G7 : une prime aux labos pour lutter contre les antibiotiques inefficaces ?

Le Premier ministre britannique David Cameron propose de récompenser les laboratoires pharmaceutiques sortant des traitements innovants pour remplacer les antibiotiques de moins en moins efficaces contre les infections causées par les bactéries. La résistance aux antibiotiques pourrait coûter 100.000 milliards de dollars à l'économie mondiale d'ici à 2050, selon un rapport britannique.
Jean-Yves Paillé
La résistance aux antibiotiques pourrait tuer 10 millions de personnes par an à l'horizon 2050.

Au G7, au Japon, les chefs d'Etat, ont avant tout parlé de croissance économique. Mais la santé figurait parmi les principaux sujets évoqués. Outre l'appel prévu par François Holllande pour réguler le prix des médicaments, le Premier ministre britannique David Cameron a fait un plaidoyer pour dénoncer la surconsommation d'antibiotiques et les risques qu'elle implique. Il a invité les grandes puissances à agir plus pour limiter le recours aux antibiotiques.

"Dans de trop nombreux cas, les antibiotiques ont cessé de fonctionner, ce qui signifie que des gens meurent de simples infections ou de maladies telles que la tuberculose, le tétanos, la septicémie, des affections qui ne devraient pas être mortelles", a déclaré David Cameron lors d'une conférence de presse organisée vendredi 27 mai.

"Si nous ne faisons rien, ce pourrait être la fin de la médecine moderne telle que nous la connaissons", a-t-il alerté.

Une déclaration qui faisait écho quelques heures plus tôt à une annonce inquiétante: celle de la découverte d'une souche de la bactérie E.Coli comme étant le premier cas d'infection résistante à tous les antibiotiques connus...

Les industries pharmaceutiques appelées à l'aide...

David Cameron réclame des mesures pour réduire la consommation des antibiotiques dans la population, et a lui-même lancé un plan au Royaume-Uni pour diminuer de 7,3% par an le nombre de prescriptions contre les infections causées par les bactéries, comme le rappelle Le Guardian. En outre, l'organisme de santé publique britannique (NHS) récompense les habitants qui réduisent de 1% leur consommation à hauteur de 5 livres.

Mais David Cameron propose également de récompenser les laboratoires pharmaceutiques qui cherchent des moyens pour lutter contre les bactéries résistantes, rapporte Reuters.

Ce dernier se base sur un rapport commandé par le gouvernement rendu public la semaine dernière. Il propose que tout fabriquant de médicaments développant de nouveaux  traitements efficaces pour remplacer les antibiotiques inefficaces pourraient recevoir une récompense pouvant atteindre un milliard de livres (1,3 milliards d'euros), s'ils fonctionnent contre des agents pathogènes résistants et pour des situations d'urgence.

... mais accusés d'être en partie responsable

"Nous avons besoin de nouveaux médicaments pour remplacer ceux qui ne fonctionnent pas à cause de la résistance. Nous n'avons pas vu une vraie nouvelle classe d'antibiotiques depuis des décennies", ajoute le rapport britannique. Une critique à peine masquée du manque d'innovation des industries pharmaceutiques dans ce domaine...

En outre, si la surconsommation et la mauvaise utilisation favorisent la résistance des "super-bactéries", d'autres phénomènes entrent en compte. En juin 2015, une étude de l'organisation des consommateurs SumOfUs dénonçait le lien entre les grandes entreprises pharmaceutiques occidentales et certains producteurs chinois de médicaments, qui déversent leurs déchets actifs dans la nature environnante. Car cela crée de nouvelles générations d'organismes plus résistants aux antibiotiques. Dans le détail, ces résistances peuvent survenir via une mutation génétique affectant le chromosome de la bactérie, permettant à cette dernière de contourner l'effet délétère de l'antibiotique, souligne l'Inserm.

Or ces "superbactéries" peuvent se disséminer rapidement dans le monde entier, à l'intérieur du corps humain. Elles peuvent aussi être transmises par le contact, via l'eau, les cultures et les produits animaux, précise l'enquête. Et grâce aux moyens de transport modernes, elles parcourent ainsi de très grandes distances, se diffusant massivement.

Une urgence économique

La résistance aux antibiotiques pourrait tuer 10 millions de personnes par an à l'horizon 2050, soit une toutes les trois secondes, et ainsi faire plus de morts que le cancer, selon le rapport britannique.Celui-ci rapporte en outre que plus d'un demi-million de personnes sont mortes à cause d'une infection liée à la résistance aux antibiotiques depuis la mi-2014.

Et le coût économique mondial serait énorme, si aucune action concrète forte n'est menée contre la résistance des  "super-bactéries": il est estimé à 100.000 milliards de dollars d'ici à 2050.

Jean-Yves Paillé

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Commentaires 2
à écrit le 30/05/2016 à 23:51
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Escherichia Coli est une bactérie généralement inoffensive, résistante et abondante dans le colon donc dans les excréments. Mais ses gènes sont aisément manipulables, et quelques mutations accidentelles rares ou industrielles sont redoutables. Les...

à écrit le 28/05/2016 à 23:00
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Ou comment prendre le problème à l'envers. La seule solution est de restreindre drastiquement l'accès aux antibiotiques, afin de les utiliser à bon escient. cela signifie qu'il faut faire des tests systématiques avant usage, le marché est là. ...

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