Telecom Italia : pourquoi les investisseurs s'inquiètent

L’opérateur historique italien a atteint, ce mercredi 23 janvier, son plus bas historique à la Bourse de Milan. Entre ses mauvais résultats, une concurrence accrue dans le mobile et des disputes interminables entre ses principaux actionnaires, le groupe est aujourd’hui en pleine tempête.
Pierre Manière
Telecom Italia souffre, en particulier, de la concurrence d'Iliad dans le mobile.
Telecom Italia souffre, en particulier, de la concurrence d'Iliad dans le mobile. (Crédits : Stefano Rellandini)

La situation est préoccupante. Telecom Italia vit aujourd'hui une période extrêmement difficile, reflétée par un cours de Bourse en chute libre. Ces cinq derniers jours, le titre a dégringolé de 13%, à 0,45 euros, atteignant même, ce mercredi matin, un plus bas historique à 0,43 euros. Sur un an, le titre a perdu pas moins de 40%. Si les investisseurs font grise mine, c'est parce que l'opérateur historique italien est confronté à un chapelet de difficultés.

En premier lieu, Telecom Italia, lourdement endetté à hauteur de 25 milliards d'euros, est commercialement à la peine. Ses derniers résultats publiés début novembre, ceux du troisième trimestre 2018, en témoignent : l'opérateur a fait état d'une perte colossale de 1,4 milliard d'euros, contre un bénéfice 437 millions d'euros l'année précédente à la même période. La semaine dernière, le groupe a, en plus, lancé un avertissement sur ses résultats 2018. L'opérateur a indiqué s'attendre, pour l'année dernière, à un excédent brut d'exploitation (Ebitda) organique d'environ 8,1%. Ce qui représenterait, selon une source proche du dossier citée par l'agence Reuters, une baisse de 5% par rapport à 2017.

Lire aussi : Telecom Italia dégringole après un avertissement sur ses résultats

Telecom Italia a justifié ses difficultés par une concurrence accrue en Italie. Il est vrai que dans l'Internet fixe, l'ex-monopole d'État subit la concurrence d'Open Fiber, le réseau de fibre optique en déploiement de l'électricien Enel. Mais surtout, dans le mobile, il doit faire face à l'arrivée d'Iliad.

L'opérateur de Xavier Niel, qui s'est lancé au printemps dernier, a démarré pied au plancher dans la péninsule. Sur ses quatre premiers mois d'activité, il a raflé, grâce à des tarifs agressifs, quelque 2,2 millions d'abonnés. Ce qui fait autant de clients en moins pour Telecom Italia et les autres opérateurs mobiles. L'opérateur historique n'a vraisemblablement pas cru que Free connaîtrait un tel succès. Il pensait limiter la casse et savonner la planche à Iliad en lançant, notamment, sa propre marque low cost, Kena Mobile. Mais cela n'a pas suffi. Telecom Italia a, en plus, avertit que cette concurrence impacterait très probablement ses résultats au premier trimestre 2019.

Mais ce n'est pas tout. Telecom Italia fait aussi l'objet d'une guerre de pouvoir, qui s'éternise, entre ses principaux actionnaires. Au printemps dernier, Vivendi, premier actionnaire de Telecom Italia (avec 24% du capital), a perdu la main sur le conseil d'administration de l'opérateur au profit du fonds américain Elliott (qui en possède 9%). Depuis, le géant français des médias fait tout pour reprendre les rênes du groupe. Pour arriver à ses fins, il ne manque pas la moindre occasion de critiquer la gestion d'Elliott.

Guerre entre Vivendi et Elliott

Vivendi et Elliott ne partagent pas la même vision stratégique. Ils ne sont, en particulier, pas d'accord sur l'avenir du réseau Internet fixe de l'opérateur, évalué à 15 milliards d'euros. En mars dernier, Amos Genish, l'ancien chef de file de Telecom Italia et proche de Vivendi, a amorcé une opération d'ampleur, poussée par le gouvernement : la scission de ce réseau du reste des activités du groupe. Cette opération visait à transformer cet actif en une entité juridique distincte, baptisée NetCo. Dans ce plan initial, Telecom Italia conservait intégralement le contrôle de cette société.

Lire aussi : Telecom Italia débute la scission de son réseau Internet fixe

Sauf que cette stratégie, soutenue par Vivendi, ne l'est pas par Elliott. Le fonds américain, lui, milite pour une séparation totale du réseau, avec l'idée de l'introduire en Bourse ou de le fusionner avec celui d'Open Fiber. En désaccord avec cette ambition, Amos Genish a été remercié, au mois de novembre, par le conseil d'administration contrôlé par Elliott. Il a été remplacé par Luigi Gubitosi, un dirigeant plus raccord avec les idées du fonds américain.

Climat d'instabilité

Remonté, Vivendi a demandé l'organisation d'une AG pour reprendre le contrôle du conseil d'administration et inverser la vapeur. Celle-ci aura lieu le 29 mars prochain. En attendant, Vivendi multiplie les manœuvres pour fusiller et freiner la stratégie d'Elliott. Tandis que le fonds américain, lui, veut accélérer la scission totale du réseau.

Une énième passe d'armes entre les deux acteurs a eu lieu ces derniers jours. Le week-end dernier, le régulateur italien des télécoms a rendu un avis négatif sur le projet de séparation du réseau amorcé par Amos Genish. L'institution a critiqué la volonté de l'opérateur de garder le contrôle de NetCo, craignant qu'in fine, Telecom Italia favorise l'accès à NetCo à ses sociétés aux dépens des autres opérateurs. Elliott a immédiatement réagi en plaidant pour une scission sans délai et totale du réseau. Vivendi a préféré, de son côté, souligner que Luigi Gubitosi semble lui-même penser qu'une telle opération n'est pas si facile.

Ces prises de bec et luttes de pouvoir créent un climat d'instabilité chez Telecom Italia. Et pour cause : si Vivendi devait reprendre la main sur le conseil d'administration, cela déboucherait très probablement sur une éviction de Luigi Gubitosi. Sachant que depuis février 2016, l'opérateur a connu cinq PDG différents !

Des fréquences 5G surpayées

Un autre point inquiète les investisseurs : en fin d'année dernière, la vente des fréquences 5G a atteint des sommets en Italie. Pour disposer d'un bon portefeuille de fréquences, Telecom Italia a été contraint de débourser 2,4 milliards d'euros ! Cette manœuvre inquiète énormément les analystes financiers, qui redoutent que cela pèse, à terme, sur la rentabilité du groupe si le retour sur investissement n'est pas au rendez-vous. Le chemin de croix de Telecom Italia est, sous ces différents prismes, loin d'être terminé.

Lire aussi : Italie: la crainte d'un "bain de sang" après la vente des fréquences 5G

Pierre Manière

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Commentaires 2
à écrit le 24/01/2019 à 10:55
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Je ne comprend pas. Les populistes d'extrême-droite et d'extrême-gauche sont au pouvoir et ça ne va pas mieux ?

à écrit le 23/01/2019 à 18:30
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Et cette loutre de salvini qui hurle après la France. Il ferait mieux de dire merci. Grazie signore Macron de nous envoyer des clients pour notre industrie navale, de nous envoyer Air France pour sauver la peau d'Alitalie, de nous envoyer Illiad pour...

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