Les trois défis à affronter pour réduire de 90% les émissions de CO2 des camions et des cars

La Commission européenne a proposé la semaine dernière un texte visant à sabrer les émissions de carbone des poids lourds et des autocars de 90% d'ici 2040. Mais le secteur des poids lourds fait face à de nombreuses problématiques, plus importantes encore que celles des voitures. Retour en 3 points sur les grands défis à affronter.
L'une des limites à franchir pour la filière des poids lourds et autocars est déterminée par le coût. Sur le secteur des voitures, on estime déjà que les prix ont augmenté de 20% entre 2019 et aujourd'hui, en partie lié à l'électrification. Problème : sur les camions, le retard est encore plus grand et les coûts seront donc plus élevés au début.
L'une des limites à franchir pour la filière des poids lourds et autocars est déterminée par le coût. Sur le secteur des voitures, on estime déjà que les prix ont augmenté de 20% entre 2019 et aujourd'hui, en partie lié à l'électrification. Problème : sur les camions, le retard est encore plus grand et les coûts seront donc plus élevés au début. (Crédits : Reuters)

La Commission européenne a tranché. Objectif : 90% de réduction des émissions de CO2 pour 2040 et 45% d'ici 2030 pour les poids lourds et les cars. Les bus urbains devant être, quant à eux, 100% propres d'ici 2030. Une décision dans la lignée de celle des voitures avec l'interdiction de la vente de véhicules thermiques pour 2035. Ce texte satisfait à moitié l'association Transport et Environnement qui aurait préféré la même mesure pour les voitures que pour les poids lourds. En effet, les camions ne représentent que 2% des transports, mais 27% des émissions de ce secteur.

Le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a estimé que la filière des poids lourds devait avoir un peu de marge pour se développer, étant donné qu'elle part de plus loin que les voitures. Aujourd'hui, 95% des camions ont des moteurs thermiques. Retour en 3 points sur les grands défis à affronter pour pouvoir atteindre cet objectif.

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Développer les infrastructures

Premier frein au développement : les infrastructures de recharge. Si elles sont déjà peu développées pour les voitures, c'est encore pire pour les camions. Selon Martin Lundstedt, directeur général du groupe Volvo, réduire de 45% les émissions sur les poids lourds d'ici 2030 signifierai atteindre 400.000 camions zéro-émission sur la route et 50.000 chargeurs électriques publics dont 35.000 super-chargeurs en Europe. À cela devra s'ajouter 700 bornes à hydrogène. Actuellement, seulement une dizaine de bornes de recharge sont disponibles et aucune en super-chargeur.

Pour un des représentants de Mercedes, le manque d'infrastructures est le point bloquant principal pour les clients. Pourtant, en octobre dernier, le Parlement européen a défini les premières règles pour inciter les États membres à déployer les bornes de recharge en fixant une borne électrique rapide tous les 60 km, mais uniquement sur le réseau transeuropéen de transport, et une borne tous les 100 km pour l'hydrogène.

Un objectif difficile à atteindre sans une aide financière importante des États. D'autant que d'autres freins à ce déploiement viennent s'ajouter : « Les fournisseurs d'énergie disent qu'ils ne peuvent pas tout faire, et les communes, où l'on voudrait installer les bornes, ne sont pas toujours d'accord pour financer ces projets », explique un représentant de Mercedes.

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Réduire les coûts

Autre limite à franchir pour la filière des poids lourds : les coûts des véhicules. Sur le secteur des voitures, on estime déjà que les prix ont augmenté de 20% entre 2019 et aujourd'hui, en partie lié à l'électrification. Problème : sur les camions, le retard est encore plus grand et les coûts seront donc plus élevés au début. Les camions électriques et à hydrogène coûtent entre 2 et 4 fois plus chers par rapport à leurs équivalent thermiques. Une situation qui pourrait mettre en péril des PME de transport estime la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) car celles-ci se voient refuser des prêts bancaires pour le financement de camions électriques.

La question est : qui paiera la facture pour accélérer cette transition ?

Bruno Le Maire a indiqué vouloir produire « 2 millions de véhicules zéro émission et développer une mobilité sobre, souveraine et résiliente, pour lequel 3,6 milliards d'euros de moyens financiers sont prévus » dans le cadre du plan France relance 2030. Pour y parvenir, le ministre de l'économie a également annoncé lancer un appel à projets pour financer les productions françaises de véhicules routiers. Mais aucun chiffre concernant les poids lourds et les autocars n'a été spécifié.

Contrairement aux voitures des particuliers, l'achat d'un poids lourd ou d'un autocar électrique ne bénéficie pas de subvention de l'État. « Nous recommandons de mettre en place un bonus pour l'achat de ces véhicules », estime le syndicat de la mobilité, Mobilians.

Augmenter l'autonomie

Enfin, le dernier point bloquant reste l'autonomie de ces véhicules. Les poids lourds et les autocars effectuant généralement de longues distances, l'autonomie et le temps de recharge des véhicules ne peuvent pas être considérés de la même manière que pour les voitures. Actuellement, les camions lourds dit « tracteurs » ont une autonomie autour de 350 km pour un temps de charge compris entre 4 heures et 8 heures sur une borne rapide. Un temps important qui n'est pas un problème pour les poids lourds revenant à leur point de départ le soir mais qui est impensable dans le transport de marchandises, en particulier de denrées périssables. Pour ces trajets longue distance, l'hydrogène pourrait être un atout, à condition qu'il soit décarboné et que son développement soit rapide.

Le groupe Mercedes, qui possède les camions Daimler, assure que la technologie permettra de répondre à cette limite et déclare travailler sur de nouvelles batteries lithium-fer-phosphate qui permettrait une autonomie de 500 km. Ces camions devraient voir le jour en 2024 et les 3,5 tonnes, plus petits, sont déjà sur le marché.

Pour les bus urbains, l'autonomie ne sera pas un problème car les distances sont courtes. En revanche, les autocars longue distance devront également trouver des solutions pour les longs trajets. C'est le cas de la compagnie de transport Flixbus qui effectue des recherches sur les batteries avec Mercedes. Si la compagnie se réjouit de ce texte adopté par la Commission européenne, elle admet des difficultés de chargement et un problème d'autonomie sur un de ses trajets tests entre Paris et Amiens effectué en 2018. Elle reste néanmoins confiante sur la capacité d'innovation des constructeurs.

Il reste encore beaucoup d'obstacles à franchir pour atteindre l'objectif fixé par la Commission européenne et il faudra plusieurs aides de la part des États pour parvenir à engager correctement la transition écologique des poids lourds et des autocars.

Autre question qui reste en suspens : quid des biocarburants ou du biogaz ? Si les associations environnementales considèrent qu'il ne faut pas aller vers ces technologies qu'elles estiment être « de transition », le secteur des poids lourds souhaite de son côté que ce mix énergétique soit pris en compte dans la réduction des émissions. La Commission n'en a pas parlé de son côté, affaire à suivre donc...

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Commentaires 14
à écrit le 24/02/2023 à 17:54
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Comment arriver à parler d'un sujet sans le connaitre: Tesla a résolu le problème du transport routier électrique. Ils ont un tracteur capable de faire 800Km sur une charge, avec 35T au bout. Donc, il ne reste plus qu'à mettre des bornes de recharge ...

à écrit le 21/02/2023 à 17:12
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Réduire de 90% les émissions ? Mais bien sûr ? Et pourquoi pas imposer des émissions négatives, pendant qu'on y est ?! Le délire bureaucratique et démagogue est à l'œuvre...

à écrit le 21/02/2023 à 16:22
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n'importe quoi. France 2% des émissions mondiales, on est déjà trés bien. Quand la chine l'inde et les USA nous atteignent on commencera à s'améliorer. Le faire avant comme l'UE le veut est juste du suicide économique

à écrit le 21/02/2023 à 15:47
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Il y a des voies ferrées en France (mais à remettre en état !) et le ferroutage , c'est certainement à redécouvrir comme en Suisse où près de 70% du trafic de transit de FRET est assuré par le RAIL!

à écrit le 21/02/2023 à 14:21
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"400.000 camions zéro-émission sur la route et 50.000 chargeurs électriques publics dont 35.000 super-chargeurs en Europe." je rappelle que le zéro émission n'existe pas ! Il faudrait pour cela que l'électricité produite soit à 0g/KWh. Beaucoup de pa...

à écrit le 21/02/2023 à 13:29
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On peut chercher des arguments sans fin pour dire que le ferroutage est compliqué et couteux , mais moins que le renouvellement d'un parc camion et d'un équipement de recharges sur les parcours routiers. Les trains existent et les voies sont électri...

à écrit le 21/02/2023 à 13:22
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Voilà un dossier bien brumeux où on part apparemment de presque rien. Tout peut arriver. On peut même retourner à une messagerie à l'ancienne, après tout les camions ne sont que des "chevaux" (vapeur) qui doivent être remplacés tous les 300 km, et "s...

à écrit le 21/02/2023 à 12:26
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"c'est encore pire pour les camions" ben oui, sans camion électrique pas de bornes de recharge de très haute puissance (nombreuses et bien placées) et vice-versa. Pourquoi devancer l'offre ? Y a pas marqué "Testla" (eux ont fait à l'envers, les borne...

à écrit le 21/02/2023 à 11:46
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On est dans le grand n'importe quoi, autonomie camion 350km et temps de recharge 4 à 8 h avec chargeurs rapides qui sont quasi inexistants. Et malgré tout cet engouement pour le tout électrique salvateur la trajectoire climatique ne va pas dériver d...

à écrit le 21/02/2023 à 9:42
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Ce sont des objectifs irréalisables

à écrit le 21/02/2023 à 9:14
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On pourrait commencer par mettre un maximum de remorques de "semi remorques" sur les trains pour les trajets longs. Ce serait efficace et coûterait bien moins cher dans l'immédiat. Un camion qui coûte 2 à 4 fois plus cher, ce sont des produits plus ...

le 21/02/2023 à 11:42
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Cela existe déjà mais les temps de chargement déchargement sont très importants et représente tout au plus quelques milliers de camions entre la frontière allemande et celle d'Espagne alors qu'ils circulent 70.000 camions par jour sur routes et autor...

le 21/02/2023 à 12:22
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J'ai lu il y a peu que le camion (à pétrole) était préféré au ferroutage à cause du prix, mais le % de surcoût n'était pas indiqué (c'est dommage, pour avoir un ordre de grandeur au moins). Le train c'est vertueux écologiquement mais donc cher. Ça po...

à écrit le 21/02/2023 à 8:56
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La diminution de la circulation passe par diminution des transports et déplacements inutiles ! Qu'on se le dise... ! ;-)

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