Pourquoi les assurtech ne connaissent pas la crise

Les néoassureurs ont multiplié les levées de fonds ces derniers mois profitant de la vague du numérique. Le secteur a ainsi engrangé 600 millions d’euros l’an dernier en Europe, un montant certes inférieur à 2019, faute de « mégas deals », mais le nombre de transactions ne cesse d’augmenter. Une preuve du dynamisme dont font preuve les assutech et de l’attrait des investisseurs.
Les assurtech ont levé 600 millions d'euros en Europe en 2020, contre 800 millions l'année précédente.
Les assurtech ont levé 600 millions d'euros en Europe en 2020, contre 800 millions l'année précédente. (Crédits : Astorya.io)

Ca bouge dans le monde de l'assurance. En deux mois, les levées de fonds se sont multipliées en France. En décembre, Luko réalise une levée record de 50 millions d'euros et, en janvier, coup sur coup, Lovys et Leocare, ont annoncé des augmentations de capital, respectivement de 17 et 15 millions d'euros.

Autant d'opérations emblématiques du secteur de l'assurtech en Europe. "Les plus importantes levées de fonds sont réalisées dans la distribution B2C, qui concentre d'ailleurs environ 60 % des investissements depuis 2015. C'est également un secteur où nous observons une concentration du marché, avec quelques gros acteurs qui émergent, comme Luko", constate Florian Graillot, président du fonds AstoryaVC, spécialisé dans les financements d'amorçage dans l'assurtech.

Le cap des 100.000 clients

Si quelques champions commencent à émerger, la croissance et la concentration du secteur n'en sont qu'à leurs prémisses. Quand Luko (assurance habitation) affiche déjà 100.000 clients, les portefeuilles clients de Lovys ou Leocare peuvent paraître modestes, autour de 20.000 assurés, sur les segments de l'assurance dommages grand public.

Pourtant, les ambitions de conquête sont fortes. « Nous souhaitons créer une assurtech qui vise, non pas une niche de marché, mais une cible large. Nous avons commencé par apporter aux jeunes générations connectées une assurance « tout en un » flexible, transparente et entièrement en ligne. On se rend désormais compte que les générations précédentes sont elles aussi en recherche de ce modèle et demandeurs d'une offre étendue de produits en une seule interface», explique ainsi Jao Cardoso, CEO et fondateur de Lovys.

La startup prévoit ainsi d'accélérer son développement à l'international et de renforcer son expérience client avec un objectif d'atteindre 100.000 clients d'ici un an.

« Nous sentons bien que les choses bougent assez vite dans l'assurance et nous voulons profiter de ce moment alors que de nombreux assureurs traditionnels se sont peut-être un peu trop éloignés de leurs clients », estime Jao Cordoso.

Le créneau porteur des entreprises

De son côté, Leocare vise à terme 220.000 assurés d'ici la fin 2022 avec son concept d'assurance multi-équipement (auto, habitation, smartphone) qui sera prochainement étoffée de nouvelles couvertures (vélos) ou services (prévention des accidents). La jeune pousse mise également sur l'expérience client et l'automatisation de la gestion des sinistres pour faire la différence.

Les assurtech dédiées aux TPE/PME ne sont pas en reste. La plus connue, Alan, spécialisée dans l'assurance santé collective, revendique 140.000 assurés pour 8.300 clients professionnels. « Il n'existe pas une startup qui n'a pas un contrat chez Alan ! », s'amuse un dirigeant d'une importante fintech.

Cette startup, l'une des deux seules assurtech en France qui dispose d'un agrément; tout en se présentant comme une société de technologie qui vend de l'assurance, a réussi à percer sur ce marché en proposant aux petites entreprises des solutions simples de couverture santé, mais pas forcément les moins chères, avec un processus de souscription en quelques clics. Son « logiciel RH » commence même à séduire des entreprises de plus grande taille, dont « deux de plus de 5.000 salariés », souligne l'un des cofondateurs, Jean-Charles Samuelian.

Tous ces néoassureurs commencent donc à s'affirmer dans un secteur pourtant réputé hermétique à la disruption. Et la crise du Covid a souligné à la fois un nouveau besoin de flexibilité et de service digital chez les assurés mais aussi les insuffisances dans ces domaines des assureurs traditionnels, sur le parcours client, la lisibilité des contrats ou les services numériques. Avec des applications mobiles ergonomiques, les assurés se sentent également plus en confiance dans la gestion de leur assurance.

75 opérations de financement en 2020

Ce mouvement touche évidemment toute l'Europe. L'an dernier, les assurtech ont levé environ 600 millions d'euros en Europe, selon les données compilées par AstoryaVC. Ce montant est certes inférieur aux 800 millions d'euros de l'année précédente mais ce recul est davantage la conséquence de l'absence de mégas deals qui ont caractérisé 2019, notamment en Allemagne (Wefox avait levé 221 millions d'euros), qu'à la crise du Covid. L'an dernier, il y a eu finalement plus de transactions (75 levées contre 55 en 2019) et les huit principales levées ont concentré la moitié des financements.

Cette augmentation du nombre d'opérations laisse espérer un "pipe" prometteur pour les années à venir.

"Sur la base des investissements en amorçage ou de série A, nous pouvons distinguer trois tendances qui émergent : tout d'abord, les assurtech spécialisées dans les TPE/PME qui devront lever de nouveaux fonds cette année, ensuite, l'assurance paramétrique commence vraiment à se développer avec de nombreuses applications et, enfin, l'assurance "embarquée" dans les parcours d'achat en ligne devrait profiter du boom de l'e-commerce", observe Florian Graillot.

L'avenir sera surtout celui de la concentration, avec de prochaines levées de fonds importantes en série C, attendues en 2021 et 2022, selon le cycle traditionnel du capital risque. Et peut être de la réponse des acteurs traditionnels face à cette offensive qui bouscule les habitudes. « L'open banking était une demande du régulateur, mais dans l'assurance, c'est une demande du marché », conclut un observateur du marché

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