Airbnb casse la baraque à Wall Street en atteignant 100 milliards de dollars de valorisation

Alors qu'il visait une valorisation de 47 milliards de dollars, le leader mondial de la location touristique Airbnb a explosé les compteurs lors de son introduction en Bourse, jeudi, sur le Nasdaq. Un signe de l'appétence de Wall Street pour les valeurs technologiques et une conséquence de la résilience de la plateforme face à la crise de la Covid-19. Mais gare à l'euphorie de courte durée : l'arrivée de Google sur son marché, et la menace d'un durcissement de la régulation sont de vraies épées de Damoclès. Analyse.
Sylvain Rolland
Pour fêter l'introduction en Bourse d'Airbnb, le Nasdaq a déployé le logo de la plateforme et des images de son activité sur sa façade en surplomb de la mythique place de Times Square à New York.
Pour fêter l'introduction en Bourse d'Airbnb, le Nasdaq a déployé le logo de la plateforme et des images de son activité sur sa façade en surplomb de la mythique place de Times Square à New York. (Crédits : Reuters)

Il y a six mois, Airbnb licenciait 1.900 employés -un quart de ses effectifs- et sa valorisation chutait à 18 milliards de dollars. Vendredi 11 décembre, un jour après son introduction en Bourse à Wall Street, le leader mondial du séjour touristique commence à recruter à nouveau et surtout, vaut 100 milliards de dollars ! Au terme d'une première journée folle, son action a clôturé à 144,71 dollars, en hausse de 113% par rapport à son prix d'introduction. Il y a un mois, Airbnb espérait une valorisation de 30 milliards de dollars. Sentant l'enthousiasme des marchés au sujet de son IPO, l'entreprise avait relevé au dernier moment son prix d'introduction et visait au mieux une valorisation de 47 milliards de dollars -ce qui aurait déjà été spectaculaire-. Le voilà avec plus du double !

Lire aussi : Airbnb entre en Bourse : comment le champion du tourisme s'est réinventé face à la crise

Wall Street n'a d'yeux que pour la tech

Airbnb avait initialement prévu de mettre sur le marché ses actions à une fourchette de prix allant de 44 dollars à 50 dollars l'unité, un intervalle relevé quelques jours plus tard à 56-60 dollars, avant de grimper à 68 dollars mercredi soir. Le niveau de l'action, qui s'échange sous le symbole "ABNB", a continué à exploser au fur et à mesure que les courtiers et banquiers tentaient d'évaluer au plus juste l'intérêt des investisseurs.

Pour l'occasion, le Nasdaq a déployé le logo de la plateforme et des images de son activité sur sa façade en surplomb de la mythique place de Times Square à New York. Une fois les frais décomptés, la société a récupéré 3,4 milliards de dollars d'argent frais grâce à cette opération.

Le succès de l'IPO d'Airbnb s'inscrit dans le contexte d'une seconde vague d'introductions en Bourse en 2020 pour les entreprises tech. Mercredi 9 décembre, un jour avant Airbnb, une autre pépite de la Silicon Valey, DoorDash, a fait ses débuts sur le Nasdaq. Le champion de la livraison de repas à domicile a lui aussi fait carton plein : alors que son prix d'introduction avait été fixé à 102 dollars par action, ce qui lui a permis de lever 3,4 milliards de dollars, le titre de l'entreprise a débuté à 179 dollars sur le New York Stock Exchange, soit une hausse de plus de 78%, et a terminé la journée à 185 dollars.

Consécration d'un géant

Née il y a 13 ans à San Francisco, l'entreprise a bouleversé l'industrie des voyages professionnels et du tourisme. Brian Chesky et Joe Gebbia cherchaient en 2007 un moyen de payer leur loyer et créent alors un site, baptisé AirBedandBreakfast.com, pour proposer aux participants d'une conférence de les héberger sur des matelas pneumatiques. Les deux amis sont rejoints en 2008 par l'informaticien Nathan Blecharczyk et forment alors officiellement Airbnb. Alors que se propage une grave crise financière dans le monde, l'idée de trouver des logements temporaires moins chers, ou de gagner un peu d'argent en louant une chambre, séduit rapidement le public.

La plateforme de locations a bien rencontré des résistances en chemin, plusieurs municipalités et des hôteliers s'inquiétant de voir des logements privés se transformer de facto en hôtels, privant les particuliers d'habitations, favorisant la spéculation immobilière et créant un manque à gagner pour le secteur hôtelier traditionnel. Mais le groupe a désormais quatre millions d'hôtes à son compteur et plus de 825 millions de clients.

Lire aussi : Airbnb contraint de se réinventer pour survivre au "coronakrach" du tourisme mondial

Réaction rapide et pertinente à la crise de la Covid-19

L'incroyable succès de l'IPO d'Airbnb s'explique aussi et surtout par ce que l'entreprise a révélé de sa résilience et de sa capacité d'adaptation lors de la crise de la Covid-19. La plateforme a été heurtée de plein fouet par les mesures sanitaires imposées dans le monde à l'hiver et au printemps dernier : son chiffre d'affaires des neuf premiers mois de 2020 a plongé de 32% sur un an. L'entreprise a dû lever en urgence 2 milliards de dollars pour faire face à la crise, licencier 25% de ses salariés, et réduire quasiment à néant ses investissements.

Parallèlement, anticipant d'importants changements dans les attentes de ses clients, Airbnb a rapidement pivoté. Dès le mois d'avril, l'entreprise a mis l'accent sur les locations situées à courte distance et en milieu rural, permettant aux citadins, à l'approche de l'été, de prendre l'air sans risquer d'attraper le virus. Aux États-Unis, les hôtes proposant des locations en milieu rural ont engrangé 200 millions de dollars rien qu'au mois de juin, un bond de 25% par rapport à l'année précédente. Et de juillet à septembre, la plateforme a gagné 219 millions de dollars, renouant quasi-immédiatement avec la croissance. L'autre pivot stratégique a été de développer les locations de longue durée, à la faveur notamment du développement du télétravail pour les cadres des grandes villes en quête de verdure.

En achetant des actions du site, les investisseurs ont l'impression de miser sur l'essor d'un nouveau géant dans son secteur, remarque Gregori Volokhine, gestionnaire de portefeuille pour Meeschaert Financial Services.

"Les gens ont actuellement peur d'aller dans les hôtels, les endroits publics, il y a un réel appétit pour les locations dans les endroits individuels", souligne-t-il auprès de l'AFP. "Et la concurrence, comme (le site) Expedia, est loin derrière."

Lire aussi : Airbnb impose des restrictions sanitaires dans toutes ses locations

Google, régulation : des menaces planent toujours au-dessus de la tête d'Airbnb

L'euphorie autour d'Airbnb est réelle, mais gare au retour de bâton. Les défis qui attendent la plateforme sont nombreux. A commencer par la pandémie. La situation paraît hors de contrôle aux Etats-Unis, si bien qu'Airbnb anticipe déjà un quatrième trimestre 2020 en net recul. Si la perspective du vaccin a redonné confiance aux investisseurs, cette lueur d'espoir reste fragile : si le vaccin se révèle moins efficace que prévu ou que des effets secondaires non-anticipés à cause de la rapidité de son développement se manifestent, c'est toute l'économie mondiale qui pourrait en pâtir, et notamment le tourisme.

Lire aussi : Airbnb: Bruxelles donne raison à la loi française qui impose plus de régulation sur les locations

Dans son document d'introduction en Bourse présenté en novembre aux actionnaires, Airbnb ne sous-estime pas non plus la concurrence, à commencer par Expedia et Booking.com qui s'adaptent au nouveau standard imposé par Airbnb. Mais aussi -et surtout ?- Google qui affiche désormais dans ses résultats de recherche des locations de courte durée... ce qui a un impact sur la visibilité d'Airbnb :

"Nous pensons que notre référencement et notre visibilité ont été affectés par le lancement de Google Travel et les publicités pour Google Vacation Rentals, ce qui réduit la proéminence de notre plateforme dans les résultats organiques de recherche sur les voyages de courte durée et notre placement sur Google", est-il écrit dans le document.

Enfin, Airbnb est toujours sous la menace d'une régulation de moins en moins favorable aux géants du Net. En Europe, Airbnb pourrait faire partie des "plateformes structurantes" soumises à la régulation beaucoup plus stricte du Digital Services Act, qui sera révélé la semaine prochaine. Et les villes du monde entier ont pris ou vont prendre prendre des mesures contre la désertification de leurs quartiers touristiques en limitant le nombre de nuitées touristiques qu'un logement peut proposer par an, et en renforçant les contrôles sur les locations Airbnb.

Lire aussi : Digital Services Act (2/2) : les empires des géants du Net enfin sous pression ?

Sylvain Rolland

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Commentaires 4
à écrit le 11/12/2020 à 19:22
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L'économie Ponzi du partage qui ne déclare fiscalement aucun profit sauf pour les dirigeants...

à écrit le 11/12/2020 à 11:57
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C'est intéressant de voir la valeur si l'on sait actuellement ceux qui ont investi sur des ha d'apparts, car j'imagine qu'ils ne peuvent plus payer les traites, (je parle de paris). Donc il va être intéressant de voir ce que cela va avoir comme im...

à écrit le 11/12/2020 à 11:37
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Les valeurs interessantes étant de plus en plus rares et sachant en plus que nous sommes dans le secteur hypertrophié de la spéculation immobilière ce succés était annoncé. Comme quoi hein, le meilleur investissement ce sont les gens ! Ce qu'est ...

à écrit le 11/12/2020 à 11:07
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Quand ca va choir......

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