Comment Airbus Helicopters s'est imposé en Corée du Sud

Pour convaincre Séoul d'acheter ses hélicoptères, le constructeur de Marignane a proposé une coopération industrielle très poussée avec le principal industriel coréen, Korea Aerospace Industries (KAI).
La maquette du Light attack Helicopter (LAH), un programme co-développé et co-produit par KAI et Airbus Helicopters, était l'une des vedettes du salon de Séoul (ADEX)

C'est l'une des fiertés du moment de l'industrie sud-coréenne. Développé par Korea Aerospace Industries (KAI) en partenariat avec Airbus Helicopters, le programme LAH (Light Attack Helicopter) est extrêmement visible sur le salon aéronautique de Séoul (ADEX), qui a ouvert ses portes mardi. Airbus Helicopters, qui a signé ce nouveau succès en mars dernier, a manifestement trouvé la clé pour ouvrir les portes du marché militaire sud-coréen. Ainsi, Séoul a été à nouveau séduit par la proposition de KAI de co-développer et de co-produire avec la division Hélicoptères d'Airbus Group un nouvel appareil militaire. Car cela permet aux Sud-coréens de développer leur industrie grâce aux transferts de technologies consentis mais maîtrisés par Airbus Helicopters.

Du coup, au même titre que les grands industriels de l'armement américains (Boeing, Lockheed Martin, Northrop Grumman...), Airbus Helicopters est aujourd'hui un peu chez lui en Corée du Sud. C'était pourtant loin d'être gagné d'avance face à une concurrence américaine plutôt hégémonique. A la surprise de beaucoup d'observateurs, le constructeur de Marignane s'est donc adjugé en dix ans deux des trois compétitions majeures lancées par le ministère de la Défense sud-coréen. Une seule lui a échappée: celle sur l'hélicoptère d'attaque remportée par Boeing et son Apache antédiluvien, dont la mise en service date déjà de 1984. Et si elle lui a échappée, c'est tout simplement parce qu'Airbus Helicopters n'a pas pu participer à cet appel d'offres, Séoul et Washington ayant signé un accord de gouvernement à gouvernement (ventes FMS).

Une belle histoire commencée en 2005

Pour Airbus Helicopters (Eurocopter à l'époque), tout a commencé en novembre 2005 quand KAI a sélectionné le constructeur de Marignane face à Bell notamment pour devenir son partenaire dans le cadre de l'appel d'offres portant sur le programme d'un hélicoptère de transport de troupes Korean Helicopter Program (KHP) devenu Surion (245 appareils) pour un montant évalué à 7 milliards de dollars (développement et production). Puis en 2006, le ministère de la Défense sud-Coréen sélectionnait KAI, en tant que maître d'oeuvre, et Airbus Helicopters, qui détient 20% du programme en valeur et un intéressement (royalties) par appareil vendu. Ce casse du siècle au nez et à la barbe des industriels américains était signé par le vice-président du constructeur pour l'Asie du Nord (Chine, Corée du Sud et Japon), Norbert Ducrot, surnommé en interne Norbertcopter.

"La première coopération majeure entre Airbus Helicopters et la Corée du Sud est un succès reconnu, sachant que le Surion est sorti à l'heure, dans les coûts prévus et les spécifications exigées", assure à "La Tribune" Norbert Ducrot. Lancé en juin 2006, le Surion a volé pour la première fois en mars 2010 et est entré en service en mai 2013. A ce jour, KAI a livré quelques dizaines de Surion, qui vont progressivement remplacer les MD-500 (MD Helicopters) et UH-1 (Bell). Ce programme est déjà très rentable pour les deux partenaires semble-t-il...

A l'export, Airbus Helicopters explique qu'il va soutenir le Surion, sauf quand il proposera le H225. "Le Surion a un vrai potentiel à l'export", fait-on valoir à La Tribune. Soit plusieurs centaines d'appareils... sans plus de précision. "Nous n'avons pas commencé les activités de marketing commercial pour le Surion", rappelle Norbert Ducrot, qui se dit convaincu lui aussi de son succès à l'export.

Airbus Helicopters récidive en 2015

Le succès opérationnel du Surion a joué à plein pour le constructeur de Marignane lors de la compétition LAH/LCH, deux plateformes, l'une militaire et l'autre civile. Et à la clé un nouveau succès copié-collé à celui du Surion : partenariat avec KAI négocié entre septembre 2014 et mars 2015, puis signature en juin avec le ministère de la Défense. "Les pilotes coréens voulaient Airbus Helicopters", estime-t-on en interne. Pourquoi? "Ils aiment voler sur le Surion et apprécient beaucoup notre pilote automatique", qui pour le coup n'avait pas fait l'objet d'un transfert de technologies dans le cadre du programme Surion, précise-t-on.

"Nous avons été très compétitifs dans le cadre d'une compétition fair-play", assure pour sa part Norbert Ducrot. Comment? La proposition d'Airbus Helicopters, qui s'est largement inspirée du design du Dauphin (H155), a été très astucieuse. Elle permet un développement des versions LAH/LCH deux fois plus rapides et entre deux et trois fois moins chers qu'un nouveau programme parti d'une feuille blanche. Enfin, elle est beaucoup moins risquée à développer. Soit une proposition gagnante-gagnante pour le client... et pour le vendeur.

Un programme à 10 milliards de dollars

Ce nouveau programme s'élève à 10 milliards de dollars (développement et production de 214 LAH et d'une centaine de LCH pour le marché coréen) tandis que le coût du support et des services est évalué à 9 milliards sur une période de 20 ans. Quelles sont les futures étapes du programme? La certification et l'entrée en service du LCH sont prévues respectivement en 2019 et en 2020 tandis que la qualification et l'entrée en service du LAH en 2022. La production devrait s'étaler entre 2020 et 2050 compte tenu du potentiel des deux versions à l'export sur les vingt prochaines années (600 appareils).

La division hélicoptères d'Airbus Group aura en valeur 50% du programme LCH et 20% du LAH. Sur un programme de 10 milliards de dollars, Airbus Helicopters devrait réaliser un chiffre d'affaires de l'ordre de 2 milliards pour environ 300 appareils, hors exportation. Le constructeur devrait gonfler son chiffre d'affaires de 3,5 milliards sur les 9 milliards de dollars estimés au total pour le support. Enfin, KAI et Airbus Helicopters sont en train de négocier un accord sur le partage du marché à l'exportation. "Nous avons tout intérêt de le commercialiser avec KAI, explique Norbert Ducrot. Nous avons un intérêt financier".

Et l'avenir?

Airbus Helicopters est loin d'en avoir fini avec la Corée du Sud. Il va participer à deux appels d'offres qui vont être lancés très prochainement : le TH-X, un programme évalué à 100 millions d'euros et portant sur un hélicoptère d'entrainement (40 appareils) dont la compétition est attendue d'ici à la fin de l'année et, surtout, le KMOH (Korea maritime operation Helicopter), un appel d'offre estimé à plus de 1,5 milliard de dollars et portant sur une version d'un hélicoptère naval de lutte anti-surface et anti-sous-marine (36 appareils) pour 2016. Le constructeur va proposer respectivement l'Ecureuil et un dérivé du Surion (une version navalisée), qui complétera le portefeuille d'Airbus Helicopters dans le milieu de gamme.

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Commentaires 4
à écrit le 20/10/2015 à 15:09
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"Et si elle a lui échappé, c'est tout simplement parce qu'Airbus Helicopters n'a pas pu participer à cet appel d'offres." Mr cabirol...il faut arrêter de vous rassurer en disant n’importe quoi...

le 20/10/2015 à 17:06
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Par contre, ce que notre cher M. Cabirol ne parle c'est que la commande initiale de 50 hélicoptères Ka-52 russes pour équiper les deux Mistral vendus récemment à l'Egypte, vient de passer à 80 appareils. Donc si pour la première on comptait 1.1 milli...

le 20/10/2015 à 18:42
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@Le CAC au Rouge "faire l'entretien des Mistral égyptiens" Passer l'aspirateur et faire les vidanges moteur? Parce que tous les ensembles sont NF, systèmes de combat , ensembles propulsion, radars, goniomètres, catamarans, etc.

à écrit le 20/10/2015 à 12:54
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La Corée doit donner des compensations à la France pour ses importations. Rien de tel qu'une coopération qui voit les entreprises coréennes se transformer en véhicules de vente dans toute l'Asie pour les produits français. Compenser avec l'argent des...

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