"En 30 ans, le CAC 40 est devenu un symbole, un concept politique"

L'indice des valeurs vedettes de la Bourse de Paris fête ses 30 ans le 31 décembre 2017. Stéphane Boujnah, le patron d'Euronext, l'opérateur de la Bourse de Paris, de celles de Bruxelles, d'Amsterdam, de Lisbonne et bientôt Dublin, analyse le parcours et l'avenir de cet indice qui reflète les évolutions du capitalisme français.
"Le CAC 40 est devenu progressivement un concept politique qui symbolise le capitalisme financier, un peu comme le Comité des Forges à la fin du XIXème siècle" relève Stéphane Boujnah, le directeur général d'Euronext, l'opérateur de la Bourse de Paris, et de celles de Bruxelles, d'Amsterdam, de Lisbonne et bientôt Dublin.

LA TRIBUNE : Qu'est-ce que la création du CAC 40 a changé pour la Bourse de Paris ?

Stéphane Boujnah : Le lancement officiel du CAC 40 a eu lieu en juin 1988, mais il a été établi avec une base à 1.000 points le 31 décembre 1987. Cet indice est un instrument de mesure de l'évolution du capital des entreprises cotées les plus importantes en France. Le CAC 40 est d'abord un indice, et ce n'est qu'un indice, qui mesure le capital flottant et la liquidité des entreprises qui ont la plus forte capitalisation boursière. Néanmoins, le CAC est progressivement devenu aussi un symbole et une illustration des évolutions du capitalisme français.‎

Sa création est intervenue à une époque où ce type d'indices se constituait dans toutes les grandes places boursières [New York avait le Dow Jones depuis 1896 et Tokyo le Nikkei depuis 1949, ndlr]. Le précurseur en Europe a été l'AEX créé en mars 1983 par la Bourse d'Amsterdam, une des places d'Euronext aujourd'hui. Il a été suivi par le "footsie" FTSE 100 de la Bourse de Londres en 1984, puis le DAX en Allemagne en décembre 1987. La création du CAC 40 à Paris s'inscrivait dans le grand mouvement de modernisation des marchés de capitaux en Europe qui accompagnait la dématéralisation des échanges, avec la fin de la « corbeille ». Il devenait alors naturel que la place de Paris se dote d'un indice suffisamment précis, homogène et performant. C'est ainsi que la gestion indicielle a pu se développer grâce au CAC 40.

Aujourd'hui, 6.000 produits financiers sont associés à l'indice CAC 40. Le volume quotidien d'échanges sur les valeurs de l'indice s'élève à plus de 3 milliards d'euros cette année [la capitalisation boursière de l'indice avoisine les 1.500 milliards d'euros, ndlr].

CAC 40 logo agents de change

[Logo historique du CAC 40. A sa création, l'acronyme signifie Compagnie des agents de change, avant de devenir Cotation assistée en continu. Crédits : musée Euronext]

Comment se porte le trentenaire ?

Le CAC 40 est un indice qui remplit bien sa fonction. Il a été le reflet des évolutions des marchés financiers en France au cours des trente dernières années. Si l'on examine son parcours, le plus haut historique a été atteint en pleine euphorie de la bulle technologique, en septembre 2000, à 6.944 points. Le point le plus bas est arrivé peu après, en mars 2003, à 2.401 points, après l'explosion de cette bulle. L'indice a donc perdu plus de 4.500 points en deux ans et demi. Il a remonté jusqu'en juin 2007, à la veille de la crise des subprimes, à 6.168 points. Ensuite, nous nous souvenons tous ‎de cet étrange été 2007, où se multiplièrent les marqueurs de la montée des périls annonciateurs de la plus grande crise financière depuis la Seconde guerre mondiale. E‎n mars 2009, au plus fort de la crise financière, qui avait entraîné la crise des dettes souveraines, le CAC 40 était retombé à nouveau au plus bas à 2.465 points.

Aujourd'hui, le CAC 40 cote approximativement 5.300 points ; il est très loin de son plus haut et à plus du double de ses niveaux les plus bas. Le niveau actuel du CAC 40 résulte de trois facteurs principaux : la politique monétaire accommodante des banques centrales, le redressement significatif des performances des groupes industriels et commerciaux qui le composent, qui ont tous assaini leur bilan et amélioré leurs marges, et enfin les perspectives macro-économiques favorables en Europe.

CAC 40 depuis création

[Evolution de l'indice CAC 40 depuis décembre 1987. Crédits : Euronext]

Pourquoi le CAC 40 est-il le seul grand indice à ne pas avoir retrouvé ses plus hauts historiques ?

Il faut comparer ce qui est comparable. Le CAC 40 ne mesure que l'évolution des cours de Bourse des sociétés qui le composent. C'est pourquoi, en 1994, a été créé l'indice CAC 40 GR (« gross return », c'est-à-dire mesurant le rendement global pour l'actionnaire), qui intègre le montant des dividendes versés et réinvestis en actions des sociétés qui en sont membres [comme les autres grands indices boursiers mondiaux, ndlr]. Or le CAC 40 GR cote plus du double du CAC 40 classique, à 13.700 points : il n'a jamais été aussi haut. Il est donc opportun d'examiner le CAC 40 GR chaque fois que l'on s'engage dans des comparaisons internationales.

CAC 40 GR dividendes intégrés

[Evolution de l'indice CAC 40 GR intégrant les dividendes versés et réinvestis en actions des sociétés qui en sont membres. Crédits : Euronext]

Peut-on dire que le CAC 40 constitue une sorte de baromètre de l'économie ?

Le CAC 40 a pu jouer ce rôle de baromètre dans les phases extrêmes de notre économie, notamment dans les crises. Mais il est aussi devenu le vecteur de toutes sortes de perceptions collectives et de représentations imaginaires. Le CAC 40 est devenu progressivement un concept politique qui symbolise le capitalisme financier, un peu comme le Comité des Forges à la fin du XIXème siècle. Dans l'imaginaire collectif, le CAC 40 n'est plus un indice, mais c'est l'évocation imaginaire de l'ensemble des dirigeants de grandes entreprises.

Le CAC 40 est aussi une photographie qui montre les évolutions profondes traversées par les entreprises françaises, qu'il s'agisse du remplacement des holdings industrielles par des groupes de services, la transformations d'entreprises très nationales par des groupes mondialisés. C'est aussi le reflet de changements culturels profonds que l'on observe à travers les noms des groupes, la Générale des Eaux est devenue Vivendi, Thomson-CSF est désormais Thales. Presque tous ont changé de nom, parfois aussi à la suite de fusions. Lorsque l'on analyse le CAC 40, on y voit toute l'évolution de l'économie financière française. L'indice porte aussi les traces de grands moments du capitalisme français comme les vagues de privatisation en 1986, 1993 et 1997.

CAC 40 Euronext

[Equipe de surveillance des marchés chez Euronext. Crédits : Euronext]

On reproche d'ailleurs parfois au CAC 40 d'être un club fermé, avec beaucoup d'entreprises centenaires ou plus et aucune de moins trente ans, pourquoi ?

En tout, 12 sociétés n'ont jamais quitté le CAC 40 depuis 1987. Et en trente ans, 94 sont entrées et sorties. Le CAC 40 est une jauge quantitative qui mesure l'importance d'une entreprise selon seulement deux critères, la taille du flottant, c'est-à-dire le capital non contrôlé susceptible de changer de mains, et le volume de liquidité, c'est à dire le montant des échanges moyens.

Si Air Liquide, Danone, L'Oréal, LVMH et Sanofi sont dans le CAC 40 et que d'autres entreprises technologiques, aussi brillantes soient-elles, n'y sont pas, c'est tout simplement parce qu'elles n'ont pas la même taille en termes de capitalisation flottante et de volumes de liquidité. Le CAC 40 n'est qu'une mesure volumétrique. Et à l'évidence, il y a de très belles entreprises commerciales dans notre tissu industriel et de magnifiques succès en dehors du CAC 40.

De même, si les GAFA figurent dans les indices américains, c'est tout simplement parce que Apple, Google, Microsoft, Amazon et Facebook sont de très grandes capitalisations boursières, à la forte liquidité et au large flottant. Mais il y a des entreprises technologiques dans le CAC 40 - comme Atos, Cap Gemini, STMicroelectronics - parce que leur capitalisation, leur flottant et leur liquidité les rapprochent des entreprises plus importantes qui appartiennent à d'autres secteurs.

Comment travaille le mystérieux conseil scientifique chargé de la sélection des valeurs de l'indice ?

Il n'a rien de mystérieux, sa gouvernance est très transparente ! Certes, la liste de personnalités qui le composent est confidentielle pour éviter que ces dernières fassent l'objet de pressions, mais le conseil scientifique des indices travaille sous le regard scrupuleux des régulateurs et superviseurs. Ce conseil scientifique est composé de professeurs, d'analystes financiers, de responsables de recherche, d'investisseurs... Ils effectuent un travail scientifique qui n'a jamais été remis en cause et qui a garanti l'homogénéité de l'indice au fil des années.

En trente ans, les petits porteurs français se sont détournés du CAC 40 et de la Bourse en général, pourquoi ?

Il est vrai qu'il y a eu un reflux des investisseurs particuliers en direct dans les sociétés du CAC 40, au bénéfice de la gestion indirecte. Ce phénomène est dû d'abord à la fiscalité punitive sur la détention en directe d'actions, jusqu'à l'instauration toute récente de la « flat-tax », le prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% sur les revenus du capital. Ce traitement fiscal a longtemps créé une désincitation très forte à acheter des actions en direct. Par ailleurs, les réseaux bancaires ont progressivement réduit les capacités sur les métiers de titres. Enfin, le nombre des opérations de nature à attirer les particuliers s'est tari. Je pense notamment aux privatisations et aux ouvertures de capital, avec des tranches réservées aux particuliers.

Tout ceci sera amené à changer. D'une part, la détention des titres par les salariés a augmenté ; on estime à 3,5 % la part du capital des entreprises du CAC 40 est détenue par des actionnaires. Par ailleurs, l'attractivité fiscale de l'investissement en actions vient d'être rétablie par la nouvelle majorité. Ensuite, du côté de l'offre, des opérations de privatisation et d'ouverture du capital sont attendues dans les mois qui viennent. Enfin, à l'heure de la banque en ligne, les réseaux bancaires réfléchissent à développer de nouveau des lieux physiques de conseil sur les placements en actions pour faire revenir les clients en agence. Pour toutes ces raisons, je suis plutôt optimiste sur la perspective à moyen terme d'une nouvelle vague d'investissements en actions.

CHIFFRES CLES

Capitalisation boursière des valeurs de l'indice CAC 40 : 1.510 milliards d'euros, contre 56,4 milliards à sa création.

Performance depuis 1987 : +1.273%.

Meilleure performance depuis 1987 : L'Oréal +5.148%.

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Commentaires 5
à écrit le 01/01/2018 à 20:56
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C’est un concept politique? ou économique ? Pourquoi la politique doit être une partie intégrante de l’economie? Il ne faut pas mélanger ces 2 éléments , C’est du bon sens.

à écrit le 31/12/2017 à 12:36
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Le CAC 40 n'est en rien le reflet de la santé économique de la France. Les entreprises qui y figurent créent très peu d'emplois dans l'Hexagone parce qu'elles produisent et vendent surtout à l'étranger. Les performances du CAC 40 en 2017 sont tributa...

à écrit le 30/12/2017 à 19:36
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Une représentation fantasmée du capitalisme financier ? euh ..Les patrons du CAC gagnent 70 fois plus que le revenu moyen français . D'après Bloomberg, les grands patrons français gagnent 2,7 millions /an. D'autre part, le taux de détention du capita...

à écrit le 29/12/2017 à 16:04
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cocorico nos capitalistes vont bien, en fin 2017 ?LA FRANCE N A JAMAIS ETE AUSSI MAL NEUF MILLIONS DE PAUVRES /UN CHOMAGE RECCORD EN EUROPES ON MANQUE D USINES ON MANQUE DE BATIMENTS POUR LOGE TOUS LE MONDE? NOS MOYEN DE TRANSPORTs TONBE EN RUINE ? ...

à écrit le 29/12/2017 à 11:40
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Oui bon on a tout simplement copié une énième fois les américains et leur dow jones, rien de bien glorieux à suivre sans arrêt les autres hein. D'un rien les financiers se félicitent en permanence, en effet on est bien dans l'égo démesuré des pol...

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