
Beaucoup de gérants anticipaient une consolidation des marchés actions après la folle envolée de la Bourse depuis l'hiver dernier. C'est donc avec une certaine surprise qu'ils observent les indices boursiers crever de nouveaux plafonds. A Paris, l'indice CAC 40 a ainsi allègrement franchi en séance le seuil (symbolique) des 6.500 points. Une première depuis septembre 2000!
La progression de l'indice frôle les 17 % depuis le début de l'année et même 70 % depuis son point bas de mars 2020, lors du début de la crise sanitaire. Du rarement vu. D'autant, que pour une fois, la Bourse de Paris superforme les principaux indices européens ou mondiaux. Les secteurs value (banques) et de croissance défensive, comme le luxe, sont en effet surpondérés dans l'indice parisien. Ce qui lui donne un avantage certain dans un contexte de rotation sectorielle en faveur de la value et au détriment des secteurs croissance ou de technologie.
Indicateurs au vert
Comment expliquer cette euphorie boursière alors que la menace sanitaire est encore présente et que les économies sortent tout juste de la pire récession depuis l'après-guerre. De fait, le climat sur les marchés est aux « années folles » et les flux d'investissement sont massivement dirigés sur les actions alors que le marché obligataire fait du sur place depuis le début de l'année, effrayé par les tensions sur les taux aux Etats-Unis.
Tout d'abord, l'effet vaccin a rapidement dégagé l'horizon macroéconomique, surtout aux Etats-Unis, première économie mondiale. Tous les indicateurs sont au vert foncé, avec une reprise aussi forte que l'an dernier, lors du premier déconfinement. Certes, l'Europe est à la traîne mais la campagne de vaccination est enfin bien lancée et l'été s'annonce sous les meilleurs auspices. Ce sont les indicateurs dans les services qui se redressent le plus vite, ceux qui ont le plus souffert de la crise sanitaire.
Inflation transitoire
Ensuite, les investisseurs semblent rassurés sur le front de l'inflation. Celle-ci repart, c'est indiscutable, notamment aux Etats-Unis, mais tout le monde, ou presque, semble penser que cette inflation est « temporaire » et non structurelle. S'il est facile de stopper l'économie du jour au lendemain, son redémarrage est plus long, surtout si la demande est forte. Du coup, de nombreux goulets d'étranglement apparaissent dans les chaînes d'approvisionnement et les prix des matières premières sont sous tension. La rivalité Etats-Unis-Chine n'arrange rien. Du coup, certains prix ont tendance à monter. Mais la vraie source de l'inflation, celle qui fait peur, c'est l'inflation par les salaires.
Or, aucune tension sur les salaires ne se manifeste encore. Les raisons structurelles de la déflation sont toujours à l'œuvre, comme le vieillissement de la population ou la mondialisation, et les emplois créés sont avant tout des emplois peu qualifiés et faiblement rémunérés. Et puis, les banques centrales l'on dit et répété, elles ne toléreront pas un dérapage sur l'inflation et les taux. Seule inquiétude : une éventuelle réduction des programmes de rachat d'actifs (tapering) des banques centrales, qui risque de peser avant tout sur les marchés obligataires.
Bonne saison des résultats trimestriels
Sur le plan microéconomique, le ciel est aussi dégagé, avec des effets de base qui seront encore favorables au second trimestre. En France, comme partout ailleurs, les résultats des entreprises au premier trimestre ont été le plus souvent supérieurs aux attentes. Toutefois, les analystes, en fin d'année, échaudés par les mesures de (re)confinement, n'avaient pas placé la barre très haut.
Reste que ces résultats ont globalement rassuré les marchés. Enfin, la rotation sectorielle a poussé les indices à la hausse. Sans surprise, le luxe, qui pèse près de 30 % de l'indice, a été l'un des moteurs de la hausse des marchés, avec les banques. Mais les secteurs de l'agro-alimentaire, de la consommation non cyclique, des services aux collectivités et même les secteurs industriels reprennent peu à peu le terrain perdu l'an dernier.
Manque de nouveaux catalyseurs
Et maintenant ? Chacun regarde désormais vers le record historique de la Bourse de Paris, soit le CAC 40 à 6.922 points, atteint le 4 septembre 2000. Il ne sera pas facile à atteindre. Pour deux raisons. Tout d'abord, les investisseurs s'accordent à penser que les valorisations sont désormais très élevées.
Au moindre signe d'alerte, les marchés pourraient vite se consolider sur des prises de bénéfices. Ensuite, il manque aujourd'hui de nouveaux catalyseurs, la plupart des bonnes nouvelles étant déjà largement intégrées dans les cours. Toutefois, le vent est aujourd'hui favorable et sur les marchés, il est presque impossible de marcher contre le vent. Pour se rassurer, les stratégistes regardent l'horizon, c'est-à-dire au moins un ou deux ans de croissance forte. Alors, le cap des 7.000 points n'est pas si éloigné.
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