Représailles commerciales chinoises  : après le cognac, le luxe français ?

ÉDITO - L'annonce du ministère du Commerce chinois d'une enquête antidumping sur les eaux-de-vie de vin est un avertissement adressé aux pays européens avant d'aller plus loin dans les mesures de rétorsion.
Fabrice Gliszczynski
Le marché du luxe est moins dynamique aujourd'hui en Chine.
Le marché du luxe est moins dynamique aujourd'hui en Chine. (Crédits : Reuters)

Un coup de semonce. C'est ainsi qu'il faut interpréter l'annonce vendredi dernier du ministère du Commerce chinois d'une enquête antidumping sur les eaux-de-vie de vin européennes, comme le cognac ou l'armagnac. Un avertissement adressé aux pays de l'Union européenne, et, plus particulièrement à la France, pour leur dire de ne pas aller trop loin dans les mesures commerciales à l'encontre des intérêts chinois au nom de la souveraineté industrielle et de l'indépendance économique, deux priorités de l'UE désormais après des décennies d'ouverture naïve de son marché.

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Bonus électrique

Car les mesures de certains pays européens passent mal à Pékin. L'annonce des autorités chinoises sur les eaux-de-vie de vin est intervenue dans la foulée de celle des Pays-Bas limitant, comme le font les Etats-Unis et le Japon, les exportations vers la Chine d'équipements de pointe nécessaire à la fabrication des puces électroniques les plus avancées susceptibles d'être utilisées dans des armes ou des équipements de haute technologie. Une décision immédiatement appliquée par le géant batave ASML qui a gelé toutes les exportations vers l'ex-empire du Milieu de ses machines à construire de telles puces.

Cette décision lourde faisait suite à l'entrée en vigueur en France le 1er janvier du nouveau bonus écologique qui écarte tous les véhicules asiatiques des aides à l'achat d'un véhicule électrique versées aux consommateurs. Justifié par des objectifs environnementaux, ce bonus s'inscrit dans la volonté plus large de la Commission européenne de protéger l'industrie automobile européenne face à la concurrence chinoise en pointe sur les technologies de la voiture électrique. Bruxelles a ainsi lancé en septembre une enquête sur les aides d'Etat dont bénéficierait l'automobile chinoise.

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Réponse modérée

Face à de telles attaques, la Chine était donc obligée de réagir. Mais en se focalisant sur une partie seulement des spiritueux européens, la réponse est en réalité modérée. Surtout si l'on se souvient que dans le passé, l'ex-Empire du milieu a sorti l'artillerie lourde pour régler en sa faveur des différends commerciaux avec l'UE. En témoigne le gel en 2012 d'un grand nombre de commandes d'avions à Airbus pour s'opposer à la mise en place en Europe d'un système d'échanges de permis d'émissions de CO2 sur tous les vols, y compris ceux des compagnies non-européennes. Bien aidé par le droit international qui lui donnait raison, Pékin avait contraint Bruxelles à faire marche arrière.

Les fleurons français du luxe très exposés à la Chine

Aujourd'hui, le contexte est différent. Déjà en délicatesse avec les Etats-Unis, la Chine a perdu de sa superbe sur le plan économique et ne veut ni ne peut rompre ses relations avec l'Europe. Le gouvernement de Xi Jinping a besoin du Vieux Continent pour faire tourner une économie fragilisée par une consommation intérieure morose.

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Pour autant, la prudence de la riposte chinoise est riche d'enseignements. En ciblant certains alcools de luxe, elle donne des pistes sur ce que pourrait être l'étape d'après : frapper d'autres symboles forts de la France. Et notamment l'industrie du luxe et des cosmétiques. De quoi inquiéter nos fleurons tricolores Hermès, Kering, L'Oréal et LVMH, lequel est déjà concerné par l'affaire du cognac avec sa marque Hennessy : tous sont, en effet, fortement exposés au marché chinois, souvent à hauteur de plus de 30% de leur chiffre d'affaires. A tel point que cet automne, à peine l'enquête européenne sur l'automobile chinoise lancée, leurs dirigeants se sont empressés de rappeler à Bruno Le Maire le danger de croiser le fer avec la Chine. L'inquiétude est d'autant plus grande que le marché du luxe est moins dynamique aujourd'hui.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 12
à écrit le 10/01/2024 à 3:38
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Et pourtant, Macron était là, à plier le genou devant Xi ! C'est embarrassant, même lorsque le président promet fidélité aux Chinois, ils nous poignardent dans le dos quelques mois plus tard. La France a besoin d'une politique étrangère cohérente, pa...

à écrit le 09/01/2024 à 8:16
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Aucun risque il est irremplaçable, ils ne peuvent pas faire avec le luxe comme ils font avec les airbus et boeing, ou des bagnoles ou des fours et-c... à savoir des copies ça ne fonctionnerait jamais. C'est un des nombreux avantages de cette activité...

le 09/01/2024 à 22:32
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Génial : les chinoises tremblent déjà de ne plus pouvoir se mettre de parfums français.....

le 10/01/2024 à 8:55
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Elles ne tremblent pas elles ont d'autres choses à se soucier que cela mais ça les contrariera forcément préférant toujours le luxe français au luxe chinois ou pire allemand. Visiblement tu n'es pas une consommatrice chinoise toi hein... ^^

à écrit le 08/01/2024 à 22:42
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Nous les tenons: personne au monde ne peut se priver du Luxe Français, même pas nous. On aurait même pu appliquer la procédure à la Russie au lieu de nous priver de gaz et de pétrole; on la privait tout simplement de notre Côte d'Azur; c'est autre ch...

le 09/01/2024 à 14:28
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Rien n'est irremplaçable.

à écrit le 08/01/2024 à 17:28
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Pour mieux connaître la Chine, lisez les trois récits de Jean Tuan : "Un siècle chinois" (chez CLC Éditions) évoque le parcours de son père chinois arrivé en France en 1929, leur voyage en Chine en 1967 lors de la Révolution culturelle et les incroya...

à écrit le 08/01/2024 à 16:15
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"une enquête antidumping sur les eaux-de-vie de vin européennes, comme le cognac ou l'armagnac" pour un néophyte, ça consiste en quoi ? Il est où le "dumping" des alcools exportés ? C'est censé être 'subventionné' (comme le seraient les wattures chi...

à écrit le 08/01/2024 à 16:12
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Que je sache il n'y a pas de bonus chinois à la consommation de spiritueux contrairement au bonus français à l'achat d'un véhicule électrique. Cette décision chinoise est donc tout à fait inique.

le 08/01/2024 à 20:17
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Question est ce que si on vous donne une claque sur la joue droite vous tendez la gauche . La France discrimine de façon a peine déguiser les véhicules électriques chinois pour des raison très certainement justifiées de dumping bon et b...

à écrit le 08/01/2024 à 15:34
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Taxer plus le luxe à l'importation en Chine ne le rendra que plus luxueux : où est le problème ? Bien au contraire, c'est merveilleux !

le 08/01/2024 à 16:11
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Les chinois ont bien plus à y perdre que les européens la balance ne penche pas en leur faveur quelques litres de cognac ne pèsent pas lourd comparé à une voiture .

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