Métavers : les mondes virtuels peinent encore à rencontrer leur public et les usages

Un an après la création de Horizon World, l’univers virtuel de Meta, (anciennement Facebook) les métavers n’intéressent toujours pas grand monde. Peu esthétiques, sans intérêts pour les internautes, la route semble encore longue pour que les mondes virtuels entrent dans le quotidien des internautes.
Maxime Heuze
Le métavers est encore loin de séduire les internautes.
Le métavers est encore loin de séduire les internautes. (Crédits : Maison Berger)

C'est le calme plat dans le métavers, ce terme popularisé par Meta (anciennement Facebook) qui désigne un monde virtuel dans lequel les utilisateurs peuvent rencontrer leurs amis, jouer à des jeux ou même travailler en utilisant un avatar d'eux-mêmes. Pourtant, Mark Zuckerberg avait annoncé lors de la conférence de présentation de son métaverse Horizon World en octobre 2021 être « convaincu que le métavers succédera à l'Internet mobile. Nous pourrons nous sentir présents, comme si nous étions physiquement ensemble, peu importe la distance qui nous sépare. »

Même, le cabinet McKinsey estimait en juin que le marché du métavers pourrait représenter 4.000 à 5.000 milliards de dollars d'ici 2030. Mais pour l'instant, le terme métavers rime plutôt avec flop que révolution. Meta en est le triste symbole. Après avoir investi plus de 20 milliards de dollars en deux ans dans son projet de métavers, seules 200.000 personnes par mois utiliseraient Horizon World, d'après des informations révélées par le Wall Street Journal.

Métavers et cryptomonnaies, un mélange toujours pas convainquant

Du côté des autres tentatives de métavers, le succès n'est pas non plus flagrant. Pour se différencier, Decentraland et The Sandbox, deux univers virtuels ont eu l'idée de lier monde virtuel et cryptomonnaies et ainsi attirer les cryptophiles. Mis à part ces deux espaces, les métavers décentralisés, qui permettent aux utilisateurs d'échanger ces actifs numériques grâce une blockchain, un réseau d'ordinateurs qui valident et enregistrent des transactions, n'arrivent pas à convaincre.

Pourtant, d'après la Banque centrale européenne, « jusqu'à 10% des ménages pourraient posséder des cryptomonnaies », quand ils seraient 12% d'Américains à détenir des cryptos d'après la Réserve fédérale américaine. « Le métavers, c'est la convergence du physique et du virtuel c'est-à-dire posséder des objets et des données dans notre quotidien et les retrouver en ligne. C'est quelque chose qui pourra être possible avec les cryptos et la technologie blockchain », présente Julien Maldonato, associé au sein du cabinet Deloitte en charge de l'innovation. Les NFT ou jetons non fongibles, des certificats de propriété inscrits sur une blockchain permettent par exemple d'acheter une paire de basket dans un magasin physique et de porter leur version numérique dans un monde virtuel.

Malgré ces usages potentiels, The Sandbox fait seulement état de 203.000 utilisateurs par mois dans un tweet du 10 octobre, quand son concurrent Decentraland n'affiche que 56.697 visiteurs par mois dans un tweet du 7 octobre, bien loin des 50 millions d'utilisateurs par jour vanté par Roblox un jeu permettant à chacun d'interagir dans un monde virtuel. Et pour ne rien arranger à leurs manque de popularité, ils doivent partager le maigre gâteau du métavers avec d'autres petits mondes virtuels comme Upland ou Alien Worlds.

Même le compositeur français Jean-Michel Jarre veut créer son propre univers virtuel Oxyville, pour y organiser un concert en octobre 2023. Autant d'acteurs et de buts divers et variés qui brouillent la vision de ce qu'est un métavers auprès du grand public. Selon un baromètre de l'agence Iligo publié en avril 2022, un monde virtuel serait vu comme étant sans intérêt pour 62% des Français. « Un métavers pourra sortir du lot à condition qu'ils trouvent des utilisateurs et qu'ils les fidélisent », prévient Nicolas Perrier, consultant chez Inetum. Le spécialiste des sujets métavers estime qu'un univers virtuel doit avant tout être intuitif et beau pour créer une communauté. « The Sandbox et Meta ont oublié les utilisateurs finaux et le côté fun et intéressant de passer du temps dans ce métavers. Pour le moment, ce n'est pas beau, pas simple à utiliser et donc peu de monde souhaite y aller », regrette-t-il.

Les multivers, une solution pour démocratiser les mondes virtuels?

Autre modèle économique possible, faute de pouvoir créer un métavers seul, des entreprises proposent de développer un monde virtuel pour le compte d'un client, le tout sur une blockchain. C'est la proposition de MultiversX, anciennement Elrond, qui a changé de nom pour se repositionner. « L'équipe de MultiversX a annoncé qu'elle allait travailler sur une blockchain capable d'effectuer un très grand nombre de transactions et qui va permettre à chacun de créer son métavers. Ainsi, potentiellement, des mondes beaux et intéressants qui pourraient accueillir de nombreux internautes capables de voyager facilement entre ces mondes », raconte Owen Simonin, alias Hasheur, influenceur français et ambassadeur de MultiversX. Un projet ambitieux qui n'en est cependant qu'à ses premiers pas puisqu'il va effectuer son premier test le 10 décembre en créant un monde virtuel censé pouvoir accueillir 10.000 utilisateurs simultanément.

« Il est difficile de savoir si ce projet sera fructueux. Une meilleure interopérabilité entre les mondes et le développement de technologies simples d'utilisation pour le grand public ne sera peut-être pas suffisant pour différencier une blockchain des autres. Il y a actuellement une trentaine de blockchains en concurrence avec Ethereum, dont MultiversX qui n'est que dix-neuvième et à moyen long terme il n'en restera que 3 ou 4 », nuance Stanislas Barthelemi, consultant cryptos chez KPMG, qui estime que le nouveau projet de MultiversX a surtout été créé pour attirer de nouveaux clients.

Toujours pour être certains que les métavers se développent, d'autres acteurs du secteur ont créé l'Open Metaverse Alliance début novembre à l'occasion du salon Web Summit de Lisbonne. Metametaverse, Alien Worlds et même Animaco Brand, les créateurs de The Sandbox, ont participé à la mise en place de cette association qui a pour but de structurer et de promouvoir les métavers décentralisés auprès des régulateurs européens.

Car si l'Europe commence à encadrer les cryptomonnaies et leurs usages avec le récent vote du règlement Market in Crypto Assets (MiCa) et Transfer of Funds Regulation (TFR), les métavers et leurs usages n'entrent pas encore dans leurs champs.

De fait, tout se jouera sur la régulation du secteur par les gouvernements, ce que les patrons de ces jeunes pousses ont bien compris. A l'image de MultiversX, qui, lors des journées dédiées à la présentation du projet à Paris, a invité le ministre délégué chargé de la Transition numérique Jean-Noël Barrot et son homologue Roumain Sebastian Burduja à y participer. « Si Elrond a fait sa conférence en France c'est parce que le gros de la communauté de ce projet est française. Mais plus généralement, la France est intéressante pour les entreprises car elle a un cadre légal très strict. Donc, quand tu es régulé en France c'est très facile d'être régulée ailleurs », justifie Owen Simonin.

Autrement dit, les créateurs de mondes virtuels couplés aux cryptomonnaies vont devoir composer avec les autorités mais aussi avec l'opinion publique, témoin récemment de la dégringolade de l'ancienne star montante, la plateforme de trading de cryptos FTX. Une affaire qui a fait plonger le cours du bitcoin de 20% entre le 7 et le 11 novembre et a amené Gary Gensler, le président de la Security and Exchange Commission (SEC), le gendarme américain des marchés financiers, a appeler à une plus forte régulation des cryptomonnaies sur la chaîne CNBC. Un ouragan sur l'écosystème crypto qui pourrait bien retarder, voir enterrer, l'avènement des métavers décentralisés.

Maxime Heuze

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Commentaires 8
à écrit le 22/11/2022 à 12:33
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Visiblement on ne sait répondre au problème réel que par une virtualisation onirique... arrêtez vos dessins animés !

à écrit le 22/11/2022 à 10:17
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Souvenir de 2007 : Ils étaient plus de 1 850 à répondre à la marche de protestation organisée jeudi dernier sur Second Life pour soutenir les salariés d'IBM Italie Cette manifestation - une première dans l'univers virtuel de Second Life - a réussi...

à écrit le 22/11/2022 à 6:17
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mais non ! il existe bien d'autres métaverses que celui de méta. regardez par exemple vrchat pour moi, c'est le meilleur métaverse qui existe aujourd'hui: il y a beaucoup d'utilisateurs, ce métaverse peut être magnifique et surtout grâce aux faits q...

le 22/11/2022 à 13:30
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Vous excuserez mon âge, mais de mon temps, habiter un monde (parallèle, virtuel, onirique,...) ça évoquait, immanquablement, "schizo".

à écrit le 21/11/2022 à 23:37
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Pas de temps à perdre avec cet’q conneries… entre l le boulot les heures de transports et la vie familiale … de plus aucun intérêt pour les crypto monnaies c est du ponzi numérique c est garanti par aucun état et on ne sait pas ou est son argent et ...

à écrit le 21/11/2022 à 19:05
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quand des ingenieurs font du marketing, ca donne le concorde ou le metavers.....c'est cher ca rapporte 0 et ca fait faillite.........comment un yank ppeut oublier le client ( a court et long terme, ici l'offre cree la demande).........second life a p...

le 22/11/2022 à 6:24
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tout comme le concorde, le métaverse n'est pas une faîte : il faut juste regarder au bon endroit, vrchat est un métaverse qui est très rentable. c'est juste que les médias vise méta sans ouvrir leurs yeux sur d'autres métaverse pour avoir des clics

à écrit le 21/11/2022 à 18:42
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Quand la seule motivation est l'argent, ça ne marche généralement pas. Sinon, Second Life a toujours été un grand succès

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