Grève chez SFR : « Monsieur Drahi, tu nous a trahis »

Lors d’un débrayage organisé ce jeudi au siège parisien d’Altice France, des salariés de SFR se sont mobilisés contre de nouvelles coupes d’effectifs.
Pierre Manière
C’est la deuxième fois que SFR taille dans ses effectifs depuis son rachat par le milliardaire Patrick Drahi en 2014. En 2017, 5.000 personnes sur les 15.000 que comptaient le groupe ont été poussées vers la sortie.
C’est la deuxième fois que SFR taille dans ses effectifs depuis son rachat par le milliardaire Patrick Drahi en 2014. En 2017, 5.000 personnes sur les 15.000 que comptaient le groupe ont été poussées vers la sortie. (Crédits : Pierre Manière)

En plein Euro de football, ils étaient quelques centaines de salariés de SFR, ce jeudi, à battre le pavé pour donner « un carton rouge à Drahi ». Réunis devant le siège d'Altice France, leur maison-mère, dans le XVème arrondissement de Paris, les employés de l'opérateur ont donné de la voix pour dénoncer un nouveau plan social. Annoncé au mois de mars, celui-ci vise 1.700 personnes (près de 2.000 selon les syndicats) sur un total de 10.000 collaborateurs. C'est la deuxième fois que SFR taille à la hache dans ses effectifs depuis son rachat par le milliardaire Patrick Drahi en 2014. En 2017, 5.000 personnes sur les 15.000 que comptait le groupe ont été poussées vers la sortie. Pour la plupart des salariés, ce nouveau plan social apparaît d'autant plus inacceptable que tous les voyants économiques sont au vert.

« Monsieur Drahi, tu nous as trahis ! », hurle un syndicaliste au micro. Face à lui, des manifestants brandissent des banderoles et panneaux hostiles au magnat des télécoms et des médias. « SFR licencie à très haut débit »« casse-machine chez SFR », y lit-on. Une autre dénonce une « nouvelle Drahison ». Parmi les manifestants, Aurélien (*), la quarantaine, travaille à la direction du réseau. Ce quarantenaire, qui a passé près de 20 ans chez SFR, n'est pas directement menacé par le plan. Mais il a tenu à participer à ce débrayage organisé par les représentants du personnel. « La direction se comporte en profiteur de guerre », fustige-t-il. Selon lui, SFR a largement profité de la crise de la Covid-19. D'une part d'un point de vue commercial, parce qu'« avec le travail à distance, beaucoup de clients ont pris des forfaits mobiles plus chers et se sont convertis à la fibre ». Mais aussi parce qu'en parallèle, le groupe « a bénéficié d'aides publiques » après avoir recouru au chômage partiel.

« SFR a profité de la Covid-19 »

Ce constat est partagé par beaucoup. Et en particulier par les syndicats, qui rappellent que SFR a vu son chiffre d'affaires croître de 2,4% à 10,6 milliards d'euros en 2020, tout en améliorant sa marge opérationnelle. Tous tirent à boulets rouges sur les arguments présentés par la direction de SFR pour justifier ses coupes d'effectifs. La crise de la Covid-19 ? « SFR, c'est malheureux à dire, en a profité », lâche Xavier Courtillat, de la CFDT. La « pression concurrentielle » sur le marché français des télécoms ? « Elle a toujours été là », s'étrangle un autre syndicaliste. Quant au coût du démantèlement des antennes du chinois Huawei lors du passage à la 5G, les représentants du personnel jugent que l'entreprise avait tout le temps d'anticiper ces dépenses. Les syndicats râlent également contre la soudaineté avec laquelle la direction de SFR a amené ce plan social. Il faut dire qu'en juin 2020, aucune suppression de postes n'était prévue dans les « orientations stratégiques » à l'horizon 2023 présentées par le groupe.

Aux dires de Xavier Courtillat, la stratégie de la direction est claire : il s'agit, selon lui, de dépecer SFR d'un maximum d'activités, qui ont vocation, ensuite, à être sous-traitées chez différentes filiales d'Altice. Sous la coupe du très redouté Armando Pereira, un des dirigeants d'Altice et vieux compagnon de Patrick Drahi, celles-ci « ne pratiquent pas les mêmes niveaux de salaires, et les employés ne disposent pas des mêmes avantages sociaux », constate le syndicaliste. Pour illustrer cette stratégie, Xavier Courtillat souligne que la centaine de salariés du pôle stratégique de la supervision du réseau sont menacés par le plan social. Cette activité a vocation, selon lui, à devenir la chasse gardée d'une autre filiale d'Altice.

Des négociations dans l'impasse

Dans ce contexte tendu, les négociations entre les syndicats et la direction sont dans l'impasse. Les représentants du personnel ont récemment décidé de claquer la porte. « La direction veut juste dérouler son plan comme prévu, déplore Xavier Courtillat. Elle refuse de nous transmettre les documents, dont ceux des conseils d'administration, qui nous permettraient de comprendre l'arrivée de ce plan social. »

Aux yeux des représentants du personnel, ces coupes d'effectifs n'ont qu'un objectif : rassurer les créanciers de Patrick Drahi, alors qu'Altice Europe reste très endettée, à hauteur de 28 milliards d'euros. Et ce dans un contexte où le tycoon semble reparti à l'offensive sur le front des acquisitions. Il y a moins de deux semaines, le Patrick Drahi est devenu le premier actionnaire de BT, l'opérateur historique britannique, dont il détient plus de 12% du capital. Il y a fort à parier qu'il n'en restera pas là.

* Le prénom a été changé à la demande du salarié.

Pierre Manière

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Commentaires 7
à écrit le 27/06/2021 à 14:51
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Pas besoin d'être devin ,Tapie avait bien avant lui, avec l'aide des banques magnifiés le concept .On achète avec l'argent des autres une société moribonde ,mal géré ou inondé de préretraité de l'État . On degresse sauvagement ,baisse des salaires ,a...

à écrit le 25/06/2021 à 8:40
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Plus de 40 milliards de dette. Il allege ses charges. L'humain il connait pas le drahi.

à écrit le 24/06/2021 à 18:36
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Une journée d'action pour cégétistes aux compétences qu'on s'arrache...

le 25/06/2021 à 9:20
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Pas de chance il n'y avait pas de joli drapeau CGTiste. En revanche beaucoup de gens n'étaient pas syndiqués.

le 25/06/2021 à 9:40
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Fragile est un financier pas un industriel ou philanthrope … salariés de sfr vous voilà prévenus… les syndicats ont aussi leur rôle cher monsieur , ils ont fait réintégrer un lanceur d alerte ex cadre sncf licencié car il avait dénoncé des trucages...

le 25/06/2021 à 9:41
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Fragile est un financier pas un industriel ou philanthrope … salariés de sfr vous voilà prévenus… les syndicats ont aussi leur rôle cher monsieur , ils ont fait réintégrer un lanceur d alerte ex cadre sncf licencié car il avait dénoncé des trucages...

le 25/06/2021 à 11:27
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@Guni Autant pour moi c'était un appel à la grève de l'intersyndicale (CFDT, CFTC, Unsa) tel qu'illustré par les gilets et casquettes bleu ou orange dans l'article de la Tribune et d'autres. https://www.francetvinfo.fr/internet/telephonie/sup...

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