
Christel Heydemann l'a répété : le plan stratégique d'Orange qu'elle a présenté ce jeudi pour la période 2023-2025 « n'est pas un recentrage ». Difficile, cependant, de le qualifier autrement ! La patronne de l'opérateur historique n'a d'ailleurs pas attendu l'événement du jour pour se séparer de certaines branches trop éloignées de son cœur de métier. En témoignent la vente d'OCS à Canal+, l'arrêt de son service Maison Connectée, ou encore les réflexions sur l'avenir d'Orange Bank, dont une cession ne surprendrait, à vrai dire, personne. Après avoir tenté de se diversifier avec des fortunes diverses ces dernières années, Orange, sous la houlette de Christel Heydemann, veut concentrer toutes ses forces à son métier de base, celui de fournir de la connectivité.
La directrice générale veut d'abord tirer profit de « la position de leader » du numéro un français des télécoms dans la fibre optique. Sur ce front, nul doute qu'Orange a un coup d'avance. En France, de loin le premier marché de l'opérateur, les trois quarts des locaux sont raccordables à cette technologie. « Aujourd'hui, la pénétration de la fibre y est de 58% », a rappelé Christel Heydemann. Orange est, en outre, aussi un cador de la fibre en Espagne ou en Pologne. Au total, l'opérateur dispose de 46 millions de prises fibre sur le Vieux Continent. Il se situe très loin devant tous les autres opérateurs historiques comme BT, Deutsche Telekom ou Telecom Italia.
« Une discipline sur les coûts »
Grâce à ce réseau d'avenir, Orange veut devenir « une référence en expérience client », avec « des offres enrichies », à grands renfort de données et d'intelligence artificielle. L'objectif est de fournir une connectivité de plus grande qualité, et de satisfaire les desiderata de clients beaucoup plus exigeants. Avec l'essor du télétravail depuis la crise du Covid-19, beaucoup ne tolèrent plus le moindre problème avec leur connexion Internet. Cette qualité accrue, Orange entend la monétiser via des hausses de prix en France et dans tous ses pays. « Les gens sont prêts à payer plus », a affirmé Christel Heydemann. Ces augmentations sont aussi essentielles, juge-t-elle, pour faire face à l'inflation galopante et à la hausse des prix de l'énergie. « Les hausses de prix nous permettront de compenser à 70% l'impact de l'inflation », a précisé la dirigeante.
Dans ce contexte économique, Orange va continuer à mener « une discipline sur les coûts », a indiqué Christel Heydemann. L'opérateur a déjà économisé 700 millions d'euros entre 2019 et 2022. Il compte poursuivre sur cette voie, en économisant « 600 millions d'euros supplémentaires sur une base de coûts de 11,8 milliards d'euros » d'ici à 2025, détaille la directrice générale. Orange profitera également de la baisse de ses investissements dans la fibre, qui a débuté en 2022.
Baisse des recettes sur le marché de gros
Si Orange se montre confiant quant à la monétisation de la fibre, l'opérateur est confronté à un problème avec son vieux réseau de cuivre dans l'Hexagone. Orange est seul propriétaire de cette infrastructure, qu'il loue aux autres opérateurs, et dont la fermeture complète est prévue pour 2030. L'ennui, c'est que les revenus d'Orange sur le marché de gros dégringolent à mesure que les clients passent de l'ADSL à la fibre. « Nous anticipons une baisse des recettes de 1 milliard d'euros entre 2022 et 2025 », a indiqué Christel Heydemann.
Pour limiter ses pertes sur le réseau cuivre, qui coûte de plus en plus cher à entretenir, Orange a entamé un bras de fer avec l'Arcep, le régulateur des télécoms. L'opérateur réclame notamment une hausse du tarif du dégroupage - c'est-à-dire le prix payé à la ligne par les SFR, Bouygues Telecom et Free pour utiliser cette infrastructure. Dans son plan stratégique, Christel Heydemann anticipe une hausse de ce prix « de 2 euros ». Mais rappelons que, pour l'heure, l'Arcep, dont les relations avec Orange se sont profondément détériorées, n'a encore rien décidé...
Dans son plan stratégique, Orange réaffirme sa volonté de poursuivre le déploiement des réseaux, qu'il s'agisse de la fibre, de la 4G ou de la nouvelle 5G. L'opérateur compte mieux valoriser ses infrastructures Internet fixe et mobiles. En 2021, Orange a déjà lancé Totem, une TowerCo rassemblant 26.000 tours de réseaux mobiles en France et en Espagne. Son objectif: louer l'accès à ses pylônes à d'autres opérateurs désireux d'y installer leurs antennes. Totem a déjà noué des deals avec Free en France ou Telefonica en Espagne. Son état-major espère bien convaincre d'autres opérateurs pour doper ses revenus.
Totem a aussi vocation à participer à une probable consolidation du marché des tours télécoms à l'échelle européenne. Mais Christel Heydemann a fixé une ligne rouge : hors de question de céder le contrôle de sa TowerCo ou de sa FiberCo « Orange Concessions », qui rassemble des réseaux de fibre dans les campagnes. « Nous voulons garder la maîtrise de ces infrastructures critiques », a insisté la dirigeante.
La grande restructuration d'OBS
L'autre grand chantier d'Orange, c'est Orange Business Services (OBS). Cette branche de l'opérateur qui sert les entreprises souffre énormément dans le sillage d'un profond changement des usages, avec une dégringolade de la fourniture de téléphonie fixe et de réseaux privés. OBS, qui s'appellera désormais Orange Business, fera l'objet d'une profonde restructuration, et d'un « important » plan de réduction des coûts, avec l'objectif d'un retour à la croissance et à la rentabilité « au plus tard en 2025 ». Christel Heydemann veut transformer cette division en un « intégrateur », capable de proposer toute la palette des service de communication et de sécurité aux professionnels.
La dirigeante croît beaucoup dans la cybersécurité. Ce secteur est en plein essor dans le sillage de la numérisation des entreprises, lesquelles essuient de plus en plus de cyberattaques. « Il s'agit d'une activité clé pour la croissance d'Orange », a déclaré Christel Heydemann en novembre dernier, lors de la visite d'un centre d'Orange Cyberdefense, sa filiale dédiée à la cybersécurité, à Lyon. Aujourd'hui, cette branche, qui a des ramifications dans toute l'Europe, génère environ 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires. Orange souhaite passer la barre des 1,3 milliard d'euros d'ici à 2025.
Enfin, Orange veut renforcer sa position en Afrique, continent devenu une véritable locomotive de la croissance du groupe. En 2022, les ventes des 18 pays africains dans lesquels l'opérateur est présent ont progressé de 6,4%, à 7 milliards d'euros. Sur la même période, la France a vu son chiffre d'affaires baisser de 1,1%, à 18 milliards d'euros. Orange compte « atteindre une croissance moyenne des ventes de 7% par an pour ses activités africaines » jusqu'en 2025.
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