Eurofighter : Airbus contre-attaque en Autriche mais...

"Il est par totalement insensé d’affirmer que le constructeur de l’avion de combat le plus moderne d’Europe n’a pas souhaité honorer les livraisons de son premier client à l’exportation", affirme Airbus. Pour autant, le contrat initial n'a pas été respecté par le constructeur... en raison du retard du lancement de la tranche 2 du programme Eurofighter.
Michel Cabirol
Le 1er juillet 2003, l'Autriche a signé un contrat pour 18 Eurofighter monoplace de la tranche 2 du programme (1,95 milliards d'euros)

Trop, c'est trop, a jugé Airbus. A près de trois semaine des élections législatives en Autriche, le constructeur européen contre-attaque et tire à boulets rouges sur le ministre de la Défense autrichien, Hans Peter Doskozil. Le groupe a remis lundi au parquet de Vienne sa position sur les accusations de tromperie formulées par le ministre de la Défense dans le cadre de l'acquisition d'avions de combat Eurofighter en 2003. Airbus Defence and Space GmbH "récuse formellement les accusations formulées par le ministre le 16 février 2017 lors d'une conférence de presse, ainsi que dans un exposé des faits présenté au parquet de Vienne", a souligné Airbus dans un communiqué publié ce lundi.

"Airbus critique, tout d'abord, la manière hautement contestable de procéder du ministre de la Défense lors du dépôt de plainte et sa politique d'information axée sur une présomption de culpabilité qui constituent des atteintes aux droits économiques et sociaux fondamentaux".

Quatorze ans après la signature du contrat (1er juillet 2003) pour 18 Eurofighter monoplace de la tranche 2 du programme (1,95 milliards d'euros), ces "lourdes accusations" du ministre de la Défense autrichienne, "associées à des demandes de dommages et intérêts à hauteur de plusieurs millions d'euros, semblent factices et fondées sur des motifs politiques", a estimé Airbus. "C'est pourquoi le ministre de la Défense s'est bien gardé de confronter directement la société Eurofighter à ces reproches avant de l'accuser publiquement", a expliqué le constructeur. Selon lui, "il en va de même pour la tentative d'annuler des délais de prescription".

"Il s'agit d'une violation flagrante des principes fondamentaux de l'État de droit européen et des principes constitutionnels", a affirmé le conseiller spécial juridique d'Airbus, Peter Kleinschmidt. "Le ministre de la Défense cherche à exercer une pression sous-jacente afin d'obtenir une complaisance juridique, impossible à obtenir dans une procédure de droit ordinaire », a accusé Peter Kleinschmidt.

Airbus était-il en mesure de livrer les Eurofighter Tranche 2?

Le ministre de la Défense autrichien a formulé deux accusations concrètes, selon Airbus. Première accusation, le fournisseur, la société Eurofighter Jagdflugzeug GmbH n'aurait, lors de la conclusion du contrat en 2003, été "ni en mesure, ni disposée" à livrer les avions commandés. Par ailleurs, "les coûts des activités de compensation (offset, ndlr) à fournir par la société Eurofighter n'étaient pas mentionnés séparément dans l'offre de 2002. A cause de ce fait, le ministre de la défense se voit trompé", a estimé Airbus. "Ces accusations sont fictives et dénuées de substance juridique. Il n'y a ni tromperie, ni erreur", a affirmé Peter Kleinschmidt. Pour autant, le ministre autrichien n'a pas tout à fait tort sur ce point. Car le contrat initial, qui a été mis en vigueur le 22 août 2003, n'a pas été respecté. Loin de là...

Le calendrier de livraison initial prévoyait la remise à l'armée de l'air autrichienne de quatre appareils de la tranche 2 puis douze en 2008 et, enfin, deux en 2009. Mais, la notification de la commande de la tranche 2 pour les quatre pays membres du programme (Allemagne, Grande-Bretagne, Italie et Espagne) a pris à l'époque deux ans de retard. Ainsi, la qualification de cette version a d'ailleurs été prononcée en septembre 2008 et les livraisons ont commencé un mois plus tard. Ce qui contredit les affirmations d'Airbus qui assure que "la capacité et la volonté de livraison étaient connues de la République d'Autriche à tout moment". L'Allemagne avait promis des livraisons qu'elle ne pouvait finalement pas tenir.

Révision du contrat

Toutefois, pour ne pas s'exposer à des remontrances de la part de Vienne, le consortium Eurofighter proposa la livraison de six avions de combat Tranche 1, qui serait prélevé sur les quotas des quatre pays membres du programme. Airbus s'engageait à sa charge de retrofiter les appareils pour les mettre au niveau de la tranche 2. L'Autriche a accepté ce compromis mais cette opération de modernisation a été abandonnée. Et ce d'autant qu'elle n'était pas prévue pour les quatre pays membre de l'Eurofighter. Ainsi, les 53 Typhoon de la tranche 1 de la Royal Air Force britannique ne seront jamais modernisés.

En juin 2007, après les résultats d'une commission d'enquête parlementaire autrichienne et à l'issue d'une négociation lancée en mars 2007, un nouvel accord a été signé entre le consortium Eurofighter et l'Autriche. Au lieu des 18 Eurofighter tranche 2, l'Autriche recevrait finalement 15 Eurofighter Tranche 1 - Block 5. Sur les 15 appareils, neuf devaient être fabriqués et prélevés sur les quotas des quatre pays membres (5 sur l'Allemagne, 2 sur la Grande-Bretagne, 1 sur l'Italie et 1 sur l'Espagne). Enfin, les six autres d'occasion étaient prélevés sur les stocks de la Luftwaffe. Les cinq premiers Eurofighter ont atterri entre juillet et décembre 2007. Le 15ème a été livré en septembre 2009.

Ce qui permet de dire à Airbus : "Il est par conséquent totalement insensé d'affirmer que le constructeur de l'avion de combat le plus moderne d'Europe n'a pas souhaité honorer les livraisons de son premier client à l'exportation".

Heure de vol : la facture incroyable

Selon le cour fédérale des comptes autrichienne (Rechnungshof), l'estimation du coût d'utilisation de la flotte Eurofighher à raison de 1.500 heures de vol par an (soit 100 heures de vol par an et par appareil) s'élevait à 40 millions d'euros pour 2008, 65 millions d'euros à partir de 2011 et plus de 100 millions d'euros au-delà de 2013. Sur la base des dépenses d'exploitation cumulées, une heure de vol Eurofighter coûtait en moyenne environ 56.000 euros en 2010 et environ 63.000 euros en 2011, selon la la cour fédérale des comptes autrichienne.

Michel Cabirol

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Commentaires 3
à écrit le 19/09/2017 à 10:03
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"avion de combat le plus moderne d’Europe "..??? ahahahahahaha!! La bonne blague! Un bi-réacteur avec les entrées d'air collées l'une à l'autre ne peut pas être un avion moderne! Sans parler des performances de vol. D'ailleurs les tests passés par...

à écrit le 18/09/2017 à 21:06
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Deux ans de retard dans le programme de livraison...une paille! Sachant que l'Eurofighter n'est pas le plus efficient des avions de combat par rapport au Rafale ..Tout ça n'est pas sérieux et il faut comprendre l'Autriche dont apparemment le contrat ...

le 25/11/2017 à 23:57
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A lire l'article, le plus gros problème de l'eurofighter (en tout cas de la tranche 1, le problème a probablement été atténué, mais pas éliminé, sur les appareils plus récents), c'est le coût d'entretien (et la disponibilité). Sur ce plan là, il n'y ...

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