
La guerre entre Israël et le Hamas risque d'avoir de « graves » conséquences économiques, a averti mardi le président de la Banque mondiale, Ajay Banga, lors d'une conférence d'investisseurs à Ryad en Arabie saoudite. Pour autant, les marchés semblent rester de marbre face aux évènements dramatiques qui se déroulent au Proche-Orient. Depuis l'attaque du Hamas, l'indice européen Stoxx 600 (600 premières capitalisations) a certes reculé de 2,23% et l'indice américain S&P 500 de 2,5%.
De fait, le climat est plutôt morose sur les marchés. « Le pandémonium semble bien décrire la situation de désordre et de chaos que nous connaissons du point de vue économique et géopolitique. Mais la situation macroéconomique est en réalité plus nuancée qu'elle ne paraît », estime Christopher Dembik, conseiller en stratégie d'investissement chez Pictet AM. Ce qui pourrait expliquer finalement la relative résilience des actions et des obligations face à la succession de chocs violents que nous vivons, y compris depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie. « La géopolitique a un impact souvent éphémère sur les marchés », note d'ailleurs l'économiste.
Les guerres sans impact sur la croissance
C'est d'ailleurs ce que constate une note de Brian Levitt, stratégiste marchés mondiaux chez Invesco. « Les actions ont enregistré des rendements importants au cours des douze mois qui ont suivi le pic du risque géopolitique », relève ainsi la note. Ainsi, le S&P 500 a grimpé de 35 % dans les 12 mois qui ont suivi la crise des missiles à Cuba (1962), de 27% dans la foulée de la guerre entre le Koweit et l'Irak (1990), de 22,6% après la guerre du Golfe (1991) ou de 35 % lors de la guerre entre les Etats-Unis et l'Irak (2003). Sur les dix crises majeures analysées depuis 1962, l'indice S&P 500 aura progressé en moyenne de près de 15 % au cours des 12 mois qui ont suivi.
Une exception toutefois, la guerre du Kippour (1973) à laquelle certains commentateurs ont pu faire d'ailleurs un rapprochement avec la guerre du Hamas, notamment sur l'impréparation et la surprise des forces armées israéliennes. De fait, la guerre du Kippour a été suivie d'une grave récession mondiale et d'une baisse de près de 30 % du S&P 500. Toutefois, estime le stratégiste, 2023 n'est pas 1973 : il n'y a pas aujourd'hui de crise de l'offre énergétique, la désinflation est clairement engagée contrairement au début des années 70 et la Fed semble désormais bien piloter les anticipations d'inflation.
L'effet taux
« L'actif le plus réceptif aux crises géopolitiques est le pétrole », avance Christopher Dembik. Le prix du baril (Brent) a gagné 3,5% depuis le 7 octobre autour de 87 dollars, loin des 120, voire 150 dollars évoqués dans les heures qui ont suivi l'attaque du Hamas. Certes, la récession s'annonce en zone euro, mais elle sera plus technique que réelle.
Quand aux Etats-Unis, elle n'est pas pour demain et le chiffre de la croissance américaine au troisième trimestre pourrait même surprendre, compte tenu de l'effet « Taylor Swift », autrement dit les revenus additionnels générés par l'industrie du loisir, comme la chanteuse vedette Taylor Swift et autre Beyonce. Au total, les marchés actions américains, soutenus depuis le début de l'année par six ou sept valeurs Tech, n'ont aucune raison de décrocher d'ici la fin de l'année.
L'or grimpe de 20 %
En revanche, l'envolée des taux longs peut poser question. Depuis l'invasion de l'Ukraine, les taux longs ont pris en moyenne 300 points de base mais les taux d'intérêt réel ont fait le chemin inverse, note ainsi l'économiste Véronique Riches-Flores, dans une note publiée le 20 octobre dernier. Mais la guerre au Proche-Orient a provoqué une vive tension à la hausse sur les taux longs. Le taux américain à dix ans a même dépassé en début de semaine le seuil symbolique des 5 % et le taux à dix ans allemand a frôlé les 3 %.
« L'envolée des taux d'intérêt en période de conflit a constitué une constante dans l'histoire », souligne l'économiste. Une hausse des taux qui fragilise une grande partie des actifs financiers, comme les obligations d'Etat et les actions. Ce qui entraîne, ajoute Véronique Riches-Flores, un nouvel appétit pour les actifs physiques, notamment l'or. L'once d'or a bondi de 20 % depuis 7 octobre à 1.965 dollars.
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