La loi de programmation militaire est votée, les armées veulent une exécution à l'euro près

Après l’Assemblée nationale mercredi, le Sénat a adopté le projet de loi de programmation militaire. La future LPM prévoit sur la période 2019-2025 des crédits budgétaires à hauteur de 295 milliards d'euros, couverts de manière ferme jusqu'en 2023 (198 milliards d'euros).
Michel Cabirol
La future LPM prévoit sur la période 2019-2025 des crédits budgétaires à hauteur de 295 milliards d'euros, couverts de manière ferme jusqu'en 2023 (198 milliards d'euros).
La future LPM prévoit sur la période 2019-2025 des crédits budgétaires à hauteur de 295 milliards d'euros, couverts de manière ferme jusqu'en 2023 (198 milliards d'euros). (Crédits : Reuters)

Le Parlement a adopté définitivement jeudi par un ultime vote du Sénat la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, qui prévoit notamment de porter en 2025 les dépenses de défense à 2% du PIB français. C'était un engagement d'Emmanuel Macron. La ministre des Armées Florence Parly s'est félicitée de l'adoption définitive du projet de LPM 2019 - 2025 par l'Assemblée nationale et le Sénat. "C'est un signal fort que le Parlement a envoyé à nos Armées et aux Français. L'heure est maintenant au travail pour réussir la parfaite mise en œuvre de la LPM", a-t-elle expliqué dans un communiqué publié jeudi.

Les sénateurs ont adopté ce texte par 326 voix pour et 14 contre, tous membres du groupe CRCE (à majorité communiste). La veille, il avait été voté à main levée à l'Assemblée par LREM, MoDem, UDI-Agir et PS, mais rejeté par LFI et PCF. "Mission accomplie", s'est écrié le président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense Christian Cambon (LR).

Le Sénat a fait le boulot

Le Sénat avait fait le boulot pour améliorer le texte. La commission mixte paritaire (CMP, sept députés, sept sénateurs) avait finalement conservé des amendements importants proposés par le Sénat. La chambre haute du Parlement avait notamment réussi à convaincre le gouvernement de mieux sécuriser les ressources budgétaires des armées, avec des clauses de garantie, comme l'avait expliqué à La Tribune le président de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, Christian Cambon.

En revanche, le Sénat n'avait pas eu gain de cause sur un contrôle financier accru des services de renseignement, dont le budget global s'élèvera à 4,6 milliards d'euros. La ministre des Armées, Florence Parly, s'était félicitée dans un communiqué de l'accord trouvé entre l'Assemblée nationale et le Sénat lors de la CMP sur le projet de loi de programmation militaire 2019 à 2025

"Bien évidemment, c'est maintenant pour l'exécution de cette loi de programmation que le Sénat va se mobiliser", avait assuré me 19 juin Christian Cambon, qui a déclaré : "pas un euro ne doit manquer!".

Les armées ne financeront pas le service militaire universel

Une des clauses de garantie concerne le financement du futur Service National Universel (SMU), qui pourrait peser "entre deux et trois milliards d'euros par an" dans le budget de l'Etat, selon Christian Cambon. Grâce à elle, le ministère des Armées est exclu du financement du SMU. Si l'Assemblée nationale a échoué à adopter un tel amendement en raison d'un refus du gouvernement, le Sénat l'a fait, et a surtout réussi à convaincre la CMP d'adopter cet amendement avec l'assentiment... du gouvernement. Si le ministère des Armées avait dû financer le SMU, cette mesure aurait "vidé la LPM de son sens", avait estimé Christian Cambon. Le texte de l'amendement du Sénat a repris mot à mot le discours d'Emmanuel Macron sur le SMU. Ce qui rendait difficile un rejet par les parlementaires de la majorité.

Le Sénat a également apporté une clause de garantie sur l'augmentation des ressources en cas de hausse du du prix du baril de pétrole - il a été estimé à 60 dollars dans la LPM, il est déjà à 72 dollars. Il a par ailleurs limité la part du ministère des Armées dans le surcoût des opérations extérieures (OPEX), et a fait accepter la prise en compte de l'usure accélérée du matériel dans le surcoût OPEX. Enfin, le Sénat a réussi à arracher à la CMP que le produit des cessions immobilières du ministère des Armées reste dans le budget des armées. Christian Cambon estime le montant à 500 millions d'euros sur cinq ans le montant de ces cessions. "Toutes  ces dispositions permettront de colmater des trous dans la LPM et la conforteront", avait-il fait valoir.

Le Sénat a également réussi à renforcer le volet "à hauteur d'homme" avec des mesures en faveur du logement, de la vie familiale, mais aussi en faveur des femmes militaires et de la lutte contre les discriminations sexistes. Christian Cambon a expliqué que le Sénat avait voté un amendement pour réserver 75% des logements des immeubles cédés à Paris aux militaires, contre 10% actuellement.

Les armées satisfaites

Les armées valident sans état d'âme la prochaine LPM. Pragmatiques mais lucides, les états-majors se réjouissent d'une LPM de rattrapage après plusieurs années de vaches maigres et de renoncements. "Pour la première fois depuis de nombreuses années, je ne participe pas à la construction d'une loi de programmation militaire de déflation", avait d'ailleurs relevé en février dernier à l'Assemblée nationale le chef d'état-major de l'armée de l'air, le général André Lanata. L'argent ne fait pas le bonheur mais il y contribue. C'est donc aussi le cas pour les militaires.

"Nous assistons à une inversion de tendance historique, s'était réjoui le chef d'état-major de l'armée de Terre, le général Jean-Pierre Bosser lors de son audition à l'Assemblée nationale en février dernier. Et de préciser que la France est "désormais sur une trajectoire de remontée en puissance". Cette LPM prévoit sur une période de sept ans des crédits budgétaires à hauteur de 295 milliards d'euros, couverts de manière ferme jusqu'en 2023 (198 milliards d'euros). Ce qui portera l'effort de défense de la France à 1,91% du PIB en 2023, puis à 2% en 2025, contre 1,78% en 2017. "Cette LPM est bien née", avait pour sa part assuré à l'Assemblée nationale en février le chef d'état-major des armées, François Lecointre.

Une exécution à l'euro près ?

La LPM a été adoptée par le Parlement. Mais le plus dur restera à faire : son exécution à l'euro près. Ce qui est loin, très loin d'être gagnée car il faudra que la LPM échappe aux sécateurs de Bercy. C'est donc à l'issue de cette guérilla budgétaire permanente que résidera la réussite ou non de cette LPM... comme d'ailleurs de tous les budgets votés par le Parlement. Le succès de la future LPM passe déjà par la bonne exécution du budget 2018, qui doit permettre de rentrer sans boulet budgétaire - reports de charges notamment -, dans la LPM dès 2019.

Et après ? "Que puis-je souhaiter pour la loi de finances pour 2019 ? Tout simplement, qu'elle soit conforme à la LPM : la LPM, rien que la LPM, toute la LPM !", avait souligné l'amiral Christophe Prazuck aux députés en février. La ministre des Armées en a évidemment bien conscience après un exercice budgétaire 2017 compliqué. Cette LPM "s'inscrit pleinement dans le cadre tracé par la loi de programmation des finances publiques, qui prévoit 1,7 milliard d'euros supplémentaires par an pour la période 2019-2022", avait-elle rappelé en février à l'Assemblée nationale pour rassurer les armées.

Cette LPM "donne une excellente visibilité à l'ensemble des acteurs de la communauté de défense et comme toute loi de programmation elle devra s'évaluer à l'aune des engagements qui seront confirmés loi de finance après loi de finance", avait expliqué début avril Florence Parly dans une interview accordée à La Tribune. Entre l'Hôtel de Brienne et Bercy, le match est lancé et durera jusqu'en 2025, entrecoupé d'une mi-temps en 2021 où un rendez-vous permettra de réactualiser la LPM après 2023 avec des données macroéconomiques plus fiables qu'aujourd'hui.

Résorber les ruptures capacitaire

Pour l'heure, les armées ont tracé des perspectives pour accompagner la remontée en puissance de l'outil militaire. Pour le chef d'état-major de la Marine, l'amiral Christophe Prazuck, cette LPM va en partie permettre "de parer les ruptures capacitaires" dans la Marine, dont certaines courent depuis 2010. Que ce soit au niveau des patrouilleurs dans les départements d'outre-mer, des pétroliers ravitailleurs ou encore des hélicoptères. "Il s'agit d'un grand motif de satisfaction", avait-il expliqué. Quant au général André Lanata, il avait estimé "atteignable l'objectif d'une recapitalisation de l'ensemble des savoir-faire critiques à l'horizon de 2023" au sein de l'armée de l'air (aviation de chasse, avion de transport et hélicoptères).

Pour le chef d'état-major de l'armée de Terre, qui connait lui aussi des ruptures capacitaire (équipements de commandement), "le modèle économique retenu ne fait donc pas débat. Nos soldats méritent d'être mieux protégés et d'avoir des armes plus performantes pour remplir leurs missions""Nos soldats le méritent d'autant que les conflits dans lesquels ils sont engagés deviennent de plus en plus durs, à mesure que le nivellement technologique rend nos adversaires actuels et potentiels de plus en plus dangereux", a confirmé en mai à l'Assemblée nationale le général Charles Beaudouin, sous-chef d'état-major chargé des plans et des programmes de l'état-major de l'armée de Terre.

Un modèle d'armée complet

La satisfaction des armées vient surtout du maintien d'un "modèle d'armée complet et équilibré" sur lequel "repose notre autonomie stratégique", comme l'avait rappelé le général François Lecointre. Ce modèle doit être "capable d'agir dans la durée sur l'ensemble du spectre des missions, dissuasion, protection, connaissance et anticipation, prévention et intervention, avait précisé quant à lui le chef d'état-major de l'armée de l'air. Cette ambition suppose une remontée en puissance franche, complétée par des coopérations internationales. Elle se fixe 2030 comme horizon". Pour l'aviation de combat, le modèle d'aviation de combat repose "sur la pleine exploitation de la polyvalence du Rafale, qui permettra à terme de rejoindre le format cible de 185 avions de chasse", avait souligné le général André Lanata. Selon le général Jean-Pierre Bosser, "nous aurons ainsi la capacité d'assurer, dans la durée, un socle fondamental de capacités de défense autour des cinq fonctions stratégiques".

Le débat sur le nombre des théâtres d'opération extérieure (OPEX) sur lesquels les armées peuvent s'engager simultanément a été l'une des sources de conflits entre les armées et le gouvernement lors de la préparation de la LPM. Durant le quinquennat de François Hollande, la multiplication des OPEX a été à l'origine de la surchauffe des armées. Ce débat a été clos par le ministère des Armées. Ce sera trois au maximum (contre deux à trois dans le Livre blanc de 2013). Or l'armée française intervient déjà au Sahel (Barkhane), au Levant (Chammal) et au Liban (FINUL). Pour le chef d'état-major de l'armée de l'air, "il convient aujourd'hui de restaurer la soutenabilité de nos engagements opérationnels tout en accélérant la modernisation de nos équipements". Mais il y a un principe de réalité : s'il faut aller se battre sur un nouveau théâtre d'opérations, les armées répondront bien sûr présentes

Michel Cabirol

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Commentaires 6
à écrit le 29/06/2018 à 7:22
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Combien de LPM (loi de programmation militaire) pour aboutir à un matériel hors d'âge, à des ratés dans la désormais fameuse mission "missiles Syrie... et l'hélice du Charles de Gaulle? Et tant d'autres pépins dont nous ne saurons jamais rien mais no...

le 29/06/2018 à 8:07
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parler de défense des français : mais où avez-vous donc vu cela ??? nos militaires ne sont que des ponctionnaires qui attendent le we !! même les vrais militaires sont scandalisé par l'évolution de nos "armées"

à écrit le 29/06/2018 à 0:30
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Ils espèrent que l’état tiendra ses engagements dans la durée... ce qui serait une nouveauté. On peut faire confiance à Macron pour rogner dessus à la première occasion, il suffit de lire les rapports de la cour de comptes pour comprendre que c'e...

le 29/06/2018 à 8:08
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et c'est bien normal : quand on voit un "militaire' qui se balade dans nos villes il y a de quoi rigoler !!!

à écrit le 28/06/2018 à 14:10
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encore des inutiles rentiers qui se gavent sur le dos de l'agriculteur ou de l'artisan du coin : scandaleux !!!

le 29/06/2018 à 7:33
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Les arrmées recrutent... Engagez vous et ce sans solde Vous ne serait pas "un rentier"...

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