La Tribune : vous présidez un groupe coopératif avec un fort pôle agricole. Que pensez-vous de la flambée actuelle du cours des céréales ?
Christian Pees : j'en ai assez d'entendre que les cours actuels sont trop élevés. Certes, lorsque le blé grimpe à 220 euros par tonne, c'est exagéré car les agriculteurs reçoivent en plus les subventions européennes. Mais le coût de revient pour un agriculteur performant est de 170 euros la tonne ! C'est donc plutôt quand les cours chutent à 120 euros par tonne que la situation est anormale. Car alors, sans les aides de la politique agricole commune ou de la Farm Bill américaine, personne ne survivrait. Nous, nous sommes habitués à ce dumping permanent des subventions.
Comment en sortir ?
Je prône un retour relatif à la régulation du prix des matières premières, notamment en interdisant la spéculation. A travers mon think-thank baptisé Momagri (Mouvement pour une organisation mondiale de l'agriculture), je milite par exemple pour imposer aux personnes qui vendent et achètent des matières premières d'être propriétaires physiquement en grains d'au moins 20 à 30% du montant investi. Nous faisons du lobbying au niveau européen car la spéculation embête tout le monde : agriculteurs, transformateurs, politiques... Le président Sarkozy a mis la question au programme du G20 de mars prochain. Les émeutes de la faim recommencent en Afrique car les céréales sont trop chères. Et quand elles ne le sont pas assez, ce sont nos producteurs qui souffrent.
Vous vous êtes protégé en vous diversifiant dans l'agroalimentaire...
Oui, dès 1995, nous avons racheté les foies gras Montfort, aujourd'hui leader en grandes surfaces. Puis le foie gras Rougié à destination des cafés-hôtels-restaurants, qui détient 30% de part de marché en France et 25% à l'international. Enfin pour limiter le risque de cette activité ultra saisonnière, nous avons pris le contrôle en 2005 des produits traiteur Stalaven, à destination des petits commerçants bouchers ou traiteurs. Aujourd'hui, ce pôle alimentaire représente 500 millions d'euros de chiffre d'affaires. Nous souhaitons atteindre un milliard en 2020 en le réorganisant aujourd'hui.
En quoi consiste cette réorganisation ?
Les pôles gastronomie et traiteur seront désormais dirigés par les mêmes équipes. Et trois entités commerciales différentes sont constituées. Une autour de Rougié pour stimuler le gros potentiel de cette marque, notamment à l'international. En grande distribution, les deux équipes de Stalaven (produits de traiteur à la coupe) et de Montfort, soit 45 personnes, fusionnent et 18 nouveaux commerciaux sont recrutés. Enfin, l'équipe "proximité" autour de Stalaven, va accompagner le développement des nouveaux "points de faim", type DailyMonop, qui se multiplient.
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