Pomigliano d'Arco (région de Naples, Italie). - Ils étaient tous là... Journalistes, directeurs pays, ingénierie, contrôle qualité... L'opération de communication organisée mardi 29 mars par Alfa Romeo à l'usine Pomigliano d'Arco ne s'adressait pas seulement à la presse, mais à toute la pyramide hiérarchique de la marque italienne.
Le lancement de Tonale, le nouveau SUV de la griffe milanaise, dans cette usine qui produit les Panda - revêt en effet un enjeu majeur qui dépasse le seul intérêt d'Alfa Romeo. Il s'agit de démontrer la capacité de Stellantis à élever la qualité de sa production, au moins pour ses gammes premium, aux meilleurs niveaux de qualité, avec, en ligne de mire, les concurrents allemands.
Exigence indépassable
Tout le monde était donc invité à intégrer l'idée que, désormais, l'exigence de qualité ferait l'objet d'une attention absolument prioritaire par les plus hautes instances du groupe Stellantis. Le modèle Tonale doit incarner cette exigence indépassable, et Stellantis veut expérimenter, dans cette usine, un process extrêmement ambitieux (et coûteux) de contrôle qualité.
La ligne de production du SUV compact, dont la commercialisation est désormais imminente, fait d'abord l'objet d'un investissement conséquent (non chiffré mais qui se compte en centaines de millions d'euros) afin de la ramener aux meilleurs standards de productivité : le nec plus ultra de la robotique (près de 750 machines neuves), des milliers d'heures de formation des opérateurs : la ligne paraît flambant neuve.
Mais c'est en fin de parcours que le contrôle qualité sort la paille de fer. Une équipe dédiée a mis en place une série de vérifications impitoyables qui doit analyser l'aspect extérieur, la sécurité et le système d'infotainment. En cas de défaut, la voiture est immédiatement transportée dans une pièce attenante où des opérateurs analysent l'origine du défaut afin de le corriger sur la ligne. Ce process est extrêmement sophistiqué avec de nombreuses machines pointues, mobilise une ressource d'ingénierie non moins conséquente, sans parler de la surface consacrée et qui convoque toute la chaîne de valeur des designers jusqu'aux fournisseurs.
Pour Jean-Philippe Imparato, patron d'Alfa Romeo depuis janvier 2021, ce contrôle est incontournable s'il veut atteindre ses objectifs de qualité. Le process a déjà été mis en place dans l'usine de Cassino (Nord de Naples) où sont produits les Stelvio et Giulia, deux véhicules lancés depuis plus de cinq ans maintenant, et M. Imparato l'assure : "en un an, nous avons divisé le nombre de défauts par trois".
Objectif : "être benchmark"
Car Alfa Romeo a quelques choses à prouver en matière de qualité... La marque sportive italienne souffre d'une baisse de qualité depuis une vingtaine d'années par manque d'investissements. Sauf que le nouvel Alfa Romeo que veut Stellantis, c'est une marque Premium benchmark, c'est-à-dire au même niveau que ses concurrents.
La marque a choisi de se mesurer à Audi pour challenger les équipes internes. L'enjeu est d'améliorer considérablement la valeur résiduelle (prix à la revente), véritable jauge de performance d'une marque premium. Or, cette valeur résiduelle dépend, entre autres, de cette qualité de fabrication. Il faut ajouter la qualité perçue des matériaux et la durabilité. "Notre objectif c'est qu'au bout de trois ans, le produit soit comme neuf", lance Jean-Philippe Imparato.
Le "meilleur des deux mondes" PSA et FCA
Chez Alfa Romeo, cette ambition emporte l'enthousiasme des équipes enfin ravies de voir que Stellantis octroie des moyens à la hauteur des ambitions de la marque italienne, et jusqu'ici délaissée sous l'ère FCA (du nom de l'entité qui a précédé avant que celle-ci ne fusionne avec le français PSA, pour donner Stellantis).
L'expérience menée à Pomigliano d'Arco se veut quasi-œcuménique, loin des rivalités chauvines que craignaient les observateurs extérieurs. "Nous avons réuni le meilleur des deux mondes (de PSA et de FCA, ndlr)", illustre Jean-Philippe Imparato, ancien patron de la marque Peugeot. Avec Tonale, le retour d'expérience qualité doit être transposée auprès des autres marques premium du groupe dont DS, Lancia ou Jeep, sans oublier Maserati, encore plus luxueux.
Un laboratoire qualité
Sandrine Gredelu, responsable du contrôle qualité sur Tonale et qui a travaillé dans les usines PSA de Rennes-La Janais et Poissy témoigne :
"Chez PSA, nous avions fait des progrès conséquents et nous n'avions plus à rougir de personne", avant d'admettre que l'expérience conduite ici veut pousser le bouchon encore plus loin. Mais elle reste d'ordre expérimentale et devra prouver que le bénéfice sera supérieur à son coût. "Un bilan sera fait", assure-t-elle, avant de l'élever comme le standard du pôle premium de Stellantis. Car le dispositif est extrêmement coûteux.
L'usine de Pomigliano d'Arco doit également démontrer sa capacité à se remettre en ordre de marche face au changement de régime. Carlos Tavares, le patron de Stellantis, est réputé pour son implacable rigueur dans la performance ("je suis un psychopathe de la performance", s'est-il souvent décrit). La fusion entre PSA et FCA portait clairement la question des usines italiennes connues pour leur retard de productivité, et la qualité loin des standards. "Les équipes italiennes ont appris extrêmement vite, ils se sont montrés très résilients", se laisse surprendre Sandrine Gredelu.
Avec Tonale, Stellantis rêve donc de prendre le pli d'une nouvelle culture de la qualité qui lui permettra de rivaliser avec les marques premiums déjà installées et dont c'est bien le principal attrait. Les enjeux financiers sont immenses tant les profits unitaires sont très supérieurs sur le segment premium. Autrement dit, ce qui se joue à Pomigliano d'Arco et à travers Tonale sont essentiels aux yeux de Carlos Tavares qui surveillera les objectifs de qualité comme le lait sur le feu...
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