Alors que la place de Paris vient de mettre en ligne l'Observatoire de la finance durable, l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), adossée à la Banque de France, ont publié jeudi 29 octobre, leur premier rapport dédié à l'évaluation des engagements pour le climat pris par les banques, les assureurs et les sociétés de gestion.
Cette publication, qui intervient le jour du Climate Finance Day, un colloque de réflexion sur la finance et le climat, se concentre sur les politiques de sortie du charbon. Elle intervient en amont de la publication d'un rapport complet attendue pour la fin d'année.
Qu'en retenir ? Que les acteurs financiers de la place de Paris peuvent encore mieux faire. Dans un communiqué de presse commun, les gendarmes financiers relèvent "une dynamique positive" et "une prise de conscience de la responsabilité du secteur financier dans la lutte contre le changement climatique", mais aussi "des zones de progrès encore importantes".
De grandes disparités entre établissements
Si l'exposition du secteur financier au charbon est "estimée inférieure à 1%" des actifs des banques, assureurs et sociétés de gestion, ce pourcentage cache de nombreuses disparités. En effet, certains acteurs sont déjà totalement ou presque sortis du charbon, tandis que d'autres restent exposés.
Dans le détail, 46 grands acteurs financiers de la Place de Paris ont été interrogés, dont neuf banques, 17 assureurs et 20 sociétés de gestion. L'ensemble des établissements bancaires et des assureurs disposent d'une politique de désengagement du charbon. Mais seules six banques et onze compagnies d'assurance ont affiché des dates de sortie du charbon.
Concernant, les sociétés de gestion, 16 disposent d'une politique charbon et un seul acteur ne souhaite pas se doter d'une telle politique en raison de son portefeuille d'activités. En revanche, seulement six gérants ont à ce jour communiqué une date de sortie du charbon, relève le rapport.
"Les niveaux d'effort sont variables d'un institut financier à un autre. La définition même de ce qu'est une activité charbon n'est pas la même [selon les acteurs, ndlr]", a regretté Bruno Le Maire, lors d'une allocution vidéo diffusée pendant le colloque.
La sortie du charbon ne suffit pas
Le ministre de l'Economie et des Finances a rappelé le rôle pionnier de la Place de Paris en matière de finance verte et a souligné les nombreux efforts effectués, citant les 200 milliards d'euros d'encours labellisés "Investissement socialement responsable" (ISR) ou encore la place prépondérante des banques françaises dans l'émission des obligations vertes et leurs initiatives en matière de sortie du charbon.
Toutefois, à la question "est-ce que c'est assez ?", il répond "non". "Nous devons être plus ambitieux", estime-t-il. Le ministre a ainsi appelé les acteurs financiers à travailler à une sortie des activités pétrolières non conventionnelles (pétrole de schiste, sables bitumeux et pétroles lourds). Selon lui, la place de Paris doit "arrêter de financer" ces activités. "Elle peut le faire, c'est à sa portée", a-t-il lancé, tout en rappelant que l'Etat s'était lui même engagé à arrêter de financer, via la garantie export, les projets pétroliers en 2025 et gaziers à l'horizon 2035.
Dans le secteur privé, BNP Paribas a été, en 2017, la première banque au monde à exclure les gaz de schiste et à renoncer aux sables bitumineux. Cette semaine, Société Générale a annoncé vouloir réduire de 10% son exposition globale au secteur de l'extraction du pétrole et du gaz à l'horizon 2025. Malgré ces annonces, les hydrocarbures conventionnels conservent encore une part importante dans les portefeuilles des quatre plus grandes banques françaises (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et BPCE).
Stress tests climatiques en cours
"Je vous demande d'aller encore plus loin", a dit le ministre des Finances en s'adressant directement aux établissements concernés. "Le virus ne doit pas nous faire abandonner notre bataille contre le réchauffement climatique", a affirmé Bruno Le Maire, qui estime que dans cette bataille, "la finance est le nerf de la guerre".
De fait, malgré la crise du coronavirus, les banques ont poursuivi leurs travaux en la matière. Elles se sont notamment prêtées à des tests de résistance climatiques. "Les principales institutions financières françaises (banques comme assurances) réalisent actuellement cet exercice. Cet exercice est le premier de cette nature mené dans le monde", a souligné François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, lors du Climate finance day.
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