L’étrange insensibilité des marchés face aux guerres

Depuis la guerre en Ukraine, les marchés financiers semblent insensibles aux crises qui frappent le monde, et notamment par le drame qui secoue depuis deux semaines le Proche-Orient. C’est également le cas lors des grandes crises depuis les années soixante. A une exception près, la guerre du Kippour en 1973. En revanche, le pétrole et l’or sont les deux actifs qui réagissent le plus aux crises géopolitiques.
Les marchés actions ont peu réagi au conflit qui déchire le Proche-Orient.
Les marchés actions ont peu réagi au conflit qui déchire le Proche-Orient. (Crédits : Reuters)

La guerre entre Israël et le Hamas risque d'avoir de « graves » conséquences économiques, a averti mardi le président de la Banque mondiale, Ajay Banga, lors d'une conférence d'investisseurs à Ryad en Arabie saoudite. Pour autant, les marchés semblent rester de marbre face aux évènements dramatiques qui se déroulent au Proche-Orient. Depuis l'attaque du Hamas, l'indice européen Stoxx 600 (600 premières capitalisations) a certes reculé de 2,23% et l'indice américain S&P 500 de 2,5%.

De fait, le climat est plutôt morose sur les marchés. « Le pandémonium semble bien décrire la situation de désordre et de chaos que nous connaissons du point de vue économique et géopolitique. Mais la situation macroéconomique est en réalité plus nuancée qu'elle ne paraît », estime Christopher Dembik, conseiller en stratégie d'investissement chez Pictet AM. Ce qui pourrait expliquer finalement la relative résilience des actions et des obligations face à la succession de chocs violents que nous vivons, y compris depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie. « La géopolitique a un impact souvent éphémère sur les marchés », note d'ailleurs l'économiste.

Les guerres sans impact sur la croissance

C'est d'ailleurs ce que constate une note de Brian Levitt, stratégiste marchés mondiaux chez Invesco. « Les actions ont enregistré des rendements importants au cours des douze mois qui ont suivi le pic du risque géopolitique », relève ainsi la note. Ainsi, le S&P 500 a grimpé de 35 % dans les 12 mois qui ont suivi la crise des missiles à Cuba (1962), de 27% dans la foulée de la guerre entre le Koweit et l'Irak (1990), de 22,6% après la guerre du Golfe (1991) ou de 35 % lors de la guerre entre les Etats-Unis et l'Irak (2003). Sur les dix crises majeures analysées depuis 1962, l'indice S&P 500 aura progressé en moyenne de près de 15 % au cours des 12 mois qui ont suivi.

Une exception toutefois, la guerre du Kippour (1973) à laquelle certains commentateurs ont pu faire d'ailleurs un rapprochement avec la guerre du Hamas, notamment sur l'impréparation et la surprise des forces armées israéliennes. De fait, la guerre du Kippour a été suivie d'une grave récession mondiale et d'une baisse de près de 30 % du S&P 500. Toutefois, estime le stratégiste, 2023 n'est pas 1973 : il n'y a pas aujourd'hui de crise de l'offre énergétique, la désinflation est clairement engagée contrairement au début des années 70 et la Fed semble désormais bien piloter les anticipations d'inflation.

L'effet taux

« L'actif le plus réceptif aux crises géopolitiques est le pétrole », avance Christopher Dembik. Le prix du baril (Brent) a gagné 3,5% depuis le 7 octobre autour de 87 dollars, loin des 120, voire 150 dollars évoqués dans les heures qui ont suivi l'attaque du Hamas. Certes, la récession s'annonce en zone euro, mais elle sera plus technique que réelle.

Quand aux Etats-Unis, elle n'est pas pour demain et le chiffre de la croissance américaine au troisième trimestre pourrait même surprendre, compte tenu de l'effet « Taylor Swift », autrement dit les revenus additionnels générés par l'industrie du loisir, comme la chanteuse vedette Taylor Swift et autre Beyonce. Au total, les marchés actions américains, soutenus depuis le début de l'année par six ou sept valeurs Tech, n'ont aucune raison de décrocher d'ici la fin de l'année.

L'or grimpe de 20 %

En revanche, l'envolée des taux longs peut poser question. Depuis l'invasion de l'Ukraine, les taux longs ont pris en moyenne 300 points de base mais les taux d'intérêt réel ont fait le chemin inverse, note ainsi l'économiste Véronique Riches-Flores, dans une note publiée le 20 octobre dernier. Mais la guerre au Proche-Orient a provoqué une vive tension à la hausse sur les taux longs. Le taux américain à dix ans a même dépassé en début de semaine le seuil symbolique des 5 % et le taux à dix ans allemand a frôlé les 3 %.

« L'envolée des taux d'intérêt en période de conflit a constitué une constante dans l'histoire », souligne l'économiste. Une hausse des taux qui fragilise une grande partie des actifs financiers, comme les obligations d'Etat et les actions. Ce qui entraîne, ajoute Véronique Riches-Flores, un nouvel appétit pour les actifs physiques, notamment l'or. L'once d'or a bondi de 20 % depuis 7 octobre à 1.965 dollars.

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Commentaires 10
à écrit le 25/10/2023 à 20:48
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Pas étonnant les marchés financiers sont administrés par les banques payées pour manipuler les marchés (cf. fourniture des carnets d'ordres par les opérateurs d'échange aux "animateurs" de marché qui ne sont pas sensé en profiter) en l'absence de ...

à écrit le 25/10/2023 à 11:36
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ils se nourrissent des guerres !!!! combien d'entreprises qui vendent des armes sont côtés ? Du coup la guerre est un bon business pour les pays vendeurs d'armes dont nous sommes ! toute l'industrie française est pratiquement dédié a cela ! le pays...

à écrit le 25/10/2023 à 9:33
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Parce que tout roule dans le sens du "great reset de Davos tout simplement.

le 25/10/2023 à 11:38
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c'est vrai qu'il est impressionnant de voir ne serait ce qu'en france, le destruction construction comme en ukraine, mais dans l'économie ! c'est un choix de capitalisme et faut dire que le premier a le faire et le dire c'est macron ! c'est incro...

à écrit le 25/10/2023 à 8:45
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Depuis toujours une certaine industrie se porte bien en temps de guerre. A titre de réflexion «  Nous croyons mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels » - Anatole France. Ou l’Historienne Annie Lacroix-Riz qui défend la proximité entre le...

le 25/10/2023 à 11:47
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Une grande historienne qui montre bien sur la question de l'épuration qu'il ne s'est casi rien passé et donc la logique par la suite d'avoir un zemmour avec ses discours tombe de logique. Cela se passe aussi juste après la disparition des derniers...

à écrit le 25/10/2023 à 2:31
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L'argent n'a pas d'odeur.

à écrit le 24/10/2023 à 23:24
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Conflit très régional entre un petit pays (Israël) et une population paupérisée, sans énergie, sans eau, sans industrie et une agriculture limitée par une pluviométrie indigente.. Au surplus, le Hamas a fait une très grave erreur: penser que des état...

à écrit le 24/10/2023 à 19:50
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Rien d'étonnant à ça : même si tout cela est très triste voire franchement monstrueux, ce ne sont que des conflits frontaliers. Dans le monde réel, et pas dans le monde des médias où on nous vend le 3ième guerre mondiale tous les jours. Ce qui po...

à écrit le 24/10/2023 à 19:04
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90% des bourses et donc des marchés sont dirigées et gérées par des procédure informatiques faite par de talentueux mathématiciens et informaticiens qui n'ont que pour unique objectif faire du profit :Trading Haute Fréquence (THF) si les bourses re...

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