Energie : la France pourra t-elle vraiment produire un million de pompes à chaleur d'ici à 2027 ?

REPORTAGE. En déplacement à Feuquières-en-Vimeu ce 15 avril, les ministres Bruno Le Maire (Economie, Finances et Souveraineté industrielle et numérique) et Roland Lescure (Industrie et Energie) ont annoncé sept paquets de mesures visant à atteindre l'objectif fixé par Emmanuel Macron de produire un million de pompes à chaleur en France d'ici à 2027.
Le directeur de la business unit Thermodynamique du groupe Intuis, Lionel Palandre, fait visiter, le 15 avril 2024, l'usine de Feuquières-en-Vimeu (Somme) au ministre de l'Economie, Bruno Le Maire.
Le directeur de la business unit Thermodynamique du groupe Intuis, Lionel Palandre, fait visiter, le 15 avril 2024, l'usine de Feuquières-en-Vimeu (Somme) au ministre de l'Economie, Bruno Le Maire. (Crédits : C.A pour La Tribune)

C'était l'un des pivots du plan de l'exécutif présenté par Emmanuel Macron en septembre 2023 pour atteindre l'objectif d'une baisse de 55% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 : produire un million de pompes à chaleur d'ici à 2027. Sept mois plus tard, en déplacement à Feuquières-en-Vimeu ce 15 avril, les ministres Bruno Le Maire (Economie, Finances et Souveraineté industrielle et numérique) et Roland Lescure (Industrie et Energie) viennent d'annoncer sept paquets de mesures visant à tenir la promesse présidentielle.

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 Un crédit d'impôt

Les représentants du gouvernement Attal n'ont pas choisi ce site par hasard. Ce dernier est déjà labellisé Origine France Garantie car en capacité de produire, chaque année, 100.000 chauffe-eaux et 30.000 pompes à chaleur. Son patron Philippe Dénecé promet déjà 200.000 unités à horizon 2027.

Bruno Le Maire et Roland Lescure ont ainsi rappelé le crédit d'impôt investissement industrie verte, issu de la loi du même nom et entré en vigueur le 14 mars dernier. Ce dernier concernera la fabrication ou l'assemblage de pompes à chaleur ou chauffe-eaux thermodynamiques quelle que soit la technologie utilisée, ainsi que la fabrication ou l'assemblage des composants essentiels conçus utilisés principalement comme intrants directs.

Cet avantage fiscal couvrira l'ensemble des dépenses d'investissements hors recherche-développement-innovation (RDI) et représentera entre 20% et 45% du total de l'investissement hors RDI, en fonction de la taille de l'entreprise et de la localisation de l'outil productif. Et ce, dans la limite d'un plafond à 200 millions d'euros (si en zone AFR, c'est-à-dire en zone d'aide à finalité régionale, considérée comme territoire en difficulté par l'Union européenne) c'est-à-dire ou 150 millions d'euros (si en zone non-AFR).

« Quatre projets sont en cours d'instruction pour un montant total d'investissement de 250 millions d'euros. Le crédit d'impôt vert, ça marche ! » s'est gargarisé le ministre de l'Economie à l'issue de la visite.

Un guichet unique ?

A cela s'ajoute le lancement d'un appel à manifestation d'intérêt pour l'accélération des investissements dans des usines de production de pompes à chaleur. Les entreprises seront contactées par la direction générale des Entreprises, fait valoir Bercy.

Une forme de guichet unique pour guider les industriels dans les méandres de l'administration, applaudit François Deroche, président de l'association française pour les pompes à chaleur (AFPAC, 6,4 milliards d'euros, 31 sites industriels, 46.000 emplois).

Des éco-conditionnalités aux aides ?

Deuxième levier : les aides financières destinées aux ménages pour encourager l'acquisition de pompes à chaleur (PAC). Le gouvernement ambitionne ainsi de mettre en place, dès 2025, des critères de conditionnalité des aides. Cette réorientation bénéficiera à l'industrie européenne et française qui dispose des meilleures pratiques en matière d'écoconception.

« Est-ce la nationalité ou le respect des normes européennes en matière d'émission de gaz à effet de serre qui prévaudra ? Ne faudrait-il pas stabiliser les aides dans le temps pour permettre à l'industrie d'avoir confiance ? » s'interroge, pour La Tribune, Audrey Zermati, directrice de la stratégie du groupe Effy, leader français de l'accompagnement à la rénovation énergétique.

Même exigence pour la commande publique. La direction des achats de l'Etat va définir une stratégie en ce sens, applicable à compter du 3ème trimestre de 2024. L'Etat vise ainsi le remplacement progressif des chaudières au fioul et au gaz de ses 192.000 bâtiments au profit de sources énergétiques plus vertueuses, comme les PAC.

Une simplification des normes ?

Troisième piste : simplifier les normes pour faciliter l'installation de pompes à chaleur (PAC) dans l'habitat collectif. Dans le cadre du projet de loi Simplification qui sera présenté le 24 avril en Conseil des ministres, il sera possible de déroger aux plans locaux d'urbanisme (PLU). Objectif : déroger à la hauteur maximale des bâtiments inscrite dans les PLU pour pouvoir installer une PAC collective en toiture.

Quatrième annonce : le lancement d'un appel à projet « soutien à la recherche et au développement » dans le cadre de France 2030, le grand plan d'investissements, dont les lauréats seront annoncés d'ici à la fin 2025.

Trois cibles sont visées : les pompes à chaleur, systèmes thermodynamiques et équipements liés, adaptés aux spécificités du marché du logement collectif et des secteurs industriel et tertiaire, mais aussi les PAC et climatiseurs à haut rendement adaptés à des fluides frigorigènes, ou encore les composants clés type compresseurs, échangeurs, ballon de stockage.

D'autant qu'il y a toujours des composants qui viennent d'Asie. « Un compresseur en Europe, ce n'est pas encore gagné », souligne ainsi Jean-Claude Rancurel, président de l'UNA couverture-plomberie-chauffage au sein de la Confédération de l'artisanat et des TPE du bâtiment (CAPEB). Un compresseur sert à transformer l'air, l'eau et la terre en chaleur.

Un centre d'expertise

Cinquième idée : l'accompagnement de la montée en puissance des métiers de la filière, notamment les installateurs. Un plan d'adaptation des compétences des professionnels sera élaboré en concertation avec les parties prenantes d'ici à la fin de l'année 2024.

Il existe un label Qualipac auquel participent déjà 158 marques et qui a déjà permis de qualifier 16.000 entreprises, assure le président de l'association française pour les pompes à chaleur, François Deroche.

De même qu'un centre d'expertise de la pompe à chaleur (CEPAC) va être créé avec le soutien financier de l'Etat afin d'informer et d'outiller l'ensemble des parties prenantes.

« Nous sommes ravis que les ministres se soient emparés de ce sujet. C'est d'intérêt commun pour toute la filière ainsi que pour les consommateurs », se félicite encore François Deroche de l'AFPAC, dont l'équipe a déjà des documents en cours de préparation et de diffusion.

Cela passe aussi par l'amélioration de la confiance du citoyen dans la pompe à chaleur. Le gouvernement s'engage à contrôler une PAC sur 2.

Enfin, il s'agit d'encourager le développement de la pompe à chaleur dans l'industrie.

Pas un mot sur le pouvoir d'achat

Pas un mot en revanche sur la contraction du marché de la rénovation en raison de la baisse du pouvoir d'achat des Français.

« Nous assistons à une recrudescence des ventes de chaudières de deuxième main sur Le Bon Coin. N'aurait-il pas fallu marteler l'importance en termes d'économie d'une pompe à chaleur avec des aides plus importantes que l'an dernier ? » dit encore Audrey Zermati d'Effy.

 Un « coup de frein » sur le marché de la construction et de la transaction que subit aussi le groupe Intuis, hôte de l'événement, confie son directeur des affaires publiques Éric Baudry. Juste derrière les ministres, le cadre dirigeant affirme ainsi avoir déjà entamé des discussions avec l'Union sociale pour l'habitat (USH), qui confédère le monde HLM.

Et pour cause : avant même d'attendre le changement de législation pour le résidentiel, Eric Baudry l'assure : « nous sommes les seuls à proposer de la pompe à chaleur pour le logement collectif ».

Reste que l'usine tourne pour l'instant en 2-8 et ne devrait revenir aux 3-8 qu'« à la sortie de l'été ».

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Commentaires 10
à écrit le 16/04/2024 à 15:59
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Si la p lanète autant que le dit le GIEC, il serait préférable de produire des pmpes à "froideur". Et, des boules kies.

à écrit le 16/04/2024 à 14:57
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La reponse à la question du titre est donc non. La réalité ne suit pas le plan de Joseph Macrine.

à écrit le 16/04/2024 à 9:09
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Au gouvernement existe t-il un type pas trop C... chargé de contrôler la consommation d'électricité nécessaire pour tous ces bazars. Je crains que toutes les Énergies Renouvelables n'y suffiront pas.

le 16/04/2024 à 9:42
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@Albert - Une pompe à chaleur consomme environ 3 fois moins d'énergie qu' un radiateur électrique à résistance. Néanmoins un radiateur électrique ça vaut 300/600 € pièce avec 3000€ vous équipez un logement. Pour une Pac (une clim réversible air/ai...

à écrit le 16/04/2024 à 8:10
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Bah au pays des Shadocks les pompes culminent !

à écrit le 16/04/2024 à 7:27
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Il s’acharne alors que le marché c’est effondré… toujours à la ramasse, on va se retrouver avec des stocks à ne plus savoir quoi en faire… typiquement français, faire n’importe quoi… lamentable…

à écrit le 16/04/2024 à 6:28
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Bonjour, bon se n'est pas pas tout de produire un millions de pompes a chaleur, ils faut ensuite les vendre et les installer correctement... Des critères a prendre en compte...

à écrit le 16/04/2024 à 5:05
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Vive la France championne du monde de pompes à fric subventionnées...

à écrit le 15/04/2024 à 20:32
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Les fluides frigorigènes utilisés sont-ils sans effet ni sur la couche d'ozone qui se soigne petit à petit ni sur l'effet de serre ? Même si c'est plus cher (hélas) il vaudrait mieux partir sur du durable, en cas de fuite (ça peut arriver, c'est 'fra...

le 16/04/2024 à 8:40
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il y a sans doute un projet de contrôle technique annuel d'un montant de 200 euros (obligation d'une garantie "fluides frigorigènes") pratiqué par un professionnel "agréé" (c'est déjà le cas pour le gaz, mais il ne faudrait pas que les bonnes habitud...

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