La fintech des « pros » bunq se hisse parmi les néobanques les plus rentables

L'entreprise néerlandaise, spécialisée sur les professionnels nomades, se revendique comme la deuxième néobanque la plus rentable d’Europe, avec 11 millions de clients et 7 milliards d’euros de dépôts. Disposant d’une licence bancaire en Europe, bunq souhaite revenir sur le marché britannique et est dans l’attente d’une licence aux Etats-Unis. Ces chiffres montrent que le modèle peut être rentable alors que certaines banques cherchent à vendre leurs fintech faute de rentabilité suffisante. En France, la fintech Shine, un des pionniers sur le segment des professionnels, serait à vendre, quatre ans après avoir été rachetée par Société Générale.
Le fondateur et PDG de bunq, Ali Niknam, souhaite revenir sur le marché britannique et  se lancer sur le marché nord-américain.
Le fondateur et PDG de bunq, Ali Niknam, souhaite revenir sur le marché britannique et se lancer sur le marché nord-américain. (Crédits : DR)

Depuis l'éclosion de la fintech jusqu'à la décision de plusieurs acteurs, comme l'opérateur télécom Orange ou La Banque Postale, d'arrêter les frais sur le développement de leurs banques en ligne, les néobanques ont toujours été confrontées à l'idée qu'elles ne seraient jamais rentables. En cause, un modèle économique fondé sur une quasi gratuité des services de base et une offre finalement limitée.

Plusieurs exemples viennent cependant contredire cette fatalité. En France, Fortuneo (Crédit mutuel Arkéa) a toujours privilégié la rentabilité à la croissance et, sur un modèle de distribution atypique, Nickel, qui va bientôt fêter son dixième anniversaire, revendique une profitabilité depuis 2018 sur le marché français. Au royaume des fintechs, en Grande-Bretagne, la néobanque Starling est profitable depuis 2022.

Levée de fonds en juillet 2023

Enfin, sur le terrain des néobanques transfrontières, la britannique Revolut a annoncé son deuxième exercice dans le vert, avec un résultat net de 5,8 millions de livres sterling (6,8 millions d'euros) en 2022, pour un chiffre d'affaires de plus de 900 millions de livres. C'est moins que l'année précédente mais il est rare qu'une néobanque affiche deux exercices profitables consécutifs.

Aujourd'hui, c'est au tour de la fintech néerlandaise bunq d'annoncer pour la première fois depuis sa création en 2012 un résultat net de 53,1 millions d'euros, ce qui fait d'elle, la deuxième néobanque la plus profitable en Europe, après Starling, et l'une parmi les 4% des néobanques qui sont rentables dans le monde (sur 400 au total).

La fintech avait bouclé, malgré l'opposition de l'un de ses actionnaires, en juillet dernier, une levée de fonds de 44,5 millions d'euros en maintenant sa valorisation autour de 1,6 milliard d'euros (32 fois son résultat). Une prouesse compte tenu d'un contexte difficile pour les levées de fonds alors que les valorisations des fintechs se sont écroulées avec la monté des taux.

 Expansion internationale

 bunq qui se positionne comme une banque - titulaire d'une licence bancaire en Europe - pour les travailleurs indépendants ou les petites entreprises nomades - profite de sa forte croissance, avec désormais plus de 11 millions de clients et surtout quelque 7 milliards d'euros de dépôts (600 euros en moyenne par client), un montant multiplié par quatre en un an. Or, ces dépôts sont désormais rémunérés à 4 % par la Banque centrale européenne Une manne que bunq compte bien utiliser pour poursuivre son expansion internationale.

La néobanque prévoit en effet de revenir au Royaume-Uni et a déposé une demande d'agrément d'établissement de monnaie électronique alors qu'elle a déjà des clients britanniques acquis avant le Brexit. Elle devra faire face à une autorité de régulation, the Financial Conduct Authority (FCA), devenue beaucoup plus tatillonne vis-à-vis des fintechs. Ainsi, Revolut, l'un des plus grosses fintechs britanniques attend toujours son sésame bancaire au Royaume-Uni !

« Le Royaume-Uni abrite le deuxième plus grand nombre de nomades numériques au monde, il est essentiel pour nous d'y être présent », déclare Ali Niknam, fondateur et PDG de bunq. La néobanque a également déposé une demande de licence bancaire de plein exercice aux Etats-Unis.

Le pari de l'IA

Outre être rentable, bunq affirme également la première banque d'Europe à utiliser pour ses clients une plateforme d'intelligence artificielle (IA) générative, baptisée Finn. Depuis son lancement l'an dernier, ce « chatbot » amélioré aurait déjà répondu à près de 500.000 questions sur le budget ou les transactions, le tout en langage naturel. L'étendue de ces questions peut être vaste, comme « quel est le restaurant que je fréquente le plus ? » ou « quel est le montant des intérêts de mon épargne » ou encore « quel est le meilleur restaurant pour un rendez-vous professionnel dans le centre ? ».

Ce pari technologique est parfois semé d'embuches. Au Pays-Bas, la néobanque avait été tancée en 2022 par le régulateur au motif qu'elle exploitait des nouvelles technologies, comme l'apprentissage automatique, pour respecter ses obligations en matière de lutte contre la fraude et le blanchiment ! Il aura fallu un arrêt en appel pour finalement donner raison à bunq qui souhaitait évidemment utiliser des algorithmes plutôt qu'une armée de juristes pour être dans les clous de la conformité.

Un modèle fragile

Reste que derrière des habits Tech, bunq fonctionne comme une banque classique, avec des revenus d'intérêt et des commissions de services. Selon la néobanque, les revenus de commissions ont augmenté de 30 % par rapport à l'année précédente pour atteindre 53,5 millions d'euros. Et les revenus d'intérêts ont augmenté de manière significative pour atteindre plus de 176 millions d'euros au total, selon les chiffres non audités (les chiffres définitifs sont attendus d'ici juin).

Dans une banque comme Revolut, les revenus d'intérêt représentent environ la moitié du chiffre d'affaires, ce qui finalement ressemble fort à la structure de revenus d'une banque de réseau. La profitabilité de ces acteurs montre donc que la disruption est possible.

Mais elle reste fragile pour beaucoup d'acteurs, y compris sur le segment de marché des professionnels et des travailleurs indépendants. Selon Les Echos, Société générale envisagerait même de se séparer de sa filiale Shine, qui revendique pourtant 150.000 clients (mais combien de clients actifs ?), acquise au prix fort en 2020, et dans laquelle la banque aurait investi quelque 100 millions d'euros.

Cessions en France

Des rumeurs prêtent la même attention à Orange Bank pour sa filiale Anytime (une carte prépayée réservée aux professionnels), ce qui serait logique sachant qu'Orange Bank est en voie d'extinction avec reprise du portefeuille client par BNP Paribas (Hello Bank !). Sans doute que les clients d'Anytime seront également orientés vers Hello Bank ! qui a développé, avec un certain succès, une offre pour « les pros ». A l'inverse, Crédit Agricole a réussi à développer, « à bas bruit », sa filiale Blank, développée en interne pour « les pros » et les indépendants , et qui aurait désormais 40.000 clients actifs, en s'appuyant sur les réseaux Crédit Agricole et LCL.

Pour Shine, la partie s'annonce plus serrée, si l'information des Echos devait se confirmer. « Il sera très difficile de céder Shine dans de bonnes conditions. La majorité des banques françaises sont plutôt dans une démarche de vendre leurs activités dans les fintechs. Mais le fonds de commerce pourrait cependant intéresser un pure player ou un acteur étranger pour accélérer son développement à l'international », estime Patrick Amiel, un bon connaisseur de l'écosystème de la fintech, cofondateur du « corporate startup studio 321 », qui a récemment lancé une fintech avec BNP Paribas.

Les décotes peuvent être violentes. A titre d'exemple, sur le marché de l'assurance, le néo-assureur Luko a été bradé 4 millions d'euros en janvier dernier alors que l'assurtech avait été valorisée 250 millions fin 2020 lors de sa dernière levée de fonds de 50 millions d'euros.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.