. Un objectif qui, selon l'entrepreneur, arrivera à la fois plus tôt qu'on ne le pense... et sera moins disruptif.

« Quand ChatGPT est sorti, il y a eu deux semaines de buzz riches en prédictions apocalyptiques : l'IA allait semer le chaos, détruire tous les emplois... Aujourd'hui, le public est frustré que la technologie ne progresse pas aussi vite que prévu ! Il se passera la même chose avec l'IA générale : deux semaines de panique, puis chacun poursuivra son existence comme si de rien n'était. L'esprit humain dispose d'une formidable capacité d'adaptation et d'absorption de la nouveauté, c'est pourquoi nous ne manquerons jamais de choses à faire ni d'idées à exploiter », a-t-il affirmé la semaine dernière lors d'un échange à Davos avec Satya Nadella, le patron de Microsoft.

Du jamais vu depuis le PC

Microsoft est depuis quelques années devenu l'un des principaux argentiers d'OpenAI, ayant promis d'investir un total de 13 milliards de dollars dans l'entreprise, ce qui lui permet de contrôler près de la moitié de son capital. Il faut dire que Satya Nadella est fermement convaincu que l'IA générative représente une innovation de rupture.

« Il s'agit d'une technologie généraliste, qui devient chaque jour meilleure pour accomplir un nombre quasiment infini de tâches. Pour les activités intellectuelles, aucune innovation n'a permis de tels gains de productivité depuis le PC », a-t-il affirmé, ajoutant que les équipes de Microsoft travaillant sur l'optimisation de la chaîne de valeur de l'entreprise s'en servent par exemple pour modéliser l'impact de leurs décisions en temps réel, là où elles devaient auparavant attendre les chiffres du département financier à la fin de chaque trimestre.

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Un monopole à briser ?

Les deux dirigeants entretinrent tout au long de la conversation une complicité évidente et tombèrent d'accord sur la plupart des sujets. Le signe d'une collaboration fructueuse suscitant l'intérêt des autorités anti-monopole, qui craignent qu'avec OpenAI dans son escarcelle, Microsoft, géant du cloud et du matériel informatique, ne s'assure une position dominante sur le marché de l'IA générative. Le pari de Microsoft lui a ainsi permis ce mois-ci de devenir l'entreprise la mieux valorisée du monde, passant devant Apple.

Fin décembre, la Competition and Market Authority (CMA), le gendarme de la concurrence britannique, a lancé une consultation publique, première étape avant l'ouverture potentielle d'une enquête anti-monopole sur l'investissement de Microsoft dans OpenAI. Elle soupçonne celui-ci d'être en réalité une acquisition déguisée, et donc de tomber sous le coup des lois anti-monopole du Royaume-Uni.

Aux États-Unis, la Federal Trade Commission (FTC) et le Département de la Justice ont tous deux évoqué la possible ouverture d'une enquête, tandis que la Commission européenne scrute elle aussi ce partenariat de près. Les autorités de la concurrence entendent ainsi réguler le développement de l'IA générative avant qu'il ne soit trop tard. Un récent rapport de l'Eurasia Group classe l'IA non réglée dans le top 5 des plus gros risques en 2024.

Cuisiné sur la question, Satya Nadella a naturellement défendu son partenariat avec OpenAI.

« Il s'agit de deux entreprises différentes avec deux conseils d'administration, deux structures bien distinctes. En outre, lorsque Sam et moi-même nous sommes associés, nous avons pris de gros risques, qui se sont avérés payants et nous ont permis de continuer à investir et à renforcer notre partenariat. À mon avis, en permettant aux entreprises de prendre ainsi des risques et de travailler ensemble, on stimule la compétition. »

Sam Altman a ajouté que ce type d'associations était bien plus pro-compétition qu'une stratégie d'intégration verticale. Pas sûr que cela suffise à convaincre les régulateurs.

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Des puces maison

D'autant que la nouvelle lubie de Sam Altman n'est pas pour rassurer les autorités qui s'inquiéteraient du poids trop important d'OpenAI. Le jeune entrepreneur cherche en effet à lever des fonds auprès de plusieurs investisseurs du Moyen-Orient, ainsi que du géant asiatique Softbank, afin de produire ses propres semi-conducteurs spécialisés dans l'IA générative, en s'appuyant sur l'un des principaux fabricants, comme le taïwanais TSMC, Intel ou Samsung. Ce nouveau projet viendrait directement concurrencer Nvidia, qui domine pour l'heure largement ce marché.

On ne sait pas pour l'heure s'il constituerait une filiale d'OpenAI ou une entreprise indépendante, il ne fait toutefois aucun doute que celle-ci en constituerait l'un des principaux clients. Les puces requises pour entraîner et faire tourner les modèles d'IA génératives comptent en effet parmi les plus recherchées sur le marché, et l'offre peine à satisfaire la demande. Lors de son passage devant le Congrès américain en mai dernier, Sam Altman avait même affirmé que trop de personnes utilisaient ChatGPT, et que son entreprise peinait à acquérir suffisamment de semi-conducteurs pour satisfaire l'appétit des utilisateurs. Fin 2023, Microsoft a sorti sa propre puce Maia 100, spécialisée dans l'IA et aussitôt testée sur Copilot et GPT-3.5-Turbo, un grand modèle linguistique d'OpenAI.

Pour Antoine Chkaiban, analyste chez le consultant New Street Research, Sam Altman entend ainsi ajouter une lame à son couteau suisse.

« Plusieurs entreprises essaient aujourd'hui de développer des puces plus spécialisées, moins flexibles et donc moins chères que les GPUs généralistes de Nvidia. Cela permettra à OpenAI de baisser ses coûts et d'être moins dépendant de Nvidia, même s'il continuera à s'approvisionner chez ce dernier. »

Selon les informations rapportées par Bloomberg, il est toutefois possible que Sam Altman ne se contente pas de concevoir une nouvelle architecture de puces qui seront produites par d'autres, mais veuille aussi les fabriquer dans sa propre fonderie. Un projet beaucoup plus hasardeux, tant la production de puces est complexe et coûteuse. Peut-il s'y risquer sans se casser les dents ? S'il voit dans le fait que Sam Altman entende travailler avec des fabricants de puces un signe positif, « seule façon pour quiconque de construire une fonderie de semi-conducteurs de pointe », Mike Demler, analyste indépendant spécialisé dans l'industrie des semi-conducteurs, doute de l'intérêt qu'y trouveraient ces fabricants.

« Il est extrêmement improbable que TSMC ou Samsung travaillent avec des investisseurs en provenance d'Abou Dhabi ou avec Softbank. Il en va de même pour Intel. Même s'ils étaient intéressés, pourquoi auraient-ils besoin de Sam Altman ? »

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Commentaires 2
à écrit le 24/01/2024 à 9:35
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C'est en effet la pierre angulaire du business de l'IA mais on voit mal comment dépasser N'vidia et intel en la matière. Mais bon l'argent public à ses raisons que le public ignore.

à écrit le 24/01/2024 à 9:14
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Je sais qu'on a besoin de héros, et c'est pour ça que les médias nous en fabriquent à jet continu. Mais j'ai du mal à voir dans ce mec un sauveur de l'humanité ou un nouvel Einstein. La profession informatique, bien relayées par les journaux, nous p...

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