Transport aérien : l'accord qui va ouvrir un boulevard aux low-cost vers l'Asie

L'Union européenne et l'Association des nations de l'Asie du sud-est (Asean) négocient un accord de ciel ouvert qui devrait être signé en 2018. S'il peut permettre aux compagnies classiques européennes et asiatiques de lutter contre les compagnies du Golfe, il risque aussi d'ouvrir une voie royale aux compagnies low-cost long-courriers, tant européennes qu'asiatiques.
Fabrice Gliszczynski
Si l'accord ne prévoit pas d'inclure la Norvège, comme c'est le cas dans celui en vigueur entre l'Union européenne et les Etats-Unis, Norwegian dispose d'une filiale européenne en Irlande, Norwegian International (NAI), qui aura le droit de desservir les pays de l'ASEAN au départ de l'Union européenne.

Les négociations ne sont pas achevées. Mais lorsqu'elles le seront, la desserte aérienne entre l'Europe et l'Asie du sud-est, chamboulée depuis plus de dix ans par la puissance des compagnies du Golfe, risque d'être à nouveau bouleversée au cours des prochaines années. Depuis plus d'un an, la Commission européenne et l'Association des nations de l'Asie du sud-est (Asean), composée de l'Indonésie, des Philippines, de Singapour, de la Malaisie, de la Thaïlande, du Brunei, du Vietnam, du Laos, de la Birmanie et du Cambodge, négocient en effet les termes d'un accord aérien entre les deux espaces économiques.

Accord en vue en 2018

Celui-ci est bien engagé puisque, après quatre rounds de négociations, il pourrait être finalisé l'an prochain, alors que les deux parties ont caressé, un temps, l'ambition de toper dès 2017, pour le 40e anniversaire de leur coopération. Ces négociations entre deux blocs de pays constituent une première dans l'histoire du transport aérien.

L'objectif est de signer un accord de ciel ouvert portant uniquement sur les « quatre premières libertés de l'air », à savoir celles qui permettent à une compagnie de débarquer et d'embarquer des passagers dans un pays tiers, sans inclure les droits de 5e liberté (autorisation pour une compagnie d'un pays tiers d'assurer des vols entre deux pays tiers) comme c'est le cas dans l'accord de ciel ouvert entre l'Union européenne et les États-Unis. L'idée derrière est de créer un marché global entre ces deux blocs de pays sans plafond sur le nombre de liaisons.

| Lire ici : Les libertés de l'air, kézako?

Pour autant, dans la mesure où ces deux espaces géographiques sont aux antipodes dans la mise en place d'un marché intérieur avec, du côté européen, un schéma abouti tandis qu'il n'en est qu'à ses prémices dans l'ASEAN, les compagnies aériennes n'auront pas les mêmes possibilités, selon qu'elles soient européennes ou asiatiques. Au moins dans un premier temps.

Air France, par exemple, pourra desservir n'importe quelle destination dans l'ASEAN au départ de n'importe quel point européen. En revanche, Singapore Airlines ne pourrait desservir l'Union européenne qu'au départ de Singapour. Pour autant, des clauses permettant aux compagnies asiatiques de décoller d'un autre pays de l'ASEAN ultérieurement devraient figurer dans l'accord.

Lutte contre les compagnies du Golfe

Il y a plusieurs grilles de lecture de cet accord. D'une manière générale, il peut être un moyen pour les compagnies européennes et asiatiques de regagner des parts de marché sur les compagnies du Golfe comme Emirates, Etihad Airways, Qatar Airways, mais aussi Turkish Airlines, lesquelles, depuis une dizaine d'années, ont capté une part significative de ce marché via leur hub au Moyen-Orient.

«Améliorer les liaisons bilatérales entre les pays européens et de l'ASEAN est l'une des façons d'éviter que les trafics partent dans le Golfe », explique un connaisseur du dossier. Ce qui est vrai.

Concurrence des low-cost long-courriers

Néanmoins, cet accord n'est pas non plus une aussi bonne nouvelle que cela pour les grandes Majors européennes. Car il va également accentuer la concurrence bilatérale.
En effet, un tel accord permet aussi d'ouvrir un boulevard aux compagnies low-cost long-courriers européennes, comme Eurowings (Lufthansa), Level (filiale de IAG), French Blue, XL Airways, ou encore Norwegian. Car si l'accord ne prévoit pas d'inclure la Norvège, comme c'est le cas dans celui en vigueur entre l'Union européenne et les États-Unis, Norwegian dispose d'une filiale européenne en Irlande, Norwegian International (NAI), qui aura le droit de desservir les pays de l'ASEAN au départ de l'Union européenne.

Ce point n'est pas neutre pour Air France et sa nouvelle filiale long-courrier Joon, dont la vocation première est de répondre aux compagnies du Golfe. Elle risque à terme de devoir non seulement se frotter aux transporteurs du Moyen-Orient mais aussi à certaines low-cost européennes, voire, demain, à une offre densifiée des compagnies asiatiques, non seulement classiques, mais aussi low-cost, comme Asia ou Scoot (la filiale low-cost long-courrier de Singapore Airlines).

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 4
à écrit le 12/10/2017 à 15:53
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Le "low cost" (de l'instrument de travail...) longs courriers est une illusion. Hormis les subventions locales, la différence entre historiques et low cost résulte de la maximisation de l'emploi des machines; ainsi que des "économies" (on va dire...)...

à écrit le 12/10/2017 à 14:45
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L'Asean ne couvre ni la Chine, ni l'Inde, ni le Pakistan, etc....donc une petite partie de l'Asie.

à écrit le 12/10/2017 à 11:30
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"Norwegian dispose d'une filiale européenne en Irlande,". La messe est dite, il suffira pour une compagnie d'avoir une filiale en Irlande et bénéficier de cet accord. De quoi une nouvelle fois désespérer de l'UE.

le 12/10/2017 à 14:05
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Vous travaillez dans le transport aérien ? En attendant le low cost a permit de démocratiser l'avion (et ça, ça n'a jamais sembler la priorité d'Air France). Pour comprendre ce qui arrive, Pompidou avait tout résumé en 1"30 là https://www.youtube.c...

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