Bourse : les SPAC « made in France » peinent à trouver des cibles

Le SPAC DEE Tech a finalement renoncé à son opération sur Colis Privé face aux réserves de certains de ses investisseurs. De son côté, le SPAC 2MX Organic a essuyé deux refus de cibles potentielles. C’est pourtant via la qualité de ses acquisitions que le modèle des SPAC, qui a fait fureur l’an dernier, doit démontrer ou non sa pertinence.
Colis Privé, spécialisé dans la gestion de la livraison du dernier kilomètre, est finalement racheté par l'armateur CMA GCM et renonce à son introduction en Bourse.
Colis Privé, spécialisé dans la gestion de la livraison du dernier kilomètre, est finalement racheté par l'armateur CMA GCM et renonce à son introduction en Bourse. (Crédits : iStock)

L'heure de vérité d'un SPAC est le « DeSPACing », autrement dit la fusion avec la société cible. Ces sociétés cotées « chèque en blanc » ont en effet comme unique objet social de racheter, dans un délai de 18 à 24 mois, une société non cotée qui sera ensuite fusionnée et cotée. Et ce moment de vérité tarde à se concrétiser en France alors que les conditions de marché se dégradent.

Ainsi, le SPAC DEE Tech, introduit en Bourse en juin dernier (165 millions d'euros levés), à l'initiative de cinq entrepreneurs et investisseurs de la Tech, dont Marc Menasé, cofondateur de France Digitale, vient de renoncer à son projet de rachat de Colis Privé, qui devait par conséquent bientôt s'introduire en Bourse. Une opération à 550 millions d'euros qui a finalement tourné court face à la réticence de plusieurs investisseurs du SPAC à ce projet d'acquisition. Finalement, c'est l'armateur CMA CGM, qui souhaite se diversifier dans la logistique de l'e-commerce, qui va racheter 51% de Colis Privé.

C'est un sérieux coup de canif à l'image des SPAC en France, alors même que le projet de DEE Tech devait être la deuxième opération d'envergure réalisée par un SPAC « nouvelle génération » en Europe, après l'acquisition, en Allemagne, de la plateforme de location immobilière HomeToGo par le SPAC Lakestar, une opération à plus d'un milliard de dollars (41% financés par le SPAC). En France, le seul précédent remonte à 2016 avec Mediawan, qui s'est d'ailleurs retiré de la cote quatre ans plus tard.

2MX Organic à la peine pour trouver des cibles

Autre SPAC, 2MX Organic, lancé en France en novembre 2020, par le trio Moez-Alexandre Zouari, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, après une levée de 250 millions d'euros, cherche désespérément une cible dans le domaine du bio ou de la distribution.

Selon le magazine spécialisé dans la distribution LSA, le SPAC aurait fait une proposition de rachat du groupe Louis Delhaize pour environ 2 milliards d'euros. Proposition finalement rejetée. C'est la seconde proie qui échappe au SPAC après avoir raté, au printemps dernier, une autre cible, le groupe Grand Frais. Le SPAC 2MX Organic a même été citée dans le dossier Auchan, qui préfère discuter avec Carrefour.

Toujours en France, on attend également les réalisations des SPAC I2PO (275 millions d'euros levés en juillet 2021), Transition (215 millions d'euros en juin 2021) et Accor (300 millions d'euros en mai 2021), chacun dans des domaines très diversifiés, allant du loisir/tourisme (Accor) à la transition énergétique (Transition) en passant par le divertissement (I2PO).

Dix projets avortés aux Etats-Unis en deux mois

Aux Etats-Unis, le principal marché des SPAC, où la fièvre avait atteint son pic au premier trimestre 2021, le réveil est difficile. Près de 150 milliards de dollars ont ainsi été levés l'an dernier à Wall Street, ce qui représente au bas mot, en appliquant un multiple de quatre aux fonds levés initialement, un potentiel d'acquisition de plus de 600 milliards de dollars. Encore faut-il trouver des cibles.

Or, de plus en plus entreprises non cotées refusent finalement de fusionner avec un SPAC. Ainsi, la fintech Acorns, spécialisée dans la gestion de l'épargne, vient de renoncer à son mariage avec un SPAC, malgré une valorisation à 2,2 milliards de dollars.

Selon le Wall Street Journal, citant Dealogic, c'est la dixième entreprise américaine qui met fin à un accord avec un SPAC depuis novembre dernier. Seulement 13 opérations avaient été annulées lors des dix mois précédents. D'autres projets sont repoussés à des jours meilleurs, comme la mise en bourse via un SPAC du néocourtier eToro (pour une valorisation de près de 9 milliards de dollars).

Il faut reconnaître que le « tracking record » ne plaide pas en faveur d'une opération avec un SPAC. Toujours selon le Wall Street Journal, près de la moitié des sociétés qui ont conclu des transactions avec un SPAC l'année dernière ont perdu 40% ou plus de leur prix d'émission de 10 dollars.

Valorisations en baisse

La forte baisse des marchés, sur fond de resserrement de la politique monétaire américaine, devrait provoquer un réajustement des valorisations, qui ont flambé l'an dernier. C'est aussi pourquoi les investisseurs dans les SPAC se montrent plus sourcilleux sur le prix des cibles. Certains observateurs estiment même le nombre élevé de SPAC mis sur le marché l'an dernier tire aujourd'hui les valorisations par le bas.

Du coup, les investisseurs se montrent également plus prudents sur les SPAC. En moins de 24 heures à Wall Street, trois SPAC ont finalement retiré leur dossier d'introduction en Bourse.

Pourtant, en Italie, la société italienne D-Orbit a annoncé la semaine dernière son intention de s'introduire en Bourse via un SPAC et ce pour une valorisation de 1,4 milliard d'euros. Espérons que cette société spécialisée dans les porte-satellites ne connaîtra pas le sort funeste de Virgin Galatic de Richard Branson qui a perdu près de 80% de sa valeur depuis sa fusion l'an dernier avec un SPAC.

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