Acier : les activités de sidérurgie de l’allemand Thyssenkrupp en partie rachetées par le milliardaire Daniel Kretinsky

L'aciériste allemand Thyssenkrupp a annoncé ce vendredi la vente de 20% de ses activités sidérurgiques au groupe du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. Des discussions sont d’ailleurs encore en cours, qui pourraient permettre à ce dernier de même monter prochainement à 50% du capital.
Avec cette opération, Thyssenkrupp a pour objectif d'éviter des « licenciements économiques » dans son activité sidérurgie.
Avec cette opération, Thyssenkrupp a pour objectif d'éviter des « licenciements économiques » dans son activité sidérurgie. (Crédits : WOLFGANG RATTAY)

[Article publié le vendredi 26 avril 2024 à 11h37 et mis à jour à 16h30] En difficulté depuis des années, Thyssenkrupp, premier producteur d'acier allemand, va vendre 20% de ses activités sidérurgiques à la holding du milliardaire Daniel Kretinsky, EPCG, comme annoncé ce vendredi. Les deux entreprises discutent en outre de l'acquisition de 30% supplémentaires, ce qui pourrait permettre au milliardaire tchèque de monter à 50% du capital de l'aciériste. L'objectif serait alors de constituer une coentreprise à parts égales à 50/50 entre les deux partenaires. Le prix de la transaction n'a toutefois pas été révélé.

Avec cette opération, le patron du groupe, Miguel Lopez, indique avoir pour objectif d'éviter des « licenciements économiques » dans l'activité. Il espère également qu'elle ramènera la division acier vers « l'autonomie » et « le succès ». Thyssenkrupp emploie actuellement environ 27.000 personnes.

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La sidérurgie dans le mal

L'activité sidérurgique de ThyssenKrupp fait face à des difficultés depuis des années, liées à la surproduction mondiale d'acier et à des coûts trop élevés par rapport à la concurrence, notamment chinoise. Cette branche a enregistré une perte d'exploitation de 143 millions d'euros, au cours du premier trimestre de son exercice décalé 2023/2024 (entre octobre et décembre), contre un bénéfice de 90 millions l'an dernier, selon des chiffres présentés mi-février.

Face à ces difficultés, le groupe mise sur une montée en gamme de cette branche, avec un développement de l'acier propre, produit à base d'hydrogène issu d'énergies renouvelables. L'entreprise a besoin d'investissements massifs pour engager cette transition et cherchait donc un partenaire disposant des ressources financières nécessaires pour mener à bien ce projet. Ce qui explique cette transaction avec la holding de Daniel Kretinsky - qui a en outre repris officiellement les rênes de Casino en France et envisage désormais de mettre la main sur opérateur postal britannique Royal Mail. Précédemment, le groupe allemand avait tenté de rendre indépendante cette activité des autres. Il était notamment entré en négociations en ce sens en 2021 avec le britannique Liberty Steel - en vain.

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Réduction de production et d'effectif à venir

En outre, Thyssenkrupp subit, depuis plusieurs mois, pêle-mêle la hausse des coûts de l'énergie, le niveau record des taux d'intérêt et la forte baisse des prix de certains matériaux qu'il vend, sur fond de faible demande de l'industrie européenne en crise. À cela s'ajoutent « les difficultés de l'environnement de marché, marqué par les tensions géopolitiques et commerciales », pour une entreprise dépendante des exportations. Si bien que, sur son premier trimestre décalé, l'entreprise a connu une perte nette part du groupe de 314 millions d'euros, contre un bénéfice de 75 millions d'euros l'an dernier à la même période. Elle a également vu son chiffre d'affaires fortement décliner, chutant de 9% à 8,2 milliards d'euros.

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Dans ce contexte, l'aciériste a annoncé mi-avril qu'il allait réduire sa capacité de production et supprimer des emplois sur son site historique de Duisbourg, dans l'ouest de l'Allemagne. Il n'a toutefois pas précisé le nombre de postes concernés. Une décision d'autant plus mal acceptée par les syndicats que l'entreprise avait déjà supprimé près de 4.000 postes dans le cadre d'un précédent plan de restructuration annoncé en 2020, en pleine pandémie de coronavirus, ce qui représentait à l'époque plus de 10% de ses effectifs.

Toute une industrie à la peine

Avec cette acquisition, Daniel Kretinsky, déjà très présent dans le secteur énergétique, a dit vouloir apporter « une contribution importante à la décarbonisation de l'industrie sidérurgique », selon le communiqué. EPCG compte donc s'immiscer dans « la formulation et la mise en œuvre de la stratégie » de ThyssenKrupp Steel, a expliqué Jiri Novacek, membre du directoire du holding.

Thyssenkrupp n'est pas le seul groupe en difficulté en cette période. En raison notamment de la transition énergétique, c'est l'ensemble de la vieille industrie européenne de l'acier qui traverse des difficultés. Car il s'agit de l'une des industries qui contribue le plus fortement au réchauffement climatique.

Ce métal est responsable de près de 8% des émissions mondiales de CO2 en raison de l'utilisation du charbon : chaque tonne d'acier produite dans un haut fourneau traditionnel émet près de 2 tonnes de CO2. Il faut donc rénover les usines existantes. Or, beaucoup ont été mal entretenues ces dernières décennies et les coûts sont donc exorbitants. Les sidérurgistes sont pour cela aidés par l'Union européenne, qui a déjà annoncé 9 milliards d'euros d'aides publiques pour financer la décarbonation et la modernisation de cette industrie.

À côté de la restructuration de la vieille sidérurgie, au moins cinq usines d'acier plus vert totalement neuves sont annoncées dans les prochaines années : trois en Scandinavie, une en France et une en Espagne. « Leur financement est assuré, les technologies sont prouvées, ce qui fait que les usines sidérurgiques les plus anciennes et les plus fragiles en Europe vont probablement être contraintes de fermer », estimait fin février Marcel Genet, expert en sidérurgie et fondateur de la société Laplace Conseil. Le bout de la crise est donc encore loin.

(Avec AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 26/04/2024 à 12:52
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Kretinsky a racheté (pas cher) aux européens (dont Allemagne, France...) les vieilles centrales à charbon et au gaz. C'est malin. La crise lui a bien profité. Les fossiles ont bel avenir. Monsieur K. pollue a lui tout seul autant que le Danemark (par...

à écrit le 26/04/2024 à 12:08
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L'UE va tellement bien, l'économie est tellement en forme qu'un milliardaire tchèque peut tranquillement faire ses emplettes en France et en Allemagne... LOL ! ^^

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