Un coup de semonce. C'est ainsi qu'il faut interpréter l'annonce vendredi dernier du ministère du Commerce chinois d'une enquête antidumping sur les eaux-de-vie de vin européennes, comme le cognac ou l'armagnac. Un avertissement adressé aux pays de l'Union européenne, et, plus particulièrement à la France, pour leur dire de ne pas aller trop loin dans les mesures commerciales à l'encontre des intérêts chinois au nom de la souveraineté industrielle et de l'indépendance économique, deux priorités de l'UE désormais après des décennies d'ouverture naïve de son marché.
Bonus électrique
Car les mesures de certains pays européens passent mal à Pékin. L'annonce des autorités chinoises sur les eaux-de-vie de vin est intervenue dans la foulée de celle des Pays-Bas limitant, comme le font les Etats-Unis et le Japon, les exportations vers la Chine d'équipements de pointe nécessaire à la fabrication des puces électroniques les plus avancées susceptibles d'être utilisées dans des armes ou des équipements de haute technologie. Une décision immédiatement appliquée par le géant batave ASML qui a gelé toutes les exportations vers l'ex-empire du Milieu de ses machines à construire de telles puces.
Cette décision lourde faisait suite à l'entrée en vigueur en France le 1er janvier du nouveau bonus écologique qui écarte tous les véhicules asiatiques des aides à l'achat d'un véhicule électrique versées aux consommateurs. Justifié par des objectifs environnementaux, ce bonus s'inscrit dans la volonté plus large de la Commission européenne de protéger l'industrie automobile européenne face à la concurrence chinoise en pointe sur les technologies de la voiture électrique. Bruxelles a ainsi lancé en septembre une enquête sur les aides d'Etat dont bénéficierait l'automobile chinoise.
Réponse modérée
Face à de telles attaques, la Chine était donc obligée de réagir. Mais en se focalisant sur une partie seulement des spiritueux européens, la réponse est en réalité modérée. Surtout si l'on se souvient que dans le passé, l'ex-Empire du milieu a sorti l'artillerie lourde pour régler en sa faveur des différends commerciaux avec l'UE. En témoigne le gel en 2012 d'un grand nombre de commandes d'avions à Airbus pour s'opposer à la mise en place en Europe d'un système d'échanges de permis d'émissions de CO2 sur tous les vols, y compris ceux des compagnies non-européennes. Bien aidé par le droit international qui lui donnait raison, Pékin avait contraint Bruxelles à faire marche arrière.
Les fleurons français du luxe très exposés à la Chine
Aujourd'hui, le contexte est différent. Déjà en délicatesse avec les Etats-Unis, la Chine a perdu de sa superbe sur le plan économique et ne veut ni ne peut rompre ses relations avec l'Europe. Le gouvernement de Xi Jinping a besoin du Vieux Continent pour faire tourner une économie fragilisée par une consommation intérieure morose.
Pour autant, la prudence de la riposte chinoise est riche d'enseignements. En ciblant certains alcools de luxe, elle donne des pistes sur ce que pourrait être l'étape d'après : frapper d'autres symboles forts de la France. Et notamment l'industrie du luxe et des cosmétiques. De quoi inquiéter nos fleurons tricolores Hermès, Kering, L'Oréal et LVMH, lequel est déjà concerné par l'affaire du cognac avec sa marque Hennessy : tous sont, en effet, fortement exposés au marché chinois, souvent à hauteur de plus de 30% de leur chiffre d'affaires. A tel point que cet automne, à peine l'enquête européenne sur l'automobile chinoise lancée, leurs dirigeants se sont empressés de rappeler à Bruno Le Maire le danger de croiser le fer avec la Chine. L'inquiétude est d'autant plus grande que le marché du luxe est moins dynamique aujourd'hui.
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